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Les Livres

Certaines n'avaient jamais vu la mer, Julie Otsuka (2ème recension)

Ecrit par Stéphane Bret , le Mardi, 06 Novembre 2012. , dans Les Livres, Recensions, La Une Livres, USA, Roman, Phébus

Certaines n’avaient jamais vu la mer, trad. USA par Carine Chichereau, 142 pages, 15 € . Ecrivain(s): Julie Otsuka Edition: Phébus

La lecture de certains romans s’apparente, parfois, à une révélation douloureuse, une évocation puissante, grave. Celui de Julie Otsuka Certaines n’avaient jamais vu la mer est de ceux-là : c’est l’odyssée de jeunes japonaises, à qui on a promis de se marier en émigrant aux Etats-Unis pour rejoindre leurs compatriotes déjà établis en Amérique, et censés leur apporter le bonheur conjugal, l’accès à l’aisance matérielle. Hélas, ces candidates naïves sont cruellement déçues. Elles le sont dès leur traversée en bateau, accomplie dans les pires conditions, plus proche des transports d’esclaves que d’un voyage ordinaire. A leur arrivée, elles endurent des conditions de travail atroces, sont violées par leurs maris, êtres frustes, rustres, dont les métiers réels sont bien moins prestigieux qu’annoncés à leur départ du Japon.

Ce récit, c’est toute une chronique de la vie de ces immigrants japonais des années trente aux Etats-Unis, dont la cohabitation avec les Américains est difficile, parsemée d’embûches, dont l’éloignement culturel des deux civilisations n’est pas la moindre. La maîtrise de la langue anglaise par ces femmes est laborieuse, elles ne parviennent à apprendre que quelques mots durant leur séjour.

Dissonances N°23 : Superstar

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Lundi, 05 Novembre 2012. , dans Les Livres, Recensions, La Une Livres, Revues

 

Dissonances trace sa route. Non, la métaphore ne colle pas. Dissonances trace son chemin vicinal, sa voie – une voix – décalée et salutaire. En ces temps de rentrée littéraire et de prix déprimants, lire les étoiles, enfin les « superstars » de ce numéro 23, fait un bien fou. Au moral, à l’intelligence, aux zygomatiques aussi car on sourit, on rit, souvent.

Superstar, ça déménage. Imaginez seulement : il y a Johnny bien sûr, et Elvis, et Lou, Et Bob, et Mick, et James. Il y en a même pour les footeux, avec Marco, Alain, Sylvain. Vous pourrez vous amuser à refaire le chemin de Petit Poucet qu’on vient de vous suggérer. Et vous pourrez trouver d’autres cailloux à semer au long de cette piste aux étoiles.

 

Par chemin encore plus détourné, on a même la joie suprême – et l’immense honneur -  de croiser François. Oui LE François, le premier des Français. Sous forme d’un rap en anaphores. « Moi président de la république, je préfère me faire me faire sucer au bord de l’eau ». Oh pardon. Le choix n’est pas des plus élégants. Difficile de faire plus convenable cependant.

La grande et fabuleuse histoire du commerce, Joël Pommerat

Ecrit par Marie du Crest , le Dimanche, 04 Novembre 2012. , dans Les Livres, Recensions, La Une Livres, Théâtre, Actes Sud/Papiers

La grande et fabuleuse histoire du commerce, Actes Sud-Papiers, 72 p. 13,50 € . Ecrivain(s): Joël Pommerat Edition: Actes Sud/Papiers

Entre 1967 et 1969, Michel Vinaver écrivait Par-dessus bord, pièce dans laquelle il était question d’une entreprise française menacée par la concurrence américaine. Vinaver ridiculisait les méthodes du marketing triomphant. Joël Pommerat en 2012 s’attache à peindre le monde de la vente, de la prospection à domicile. Le titre est ironiquement grandiose et épique : la grande et fabuleuse histoire du commerce sera incarnée par un groupe de commerciaux, de V.R.P. de base, de vendeurs comme l’annonce la liste des personnages. Ils sont au nombre de cinq, ils écument une région définie en quête de clients. Ils n’ont pas d’intimité : ils n’apparaissent sur le plateau que dans des chambres d’hôtel impersonnelles et qui constituent l’unité de lieu (unique et multipliée). Ces chambres sont des territoires de transit où les personnages vont et viennent (entrée et sortie). Elles peuvent d’ailleurs devenir des scènes de théâtre improvisées.

