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Nevernight, Tome 1, N’oublie jamais, Jay Kristoff (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Mercredi, 28 Juin 2023. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Science-fiction, Roman

Nevernight, Tome 1, N’oublie jamais, Jay Kristoff, éditions J’ai Lu, Flammarion, octobre 2022, 784 pages, 10,50 € ; Tome 2, Les grands jeux, mars 2023, trad. anglais (Australie) Sébastien Guillot, mars 2023, 800 pages, 11 €

 

Une formule permet de comprendre le succès mondial de la série de fantasy Nevernight : redoutablement efficace. Rien à redire : l’Australien Jay Kristoff mène son récit tambour battant, tient le lecteur en haleine (même si le lecteur aguerri sait plus ou moins dans quelle direction se dirige l’histoire), joue du rebondissement, de l’alternance parfaite entre scènes violentes et profondeurs (voire ténèbres) psychologiques, le tout parsemé de considérations oscillant entre religion et politique d’un univers spécifique aux multiples contrées et mœurs, d’un rien de désir sexuel connaissant son apogée en une poignée de scènes explicites, et de notes humoristiques noires au possible. Nevernight, à l’image de son héroïne Mia Corvere, est une machine de guerre destinée à vaincre les réticences de tout amateur de fantasy, qui se retrouve à tourner les pages de façon quasi frénétique.

Les tortues, Loys Masson (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 27 Juin 2023. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, En Vitrine

Les tortues, Loys Masson (1956), L’Arbre Vengeur, 2021, 302 pages, 17 €

 

Nous avons, généralement, un regard amical sur les tortues, animaux paisibles, dont la lenteur semble évoquer la sagesse. Le narrateur de ce roman leur voue une haine mortelle, jusqu’à les écraser quand l’occasion se présente, voire les torturer savamment avant de les achever. L’histoire que raconte ce roman éclaire sur cette étrange passion sombre, héritée d’un souvenir d’enfance effrayant.

Le narrateur n’aura pas de nom, comme dans un contrepied parfait du célèbre incipit du roman de Melville qui hante les pages de celui-ci – Appelez-moi Ishmael. Mais comme Ishmael, c’est un jeune marin qui va s’embarquer pour un voyage terrible, dans les pas d’un commandant qui a bien des traits communs avec Achab et d’un compagnon de chambrée qui semble droit descendu de Queequeg. L’ombre de Melville, inévitable, une fois dite, il reste un roman époustouflant, dont l’économie narrative et la poétique particulière font un roman unique, terrible et précieux. Le Diable melvillois était hors du Pequod, dans l’abîme de l’Océan ; celui de Masson est dans La Rose de Mahé, niché dans le sang et la chair des hommes, dans l’abîme des corps. Au gigantisme de la Baleine Blanche, Masson répond par la taille microscopique d’un virus, celui de la variole installée aux Seychelles

Minuit moins une, Sébastien Le Jean (par Jean-Jacques Bretou)

Ecrit par Jean-Jacques Bretou , le Mardi, 27 Juin 2023. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Polars, Folio (Gallimard)

Minuit moins une, Sébastien Le Jean, Folio Policier, avril 2023, 461 pages, 9,70 € Edition: Folio (Gallimard)

 

Tandis que Ronan Sénéchal, commandant à la Crim s’adonne aux joies nouvelles de la paternité, en accueillant avec sa toute jeune femme, Nathalie, la venue au monde de son fils Gaspard. Tandis que cet homme cassé par sa vie de flic célibataire décide de changer sa manière d’être en acceptant d’obéir à ses sentiments. De partager, ce qui lui était inconnu jusqu’alors, un amour sans limite avec son épouse et de s’autoriser à s’abandonner à la tendresse qu’il ressent pour son bébé nouveau-né, de pouponner, le Bastion (ex 36 quai des orfèvres) le ramène au principe de réalité en lui rappelant qu’il fait toujours partie de la maison. La tête encore dans les nuages, il apprend la découverte du cadavre d’un PDG, géant de l’industrie automobile faisant partie du CAC 40, Dampierre, assassiné dans une résidence située en région parisienne, dans un bunker hautement sécurisé, conçu pour survivre à l’éventuelle fin du monde. La mort d’un riche industriel ne laissant pas le procureur de la république indifférent, surtout lorsque la victime porte gravé dans la chair de son dos : « Les rats quittent le navire/Les coupables paieront/La terre sera purifiée/Le déluge arrive », ce dernier charge le commandant de police de résoudre cette affaire au plus vite.

Autobiographie, Charles Darwin (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Lundi, 26 Juin 2023. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Essais, Biographie, Editions Honoré Champion

Autobiographie, Charles Darwin, éd. Honoré-Champion, octobre 2022 (édition par Nora Barlow, rétablissant les passages supprimés de la publication originale), trad. Aurélie Godet, Michel Prum, Patrick Tort, 296 pages, 19 € Edition: Editions Honoré Champion

 

Oublié aujourd’hui, Ernst von Hesse-Wartegg (1851-1918) fut un ingénieur et voyageur autrichien qui semblait sortir d’un roman de Jules Verne. À peine âgé de vingt-quatre ans, il avait déjà publié un livre sur les machines-outils et un autre sur la faisabilité technique d’un tunnel sous la Manche. En 1875, il communiqua à Charles Darwin une recension d’un de ses ouvrages en le priant de bien vouloir lui faire parvenir une esquisse biographique destinée à paraître dans un journal allemand.

La requête du jeune ingénieur dut consonner avec les préoccupations propres de Darwin, alors sexagénaire, qui se mit à rédiger une autobiographie dont les dimensions dépassèrent vite l’espace éditorial initialement alloué par Hesse-Wartegg (deux colonnes d’un quotidien comme le Times). Darwin écrivit de mai à août 1876 et ne cessa ensuite d’enrichir son manuscrit, qui ne sera publié qu’en 1887, cinq ans après que le grand naturaliste eut été inhumé en l’abbaye de Westminster, comme toutes les gloires de Grande-Bretagne (Shakespeare excepté).

La Louve de Dêrsim, Yasmina Kramer (par Stéphane Bret)

Ecrit par Stéphane Bret , le Vendredi, 23 Juin 2023. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Roman, Belfond, Histoire

La Louve de Dêrsim, Yasmina Kramer, Belfond, mai 2023, 178 pages, 20 € Edition: Belfond

 

En ce jour terrible du 13 novembre 2015, Paris ébauchait dans la soirée ce recensement macabre du nombre de morts et de blessés dans l’Est parisien, où avaient eu lieu les principales attaques terroristes. À quatre mille kilomètres de là, les forces kurdes procèdent à la libération de la ville de Şengal, dans le Kurdistan irakien. C’est cette guerre des femmes kurdes que décrit Yasmina Kramer dans un roman très inhabituel dans le ton général, mais bouleversant sur le fond. L’auteure du récit s’attache très sobrement à la description des combattantes, à leur origine, à leurs motivations : la narratrice, ainsi qu’Assîa, font partie des YPG, les unités de protection du peuple. Assîa dirige sous sa responsabilité quarante hommes et femmes. Les buts de la guerre sont simples, évidents aux yeux de ses troupes : lutter contre Daech, cette bande de barbares fanatiques, d’égorgeurs, de terroristes rétrogrades, qui pratiquent la terreur à grande échelle, les viols, la lapidation, pire châtiment pour les femmes qui subissent ces atrocités. Ces maquisardes excellent dans la formation au maniement des armes : charger une kalachnikov, s’entraîner au tir, ajuster rapidement son lance-roquettes…