L’enfance rend-elle imperméable aux mensonges et aux faux-semblants des adultes ? Selon Manuèle Peyrol, la réponse pourrait être positive si l’on est, comme le principal personnage de son roman, Marie, dotée d’une lucidité à toute épreuve et d’une perspicacité hors norme.
Marie est âgée de cinq ans en 1940. Elle demeure dans un appartement bourgeois avec vue sur le port d’Oran. Tout pourrait se passer très normalement à ceci près que Marie a, déjà, décelé dans l’attitude des adultes un côté ridicule qui la conduit à assimiler ces derniers à des baleines, en raison de la perception de leur taille, aussi démesurée que celles des vraies baleines.
Des échos de conversation tenues entre ses parents parviennent aux oreilles de Marie, des bribes de phrases captées dans les propos des habitants de son immeuble qui semblent se présenter comme des échantillons représentatifs de la société coloniale de l’époque : la « dame russe », ainsi que l’appelle Marie, en raison de son origine russe blanche, monsieur Pinchina, élégant, urbain, cultivant le raffinement, dont on apprend la judéité, la concierge Madame Visconti, la servante Amina, qui va conduire avec Marie quelques dialogues piquants sur les « Indigènes » et la transformation de l’Algérie : « Ils disent que c’est la France mais nous ne sommes pas des Français. Eux sont chez eux, et nous aussi nous sommes chez eux, même si nous sommes chez nous… »