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La Une Livres

Bunny Lake a disparu, Evelyn Piper (par Jean-Jacques Bretou)

Ecrit par Jean-Jacques Bretou , le Jeudi, 06 Juillet 2023. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, USA, Roman, Denoël

Bunny Lake a disparu, Evelyn Piper, Éditions Denoël, mai 2023, trad. anglais (USA), Jean Slavik, 248 pages, 22 € Edition: Denoël

 

Blanche Lake, jeune mère célibataire, qui vient de débarquer à New-York avec sa fille Félicia, surnommée Bunny, fait un détour à la boutique de fruits et légumes près de chez elle pour acheter à son enfant une belle pomme. Elle en choisit une bien brillante dans une pyramide de fruits luisants de fraîcheur. Madame Negrito, la vendeuse, fait une réflexion comme quoi il est dommage que son fils, Eddie, ne soit pas là. Blanche, surprise, réagit en faisant remarquer qu’elle ne savait pas que ce gamin qui la suivait jusque devant chez elle était son fils. Madame Negrito explique alors à Blanche que son fils semble avoir une attirance pour elle et que cela à donné lieu à une algarade entre Eddie et son père qui lui a reproché ses manières de faire, ce qui a mis en fureur le gamin. Blanche, après avoir payé ses emplettes, est sortie en disant à Madame Negrito qu’elle ne remettrait plus les pieds dans sa boutique si cela devait amener ce genre de problème. Son chemin faisant, elle s’est fait la réflexion que la pomme était bien trop brillante pour que ce soit dû à la seule fraîcheur, elle s’est mise alors à penser que par dépit Eddie avait dû cracher sur les fruits. Elle a alors jeté celui-ci dans le caniveau avant de poursuivre son chemin jusqu’à l’école pour récupérer sa fille.

Inscription sacrée, Évhémère de Messène (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Mardi, 04 Juillet 2023. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Essais, Bassin méditerranéen, Les Belles Lettres

Inscription sacrée, Évhémère de Messène, Les Belles Lettres, novembre 2022, trad. Sébastien Montanari, Bernard Pouderon, 330 pages, 45 € Edition: Les Belles Lettres

 

Il faut toujours partir de ce fait tellement massif qu’il en est devenu invisible et que nous n’y pensons même plus : l’écrasante majorité de la littérature gréco-latine a disparu sans retour. Pas seulement les œuvres qui eussent été jugées mineures (et par qui ?), mais des dizaines de tragédies composées tant par Eschyle (nous en avons conservé 7 sur 110) que par Sophocle (8 sur 123) et par Euripide (19 sur 92) ; tragédies dont nous ne connaissons plus que les titres.

Nous savons bien, d’un côté, que la survie de ce qui nous est parvenu à travers vingt-cinq siècles de vicissitudes diverses n’a tenu qu’à une succession de miracles philologiques, improbables, comme le sont tous les miracles ; mais d’un autre côté on ne comprend pas pourquoi ces miracles ne se sont pas produits avec d’autres œuvres (pourquoi avons-nous conservé l’Antigone de Sophocle et pas son Laocoon ou son Iphigénie ?). Car cette disparition semble s’être produite de bonne heure et il n’est pas plausible, quels que soient les fantasmes inavoués ou les idéologies avouées des uns et des autres, d’incriminer les copistes monastiques ou les invasions arabes.

Sorciers et magie, Gardner Dozois (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Lundi, 03 Juillet 2023. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Anthologie, J'ai lu (Flammarion)

Sorciers et magie, Gardner Dozois, J’Ai Lu, avril 2023, trad. anglais, Arnaud Mousnier-Lompré, 736 pages, 12 € Edition: J'ai lu (Flammarion)

 

Une bonne anthologie est supposée éveiller le désir d’aller à la rencontre d’auteurs et d’œuvres ; à ce titre, Sorciers et magie est une excellente anthologie de fantasy. Feu Gardner Dozois y propose un aperçu assez complet du genre par le biais de l’activité qui agace au plus au point les rationalistes de tout poil ; la magie – mais sans magie, quel récit vaut la peine d’être lu, puisque tout grand auteur est un peu magicien, avec une tendance à sortir de son encrier un lapin événementiel quelconque ? Dozois avait déjà proposé trois autres biais de découverte de la fantasy, dans lesquels la magie était présente au moins en arrière-plan, puisqu’elle est partie prenante du genre : Dangerous women (en deux tomes), Vauriens, et l’adéquatement nommée Épées et magie, et Sorciers et magie, est à la hauteur de ces trois autres anthologies.

Étude d’éloignement, Emmanuel Moses (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Vendredi, 30 Juin 2023. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Poésie, Gallimard

Étude d’éloignement, Emmanuel Moses, Gallimard, mai 2023, 80 pages, 14,50 € . Ecrivain(s): Emmanuel Moses Edition: Gallimard

 

Une quarantaine de livres à ce jour, dont vingt-deux livres de poésie. Voici le dernier, assez bref mais dont la densité révèle des aspects nouveaux, comme ce retrait pour mieux voir, comme si une focale du poète permettait ainsi de mieux traiter tout objet, tout sujet. Faut-il s’écarter du chemin pour mieux saisir le côté complexe du monde ? Faut-il à ce point s’éloigner, au risque de perdre ce que l’on aime ?

Le poète Moses dont j’avais aimé plusieurs livres (Quatuor ; Cette lumière dans cette obscurité ; Monsieur Néant) s’attache à analyser son rapport au réel, entre mentions intimes et aspects fictionnels. D’une fenêtre, d’un surplomb, il suit l’avancée de personnages qu’il s’attribue ou non, « hôtes de passage », « souvenirs et notes » d’un génie musical, « de la fenêtre de ma cellule ». Même « Monsieur Néant » est du voyage : petit blason de référence et autocitation de son auteur.

Flamboyants au crépuscule, Christian Dufourquet (par Patryck Froissart)

Ecrit par Patryck Froissart , le Jeudi, 29 Juin 2023. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Editions Maurice Nadeau

Flamboyants au crépuscule, Christian Dufourquet, Editions Maurice Nadeau, Les Lettres Nouvelles, mai 2023, 110 pages, 16 € Edition: Editions Maurice Nadeau

Un homme, dont on apprend en suite de lecture qu’il est écrivain, allongé, sur un lit : telle est la position initiale du narrateur qui se dédouble en un IL qu’il met en scène dans la rétrospection, par une succession d’analepses dénuées d’ordre chronologique, de ce qui lui revient aléatoirement, de façon décousue, des moments les plus signifiants du cours de sa vie, flamboyants au crépuscule. Il gît là immobile, plausiblement incapable de bouger, sauf peut-être pour écrire, transcrire ce que perçoit son esprit seul pouvant se mouvoir au travers de l’espace et du temps. On appréhende qu’il plane entre la vie et la mort.

Il ouvre les yeux et se voit coincé à mi-hauteur d’une échelle qui paraît s’agrandir dans les deux directions. En haut, un plafond démesurément étréci où pend peut-être une ampoule à atteindre. En bas, un monde d’ombres qui se chevauchent, les vagues d’une mer irréelle. Et lui, au milieu ou à peu près, un insecte à la carapace chitineuse, qui se demande, si tant est que ses antennes recroquevillées autour de son corps embrumé lui procurent une conscience a minima de son environnement, ce qu’il fait là, en suspens entre deux mondes…