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Les Livres

Le Diable, tout le temps, Donald Ray Pollock

Ecrit par Yann Suty , le Mercredi, 14 Mars 2012. , dans Les Livres, Recensions, La Une Livres, USA, Roman, Albin Michel

Le Diable, tout le temps (The Devil All The Time), 1er mars 2012, traduit de l’américain par Christophe Mercier, 376 p., 22 € . Ecrivain(s): Donald Ray Pollock Edition: Albin Michel

Le Diable, tout le temps est un livre « White Trash ». Terme qui désigne les laissés pour compte blancs des Etats-Unis, vivant dans des endroits miteux et qui essayent de joindre les deux bouts comme ils peuvent. Petits boulots, combines. Le cadre est sale et hostile, on boit, on se drogue, on se lave peu, très peu. Souvent, le seul moyen de s’arracher à sa condition est la violence.

Violent le livre l’est, assurément, et cette violence est d’autant plus palpable qu’elle est rendue par le style sec de l’auteur. Donald Ray Pollock ne se livre pas à de grandes envolées lyriques, de métaphores, de descriptions paysagères à la manière de Cormac McCarthy dont l’univers pourrait être proche (on pense à certains de ses livres comme Suttree ou Un enfant du bon dieu). Le ton est direct, froid, presque clinique. La phrase n’est jamais longue, ne s’envole pas, mais c’est pour mieux prendre à la gorge et ne plus resserrer son étreinte.

De la fin de la seconde guerre mondiale aux années 60, Le Diable, tout le temps met en scène plusieurs personnages, de l’Ohio à la Virginie Occidentale. Il y a Willard Russel, vétéran de l’enfer du Pacifique qui revient du pays hanté par des visions d’horreur. Son fils, Arvin, désemparé par le comportement de son père quand sa mère tombe malade. Carl et Sandy, un couple qui écume les routes à la recherche d’auto-stoppeurs qu’ils tueront après de sordides séances photos.

Karoo, Steve Tesich

Ecrit par Ivanne Rialland , le Mardi, 13 Mars 2012. , dans Les Livres, Recensions, La Une Livres, USA, Roman, Monsieur Toussaint Louverture

Karoo. Trad (USA) par Anne Wicke, février 2012. 608 p. 22 € . Ecrivain(s): Steve Tesich Edition: Monsieur Toussaint Louverture

C’est une drôle de maladie qui touche soudain Saul Karoo : alcoolique notoire, il devient incapable de se saouler. Pourtant, le « doc », expert en réécriture de scénarios, continue à boire, sans soif, de même qu’il continue à vivre : par habitude, pour ne pas décevoir. Parce que le mensonge, finalement, est tellement plus acceptable, cohérent, qu’une vérité qui n’a d’intérêt pour personne. Aussi malléable que les scénarios qu’il rafistole, il ne refuse qu’une seule chose : avoir une assurance maladie.

Étrange clown triste, Karoo fait soudain deux rencontres : une femme, un film. Et là, il cède à la tentation : réécrire sa vie, comme un scénario.

À travers la vie grotesque et tragique d’un scénariste américain, ce que nous propose Steve Tesich est une critique acerbe d’un entertainment qui ne sait que réduire le réel qu’à l’insignifiance et faire basculer la création dans le néant. L’humour, l’insurmontable distance avec lesquels le narrateur considère cet univers factice donne d’abord à ce dernier des allures faussement inoffensives : il s’agirait alors simplement de ne pas être dupe, et la passivité de Karoo peut être autant une complicité tacite qu’un efficace moyen de résistance.

Peeping Tom, Alessandro Mercuri

Ecrit par Yann Suty , le Samedi, 10 Mars 2012. , dans Les Livres, Recensions, Essais, La Une Livres, Récits, Léo Scheer

Peeping Tom, Editions Léo Scheer, 2011, 186 pages, 18 € . Ecrivain(s): Alessandro Mercuri Edition: Léo Scheer

Peeping Tom. Le voyeur en français. Comme le film de Michael Powell dans lequel un caméraman-tueur filmait les derniers instants de ses victimes, avant de les tuer. Le père de tous les snuffmovies.

Voilà un ouvrage étrange. Etrange n’est peut-être pas le mot qui convient le mieux, mais le premier qui vient à l’esprit quand on se retrouve devant ce livre qui ne ressemble à nul autre.

Les deux phrases en exergue donnent le ton.


« Créature mortelle et fugace, l’homme ne pouvant être voyant, doit être voyeur ». (Polyphème de Sicile, Mensonge et persuasion, VIe siècle, av. J.-C.).


“One of the great things about books is sometimes there are some fantastic pictures » (George W. Bush, 2000 ap. J.-C.).

Banquises, Valentine Goby

Ecrit par Lionel Bedin , le Lundi, 05 Mars 2012. , dans Les Livres, Recensions, La Une Livres, Roman, Albin Michel

Banquises. Août 2011. 246 p. 18 € . Ecrivain(s): Valentine Goby Edition: Albin Michel


Un point de départ simple et une histoire simple pour Banquises de Valentine Goby : une jeune femme part sur les traces de sa sœur disparue trente ans plus tôt lors d’un voyage au Groenland.

D’abord camper les personnages. C’est ce que fait l’auteure dans le premier chapitre. Le père. La mère. Les deux sœurs, Sarah et Lisa. Sarah, l’ainée, a une passion : la musique, le beau son, les salles de concert, qu’elle visite de par le monde comme d’autres visitent les musées. Une passion envahissante. Du coup tout le monde oublie un peu la petite, Lisa. Et puis le drame : un jour Sarah quitte la France pour le Groenland. Quelques mois plus tard l’avion revient sans elle. La mère s’enfonce dans la dépression. Le père trouve des dérivatifs. Lisa est toujours ignorée, non pas en raison de la trop grande présence de sa sœur, mais cette fois en raison de sa trop grande absence.

Puisque mon coeur est mort, Maïssa Bey

Ecrit par Nadia Agsous , le Vendredi, 02 Mars 2012. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Maghreb

Puisque mon coeur est mort, La Tour-d’Aigues, Editions de l’Aube, 2010, 255 p.- 17,80 € 
Editions Barzakh, Alger, avril 2010, pour l’Algérie, 184 p. . Ecrivain(s): Maïssa Bey

Dans la nuit du destin, sur le chemin du retour, un jeune homme est assassiné dans la fleur de l’âge. Il avait à peine vingt ans. Au moment où il s’affale sur le sol, il appelle sa mère : «ya M'ma, ya yemma !» (Ô Mère, ma Mère !).

C’est par cette scène tragique et douloureuse que Maissa, Bey nous introduit dans son dernier roman.

Aïda. Femme. Divorcée. « Sans homme, sans mari ou tuteur légal, ni père ». Enseignant l’Anglais à l’université. Vivant dans un appartement en compagnie de son fils à qui des assassins amnistiés par la loi de la Concorde civile viennent d’ôter la vie.

Douleur. Remords. Culpabilité. Haine. Solitude. Basculement dans la folie. Projet de vengeance. Intention meurtrière…

Mais comment ? Comment ? Comment vivre avec ce vide ? Comment se donner l’illusion de la présence de ce fils unique tant chéri ?

Par l’écriture ! a décidé Aïda. Et chaque jour, la voilà qu'elle « trace sur un cahier d’écolier le chemin – qui  la – mène à l’Absent.