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Aurélie et son secret, Sabine du Faÿ (par François Baillon)

Ecrit par François Baillon , le Vendredi, 09 Juin 2023. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Jeunesse

Aurélie et son secret, Sabine du Faÿ, Oskar Éditeur, 2017, 208 pages, 14,95 €

 

Ce roman de Sabine du Faÿ, qui écrit exclusivement à destination de la jeunesse, met en scène une enfant de neuf ans qui se découvre une particularité physique. Ce qui s’annonce comme un événement fantastique (au sens littéraire comme au sens de l’exception) axe rapidement le cours des choses sur l’isolement dans lequel se retrouve Aurélie – isolement qu’elle s’inflige elle-même, en raison de cette découverte qui la déstabilise, isolement dû également à sa personnalité fantasque et rêveuse.

Le roman commence avec la séparation des parents : leurs trois enfants sont alors confiés aux soins des grands-parents, qui habitent « au milieu de la banlieue couleur serpillière » (p.38). Aurélie ne trouve aucun crédit auprès de sa famille, et bien que les mots n’y soient pas, elle se sent dévalorisée par le regard de sa mère, psychologue de métier, hautaine, autoritaire et un tantinet superficielle. C’est donc presque naturellement qu’elle va se tourner vers une voisine de son âge, Émilie ou « Casque d’or », contrainte de vivre sur un fauteuil roulant et de rester chez elle. L’isolement qui est leur quotidien les conduit au développement d’une amitié, non dénuée de bêtises et, parfois, de dangers insensés.

Silas Marner, Le tisserand de Raveloe, George Eliot (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Jeudi, 08 Juin 2023. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Iles britanniques, Roman, Folio (Gallimard)

Silas Marner, Le tisserand de Raveloe, George Eliot, Folio, janvier 2023, trad. anglais, Pierre Leyris, Alain Jumeau, 368 pages, 9,20 € Edition: Folio (Gallimard)

Au dix-neuvième siècle, deux George se partagent la renommée littéraire : Sand, la Française, et Eliot, l’Anglaise, et la seconde admirait l’œuvre de la première. D’ailleurs, à certains égards, cette admiration transparaît dans Silas Marner (1861) : il y a de La Mare au diable et de La Petite Fadette, ces beaux récits ruraux publiés quatorze et douze ans auparavant, dans cette évocation d’une rude campagne anglaise où la solitude et l’habitude semblent la règle, et que survienne une belle exception à cette règle !

Reprenons. Silas Marner est le troisième roman de George Eliot, qui vient de rencontrer le succès critique et public avec Le Moulin sur la Floss juste un an auparavant : à cette vaste fresque d’un amour tragique succède un récit plus bref, resserré, dont les quelque deux cents premières pages manuscrites effrayeront l’éditeur lorsque l’autrice les lui enverra – trop sombres, trop tragiques. Ses craintes s’avéreront vaines : le troisième tiers de Silas Marner est lumineuse, comme cela advient régulièrement dans le roman anglais du dix-neuvième siècle ; aux Français les fins désespérantes, aux Anglais la rédemption finale.

Peindre l’hiver, Notes sur La Pie de Claude Monet, Gérard Titus-Carmel (par Charles Duttine)

Ecrit par Charles Duttine , le Jeudi, 08 Juin 2023. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Arts, L'Atelier Contemporain

Peindre l’hiver, Notes sur La Pie de Claude Monet, Gérard Titus-Carmel, L’Atelier Contemporain, Collection Phalènes, avril 2023, 32 pages, 7 € Edition: L'Atelier Contemporain

 

La fausse candeur du blanc

Que peindre, comment peindre et pourquoi ? Tant d’interrogations présentes à l’esprit de celui qui cherche à fixer un sujet sur la toile. A la première question, l’artiste qui s’engage dans une œuvre a sans doute la réponse. Quoique ? On sait que dans n’importe quel domaine artistique, l’idée initiale qui motive la création peut être oubliée, dépassée, surmontée en cours de route. Il suffit de penser au documentaire de Henri-Georges Clouzot, Le Mystère Picasso, où l’on voit le peintre tâtonner dans sa démarche, aller d’une forme première à une autre, sans que la dernière ne puisse pleinement, semble-t-il, le satisfaire. Pour reprendre des mots de Maurice Blanchot, c’est « une œuvre qui s’accomplit en se supprimant, qui se prouve en se confrontant avec elle-même et se suspend tout en s’affirmant ».

La Mort à Venise (Der Tod in Venedig, 1912), Thomas Mann (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mercredi, 07 Juin 2023. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Langue allemande, Roman, Le Livre de Poche, En Vitrine, Cette semaine

La Mort à Venise (Der Tod in Venedig, 1912), Thomas Mann, Le Livre de Poche, trad. allemand, Félix Bertaux, Charles Sigwalt, Axel Nesme, 138 pages . Ecrivain(s): Thomas Mann Edition: Le Livre de Poche

 

Roman d’un déclin inéluctable inscrit dans une Venise glauque, écrasée de soleil et de puanteurs, assaillie par une épidémie de choléra, La Mort à Venise est un thrène dédié à la vieillesse et à la déchéance d’un homme. Loin, très loin des clichés de la Venise des fêtes et des touristes de la Place Saint-Marc, cette novella nous invite à entendre les derniers élans, la dernière passion, les derniers doutes, le dernier désespoir, le dernier souffle de Gustav Aschenbach, un écrivain quinquagénaire, venu à Venise pour nourrir son amour des arts et échapper un temps à sa ville d’origine, Munich, qui le déprime.

C’est un Ange qui va l’accompagner dans ce dernier chemin. Un Ange droit sorti d’un tableau de Léonard, aux traits fins, presque féminins, aux cheveux longs et ondulés. Tadzio. Dans les lignes qui suivent, surgit le Saint Jean-Baptiste de maître Leonardo, et Mann place l’image réelle au-dessus de celle de l’artiste.

Évohé ! Évohé !, Carmen Pennarun (par Parme Ceriset)

Ecrit par Parme Ceriset , le Mardi, 06 Juin 2023. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Poésie

Évohé ! Évohé !, Carmen Pennarun, éditions Constellations, février 2023, 82 pages, 12 €

 

Une poésie à la fois profonde et fraîche, des mots « bulles-vert chlorophylle », des « arpèges sensitifs » qui font entrer le lecteur en résonance avec la nature, voici l’univers dans lequel on pénètre en lisant Évohé ! Évohé !, de Carmen Pennarun. Très proche du monde végétal, de la forêt et de « ses gardiens » qui « élèvent de jeunes pousses loin de la sauvagerie humaine », l’auteure se sent portée par une forme de « solidarité sylvestre ». Ainsi considère-t-elle les arbres comme des « témoins silencieux qui filtrent le défilé de la vie », et auxquels elle accorde « la confiance qu’on ne doit qu’aux grands maîtres ».

Et c’est sur les sentiers de la sagesse que la poète avance, partageant généreusement ses mots vecteurs de sérénité, d’acceptation :

« Regarde tomber les fruits que tu n’as pas choisis, accepte tout sans rien trier ».

Elle sait que la patience est indispensable à celui ou celle qui est en quête d’apaisement :

« Hier – une paix s’annonçait que demain attend toujours ».