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L’usure d’un monde, Une traversée de l’Iran, François-Henri Désérable (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Vendredi, 16 Juin 2023. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Récits, Gallimard, Voyages

L’usure d’un monde, Une traversée de l’Iran, François-Henri Désérable, Gallimard, mai 2023, 160 pages, 16 € . Ecrivain(s): François-Henri Désérable Edition: Gallimard

 

« La terre craquelée, les dunes de sable, les crêtes rocheuses, l’ocre et le beige, coupés quand vient le soir d’un vert cendreux… Il faudrait être au moins Lawrence d’Arabie pour décrire le désert. J’aimerais savoir le faire. Je ne sais pas. Il doit y avoir comme ça quelques paysages seulement faits pour être vus ».

« L’agrément dans ces lents voyages en pleine terre, c’est – l’exotisme une fois dissipé – qu’on devient sensible aux détails, et par les détails, au provinces. Six mois d’hivernage ont fait de nous des Tabrizi qu’un rien suffit à étonner » (1).

L’usure d’un monde doit beaucoup au récit de Nicolas Bouvier – L’Usage du monde est devenu ma Bible – notamment celui de la traversée de l’Iran, découvert par l’écrivain à l’âge de vingt-cinq-ans, et comme lui, il va se rendre en Iran pour prendre la vraie mesure du monde, en même temps que son pouls.

Les silences d’Alexandrie, Michèle Gazier (par Patrick Abraham)

Ecrit par Patrick Abraham , le Vendredi, 16 Juin 2023. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Mercure de France

Les silences d’Alexandrie, Michèle Gazier, Mercure de France, mai 2023, 176 pages, 17,80 € Edition: Mercure de France

« L’écriture est cannibale. Je sais qu’un jour j’apparaîtrai dans un de vos romans et je détesterai l’image que vous donnerez de moi ».

Le tout récent roman de Michèle Gazier, Les silences d’Alexandrie, ne se déroule pas à Alexandrie mais à Montpellier, Paris et Marie-Galante avec un détour par l’Espagne et l’hiver canadien. On s’y promène peu dans la ville chère à Constantin Cavafy, à E.M. Forster, à Lawrence Durrell et à Alain Blottière (1). On ne découvre pas sa géographie intime. La narratrice n’y mettra jamais les pieds. Mais cette ville à la forte charge poétique comme Lisbonne, Prague ou Trieste, par l’origine supposée d’un des personnages et les énigmes qui l’entourent, est au cœur du récit et justifie son titre.

Comme dans les livres antérieurs de Michèle Gazier, il est question d’identité personnelle, de mémoire et de secrets de famille longtemps dissimulés ; il est question de transmission ; il est question du pouvoir salvateur et manipulateur des mots. Ecrire, c’est tenter d’ordonner le chaos du monde ; c’est entrer en conflit avec la loi commune faite d’oubli, d’indifférence, de vanité paresseuse ; c’est attirer le lecteur dans un piège, le compromettre, l’obliger à renoncer à son confort.

Les ébouriffés, Anne Cortey, Thomas Baas (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Vendredi, 16 Juin 2023. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Grasset, Jeunesse

Les ébouriffés, Anne Cortey, Thomas Baas, Grasset Jeunesse, Coll. Lecteurs en herbe, avril 2023, 32 pages, 16,90 € Edition: Grasset

La traversée des nuages

Anne Cortey (née en 1966 à Avignon, devenue auteure et illustratrice après une maîtrise d’histoire de l’art), a écrit le texte de ce bel album jeunesse que Thomas Baas (né en 1975 à Strasbourg, diplômé des Arts décoratifs de Strasbourg) a richement illustré. Le livre aux dimensions de 30x20 cm, à la couverture reliée, fort de 32 pages, se présente aux jeunes lectrices et lecteurs en format paysage, ce qui est inhabituel et donc original.

Deux couleurs prédominent, complémentaires : le vert – vert émeraude, vert olive –, et des gammes d’orange – mat ou carotte – et de rose fuchsia. Les éléments du paysage, liquides et solides, les différentes espèces animalières entourent une cabane solitaire en bordure de lac. Dès le lever, les ébouriffés, en compagnie de leur chien, court sur pattes, vont faire fi de la pluie pour s’élancer joyeusement vers la cime des arbres. Et une aventure va commencer : la traversée des nuages. Et cela de l’aube à minuit… « La tête et les bras levés vers l’océan, / les ébouriffés se tiennent debout / sur l’herbe encore humide ». Les voilà partis très loin !

En bleu adorable, Carnets 2019-2022, Pascal Boulanger (par Murielle Compère-Demarcy)

Ecrit par MCDEM (Murielle Compère-Demarcy) , le Vendredi, 16 Juin 2023. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Poésie, Tinbad

En bleu adorable, Carnets 2019-2022, Pascal Boulanger, Éd. Tinbad, avril 2023, 90 pages, 15 €

L’écriture poétique, inactuelle : atemporelle, et intempestive, peut-elle rendre compte du tohu-bohu et des aléas du monde qui nous entoure ? Joseph Delteil n’écrivait-il pas que le poète existe « à contre-temps » ? Autrement dit que faute d’occuper un monde habitable, le poète habite un autre monde, toujours à l’écoute de celui qu’il ne peut changer mais à l’écart, depuis un éloignement choisi d’où son regard observera canalisera exprimera par la transfiguration ou la figuration poétique des mots. Pascal Boulanger reprend, dès la première page, cette assertion éloquente de Claude Minière : « Quand vous êtes un poète, vous êtes fixé là, dans l’éloignement ». Cet éloignement, peut se demander le lecteur lambda, légitimise-t-il le fait que le poète puisse rendre compte du réel pragmatique de la vie journalière ? Oui, si l’on postule que tout poète est nécessairement au monde, que son état civil l’érige en citoyen du monde comme tout individu acté dans la société, et qu’écrire, en l’occurrence écrire de la poésie, incite à une mise à distance de la réalité propice à l’interprétation objective du réel environnant et de l’état du monde dans lequel le poète se positionne. Pascal Boulanger, poète et critique littéraire, atteste d’ailleurs par son parcours que l’écriture poétique peut chez un même auteur se pratiquer dans l’espace scriptural, simultanément à l’art poétique, lequel peut induire une vision éthique et politique que souhaitera, ou non, rendre publique le poète en question.

Entretenir le feu, Max Alhau (par philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Jeudi, 15 Juin 2023. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Poésie

Entretenir le feu, Max Alhau, éditions L’herbe qui tremble, mars 2023, 108 pages, 17 € . Ecrivain(s): Max Alhau

 

Le poète recueille dans ce livre composé de trois parties (Quelqu’un qui rêve quelque part – En marge du silence – Moissonner les instants) ses thèmes majeurs. Il s’agit pour lui de sauver les traces d’un passé qui importe au plus haut point, de conserver cette mémoire précieuse et précise du passé. Combien de vocables ici renvoient à cette mémoire du monde !

Combien de « visages perdus » à reconquérir !

Combien de pans entiers à sauvegarder, grâce aux mots.

Dans cette quête éperdue, les poèmes visent à nommer l’essentiel : ces imparfaits qui allongent le temps, cette attente superbe des mots, des traces, des moments à venir.

Cette recherche s’aligne en des textes brefs, qui ménagent les images et gomment les imprécisions :