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Les Livres

La vie sans histoire de James Castle, Luc Vezin (par Catherine Dutigny)

Ecrit par Catherine Dutigny/Elsa , le Lundi, 17 Octobre 2022. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Arléa

La vie sans histoire de James Castle, Luc Vezin, éditions Arléa, août 2022, 224 pages, 19 € Edition: Arléa

 

La démarche originale d’un historien de l’art

C’est en page 39 du roman de Luc Vezin que l’on découvre ce qui aurait pu être son incipit lorsqu’il écrit à propos de son projet d’écriture et de son personnage principal, James Castle : « /…/ manipulé plus que guidé par cette ombre insaisissable et changeante, je me suis laissé entraîner au gré des écritures, de l’épopée aux confessions sordides ou pleurnichardes ; j’ai fait balbutier un mutique et écrire un illettré ; j’ai tâté du pire journalisme, de la froide documentation ; j’ai ouvert des journaux intimes et violé une correspondance imaginaire. J’ai rapporté des légendes auxquelles je ne croyais pas et cédé aux slogans mensongers des réclames. J’ai chanté faux en écorchant l’anglais. Et, pour finir en beauté, j’ai voulu faire parler les murs d’une maison vide, derrière lesquels se cachait James, avant de sombrer dans la poésie, comme d’autres dans l’alcool ou le crime. Et, après tant d’années vagabondes, moi qui, comme disait mon père, “Cherchais une histoire”, je n’ai rien trouvé d’autre à écrire que “La vie sans histoire de James Castle” ».

Les Carnets tchanqués, Pierre-Olivier Lambert (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 17 Octobre 2022. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED, Poésie

Les Carnets tchanqués, Pierre-Olivier Lambert, éditions Ars Poetica, ill. Corinne Pangaud, juillet 2022, 130 pages, 18 €

 

Bateaux, oiseaux, lumières

Ce recueil de 100 tankas, ici mélange stylistique entre Orient et Occident, suscite une lecture lente et qui peut se répéter (comme le Haïku japonais qui se prononce deux fois). Ce qui fait l’unité de ces poèmes très courts et saccadés, c’est le Bassin d’Arcachon, ce qui veut dire : marées, bateaux, lumières, mouettes et autres sternes ou goélands. Et aussi les maisons tchanquées, maisons sur pilotis très prisées.

L’expression poétique est souvent méditative ou plutôt, contemplative, presque muette et souvent immobile – comme dans un tableau –, en 5 vers condensés qui immobiliseraient l’action poétique, comme le préconise la tradition japonaise. Ce qui aboutit à une poésie très tendue, et surtout peu bavarde, telle la prononciation intérieure de ces cinquains, petites pièces de poésie de 5 lignes qui finissent par faire une litanie, un ostinato avec un fond mélancolique parfois.

Le Feu du Milieu, Touhfat Mouhtare (par Théo Ananissoh)

Ecrit par Theo Ananissoh , le Vendredi, 14 Octobre 2022. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman

Le Feu du Milieu, Touhfat Mouhtare, Editions Le Bruit du Monde, août 2022, 334 pages, 21 €

 

C’est quelque chose comme un roman à la fois réaliste et merveilleux. L’histoire d’une vie prise dans des circonstances sociales insolubles et une narration faite d’envolées imaginaires par besoin peut-être de « s’échapper » justement de ce réel sans issue. La romancière tisse avec une maîtrise remarquable une intemporalité qui laisse s’épanouir son sujet fondamental. Lequel ? Disons : le duo humain sur Terre – l’homme et la femme. Il est beaucoup question du Coran dans le roman ; de son étude, de son enseignement et de son interprétation. Il est donc permis de voir dans Le Feu du Milieu une intention d’être un texte sur le fondamental, un propos sur le primordial humain. L’imagination riche, la patience narrative, des séquences issues du Livre saint ou des légendes et contes populaires autorisent cette lecture. Le duo humain sur Terre donc. L’homme et la femme. Et les multiples modalités effectives de leur cohabitation éternelle – maître et esclave, père et fille, mère et enfant, riche et pauvre, dominant et dominé, noir et blanc, chasseur et proie, etc.

Ella dans les vagues, Britta Teckentrup (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Vendredi, 14 Octobre 2022. , dans Les Livres, Recensions, La Une Livres, Jeunesse, La Martinière Jeunesse

Ella dans les vagues, Britta Teckentrup, juin 2022, trad. anglais, Elsa Whyte, 32 pages, 13,90 € Edition: La Martinière Jeunesse

 

La petite fille et le cétacé

Cet album jeunesse placé sous un signe aquatique, les bleus et la liquidité, a été entièrement conçu par Britta Teckentrup (illustratrice et auteure de plus d’une soixantaine d’ouvrages, née à Hambourg, ayant étudié au Royal College of Art de Londres). Une immense baleine indigo ondoie sur la couverture recto verso, portant en surface dans une coque de noix éclairée d’un falot, un minuscule personnage. Et nous voici partis avec le sujet principal du récit, Ella, une petite fille, perdue dans les vagues, dans l’espace infini : « Ella navigue seule sur son petit bateau, loin très loin, au cœur de l’océan ». Les pages de garde dorées annoncent ainsi la plénitude.

Tout d’abord, Ella va traverser des eaux teintées de bleu ciel, de vert prairie puis de noir sidéral, ensuite de bleu nuit et de vert olive. Une puissante explosion chromatique surgit en même temps qu’un appel guttural des fonds marins. Un guide miraculeux (une colombe) projette de la lumière à la fillette qui ne le quitte pas des yeux. Les éléments vont se déchaîner, tourbillonner, éclaboussant la frêle embarcation ! Il faudra à Ella trouver en elle confiance et courage.

Sonia Mossé, une reine sans couronne, Gérard Guégan (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Jeudi, 13 Octobre 2022. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman

Sonia Mossé, une reine sans couronne, Gérard Guégan, Editions Le Clos Jouve, septembre 2022, 102 pages, 19 € . Ecrivain(s): Gérard Guégan

 

« La photo de Sonia que fit Wols le lendemain impressionnera l’ambassadeur du Reich en poste alors à Paris. Il verra en elle, ironie du sort, la parfaite représentation de la beauté germanique et parviendra à convaincre le directeur d’un hebdomadaire berlinois de la publier en bonne place.

Ainsi allait la vie à la veille d’une nouvelle grande tuerie ».

De livre en livre, de héros anonymes en héros invisibles, Gérard Guégan poursuit son roman du siècle passé, celui des surréalistes, des écrivains indomptables, des communistes perdus, des traîtres et des absents, des révoltés curieux, des goûteurs du monde, des amours, des guerres et des révolutions. Après avoir écrit un admirable portrait de Théodore Fraenkel (1), il se glisse à nouveau dans ces temps troublés et troublants, inventifs et terrifiants : les années trente.