Jeu de mots, jeux de maux, Philippe Garnier s’amuse à nous promener autour d’un rapprochement : Babel qui a donné le mot babil, provenant d’une onomatopée, et par dérivation, le langage d’expression du tout-petit : « tu as perdu ta langue ? »…
Composer, recomposer, partir d’un centre, former un cercle… ne sommes-nous pas tous autant que nous sommes, les habitants de la planète, des électrons libres en interférence, en éternel déplacement ? Tel est le personnage de cette fiction. Les frontières s’ouvrent et les langues retrouvent -recouvrent- la parole, allusion à Babel, cette entreprise, cet impossible élan à mettre ses forces en commun avec celles des autres, prétendre s’élever pour retomber, éclatés, épars, dépareillés.
Nuit du langage, tunnel de la naissance et de la mort dont les allusions fourmillent dans le livre -tuyaux de chantier, long tube du scanner-, et la quête de ce qui a été perdu : le narrateur n’a jamais entendu ses parents : « je n’ai jamais su si mes parents comprenaient ce que j’essayais de leur dire. Je mélangeais des mots appris dans la rue avec des sons éclos spécialement pour eux dans l’appartement, des sons qui changeaient d’un jour à l’autre et que j’ai peu à peu oubliés. Ils devaient en déchiffrer la plus grande part, puisque mes besoins de base étaient couverts » (p.12). Pourtant, la communication se fait entre l’intérieur (le foyer) et l’extérieur (la rue, l’école, les lieux de travail, de communauté).