Pommerat construit l’action selon un diptyque chronologique et historique. La première partie de la pièce couvre les années 60, parenthèse enchantée de l’économie française. Les vendeurs expérimentés ont entre cinquante et soixante ans. Franck lui, est une jeune recrue qui devra faire ses preuves dans le métier de la vente en suivant les conseils de ses collègues. L’apprentissage relève d’un jeu théâtral dérisoire, de travestissement. André l’ancien endosse le rôle de la cliente et Franck lui donne la réplique en jouant son propre rôle de débutant. Le jeu s’accompagne d’une didascalie de mise en scène : il ferme une porte imaginaire et va s’asseoir.

Anton Tchékhov, l'amour est une région bien intéressante

Ecrit par Lionel Bedin , le Samedi, 03 Novembre 2012. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Russie, Récits

Anton Tchékhov, L’Amour est une région bien intéressante, Correspondance et Notes de Sibérie, Trad. russe Louis Martinez, Éd. Cent pages, 2012 . Ecrivain(s): Anton Tchékhov

 

C’est entre avril et juillet 1890 qu’Anton Tchékhov effectue un voyage à travers la Sibérie vers l’Extrême-Orient russe, pour vérifier ce qu’on en dit, pour témoigner de la réalité de cette province isolée, pour voir le katorga (le bagne) situé dans l’île-prison de Sakhaline, un asile pour bannis et reclus. « Après l’Australie jadis, et Cayenne, Sakhaline est le seul endroit où il soit possible d’étudier une colonisation formée par des criminels ». Outre les tentatives pour le dissuader, il y a d’abord les questions sur l’utilité de ce voyage. « Admettons que mon voyage ne serve à rien, qu’il soit entêtement et caprice ; réfléchissez un peu et dites-moi ce que je perds en partant ? » On ne perd jamais rien en voyageant : « même si ce voyage ne m’apporte strictement rien, se peut-il malgré tout qu’il n’y ait pas sur sa durée deux ou trois jours dont je ne me souvienne toute ma vie avec enthousiasme ou amertume ? ». Il veut donc aller voir, écouter, étudier. Il en reviendra transformé.

Le voyage « aller » durera trois mois. La grand-route sibérienne – « la plus grande et apparemment la plus affreuse route du monde » – est assez sûre : on parle bien de vagabonds qui égorgent parfois « une misérable vieille pour lui prendre sa jupe et s’en faire des chaussettes », mais aussi des cochers qui ne volent pas leurs clients.

Le dernier Juif de Tamentit, Amin Zaoui

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 01 Novembre 2012. , dans Les Livres, Recensions, La Une Livres, Roman, Maghreb

Le dernier Juif de Tamentit. Ed. Barzakh (Alger). Octobre 2012. 142 p. . Ecrivain(s): Amin Zaoui

 

 

Amin Zaoui écrit de gauche à droite – pour reprendre une des expressions qu’il aime à manier dans ses chroniques hebdomadaires « Souffles » du journal « Liberté » en Algérie. De gauche à droite, en français donc. Mais qu’on ne s’y trompe pas, c’est en apparence seulement. Même s’il écrit la langue française avec un art étincelant, Zaoui sait que l’outil linguistique n’est pas la pâte culturelle que l’on rencontre à chaque page de ce livre.  La pâte culturelle vraie, elle s’écrit de droite à gauche. En arabe sûrement. En hébreu aussi et c’est là le fil rouge, la basse continue de cette oeuvre.

Cette pâte est d’abord algérienne. Ce livre n’est pas vraiment un roman, pas une narration, c’est plutôt un conte polymorphe et en cela il rejoint une tradition ancienne du conte algérien, voire arabe. Conte philosophique, moral, spirituel, érotique : le lien millénaire avec la grande littérature arabe est évident, il porte en fait cet opus.