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Sur la terre des vivants, Déborah Lévy-Bertherat (par Anne Morin)

Ecrit par Anne Morin , le Mardi, 09 Mai 2023. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Rivages

Sur la terre des vivants, Déborah Lévy-Bertherat, Rivages, avril 2023, 378 pages, 21 € . Ecrivain(s): Déborah Lévy-Bertherat Edition: Rivages

 

Le livre s’ouvre sur la naissance d’Irma, Irma qui se présente mal, qui en ce monde-ci aura tant de mal à s’accorder, et sur une photo du passé où trois dames âgées semblent installées pour l’éternité, et se referme sur la mort d’Irma et le regard neuf porté sur cette même photo. Entre-temps : « life goes on » (p.353).

Qu’est-ce qui sépare, mais aussi, également, qu’est-ce qui répare ? Est-ce la mémoire, est-ce le souvenir ? Qu’est-ce qui donne dans cette visite aux archives de la famille de l’auteur cette « humeur de retrouvailles » (p.37) ? Dans ce laps de temps tour à tour accordé et désaccordé, Irma et ses sœurs voient dans la chambre d’écho de Déborah Lévy-Bertherat leur petite-nièce revivre, se reconstituer.

L’Épée jetée au lac, Romans de la Table Ronde et légendes sur les Nartes, Joël-Henri Grisward (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Mardi, 09 Mai 2023. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Essais, Editions Honoré Champion

L’Épée jetée au lac, Romans de la Table Ronde et légendes sur les Nartes, Joël-Henri Grisward, éd. Honoré-Champion, novembre 2022, 192 pages, 38 € Edition: Editions Honoré Champion

 

Savant d’une envergure immense, maniant des dizaines de langues (pas seulement l’allemand, le latin, le grec, l’anglais, le hongrois, le turc – ce qui eût déjà été remarquable), mais encore le sanskrit, le chinois, le vieil islandais, le gallois, etc., circulant comme chez lui dans des textes-fleuve, Georges Dumézil a raconté comment, de 1925 à 1931, il était parti enseigner l’histoire des religions à Istanbul où, faute de bibliothèques lui permettant de poursuivre ses recherches sur les Indo-Européens, il avait découvert les peuples du Caucase, chassés de leurs terres ancestrales par l’invasion russe de 1864 et installés dans l’empire ottoman. Avec une facilité déconcertante, il avait appris leurs langues si complexes (le géorgien, le tcherkesse, l’ossète, le laze, l’abkhaz, l’ingouche, le besleney, l’oubykh, qu’il décrivit in extremis, etc.) et recueilli leurs légendes, observant d’étonnantes similitudes avec les plus anciennes mythologies occidentales.

Janine 1982, Alasdair Gray (par Patryck Froissart)

Ecrit par Patryck Froissart , le Vendredi, 21 Avril 2023. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Iles britanniques, Roman, Le Cherche-Midi

Janine 1982, Alasdair Gray, Le Cherche-Midi, mars 2023, trad. anglais (Ecosse), Claro, 397 pages, 23 € Edition: Le Cherche-Midi

 

Ce livre étonnant, détonnant, d’Alasdair Gray, écrivain qualifié « d’illusionniste écossais aussi insaisissable que le monstre du Loch Ness », est introduit, préfacé par l’auteur anglais Will Self qui n’hésite pas à le présenter comme « l’un des meilleurs romans de langue anglaise ».

Le personnage central, l’Ecossais John Mc Leish, alias Charlie, alias Frank, alias Jock (petit nom pouvant évoquer, par auto-dérision, le terme « joke », ce qui s’inscrirait dans la tonalité foncière d’un ouvrage littéraire dont une des facettes semble être de ne pas prendre au sérieux la création… littéraire), se dédouble au fil du récit (ou plutôt des récits, très fragmentés) tantôt en un Max démiurge, metteur en scènes de situations imaginaires issues de ses fantasmes érotiques parfois les plus déréglés, tantôt en un narrateur racontant plus « sagement » sa « vraie » vie professionnelle, sociale, relationnelle, amoureuse.

La lumière de ma mère, Mehdi Charef (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Vendredi, 21 Avril 2023. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Maghreb

La lumière de ma mère, Mehdi Charef, éditions Hors D’atteinte, Coll. Littératures, mars 2023, 120 pages, 17 €

Algérie, de l’origine

Mehdi Charef (né en Algérie en 1952, auteur et réalisateur, considéré comme le père de la « littérature beur »), construit son dernier roman autour de la figure maternelle. Après la trilogie Rue des Pâquerettes, Vivants, La Cité de mon père, La lumière de ma mère poursuit la trajectoire d’un enfant maghrébin et ce, depuis Maghnia, une ville moyenne de la commune de la wilaya de Tlemcen. L’auteur émigre en France à l’âge de dix ans. Son enfance et son adolescence se déroulent entre le bidonville de Nanterre et les cités de transit de la région parisienne. Fils d’un terrassier, il va travailler lui-même en usine de 1970 à 1983, comme affûteur ; d’où ce constat amer : « On nous considère comme des bâtards nés de rien, de personne ».

Mehdi Charef célèbre la bonté, le courage et l’abnégation de sa mère, femme maghrébine invisibilisée, participant du phénomène de masse d’une population immigrée exposée aux formes de pauvreté et d’isolement dans des conditions de vie indignes ; mère proscrite dans « une baraque sordide, obscure ». En dépit du très long séjour en France – toute une vie –, les exhortations haineuses et racistes se prolongent :

Soutine et son temps, Emil Szittya (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Vendredi, 21 Avril 2023. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Arts

Soutine et son temps, Emil Szittya, Éditions du Canoë, mars 2023, 112 pages, 15 €

 

Voici la réédition d’un ouvrage publié en 1955 par l’essayiste hongrois Emil Szittya (1886-1964). Le titre résume bien l’entreprise : cerner Soutine, son environnement artistique, son époque, celle de l’école de Paris, regroupant nombre d’étrangers notoires.

De la formation de Soutine aux années de guerre, l’essayiste suit les longs développements artistiques et créatifs d’une personnalité, rebelle, difficile à saisir, assez misanthrope, née juif en Lituanie, à la fin du XIXe siècle.

Haineux, ne croyant guère à l’amitié, farouchement indépendant, d’une hygiène toujours douteuse, Soutine fut un solitaire frustré, fréquentant les bordels, s’adonnant à la boisson, n’ayant connu pour ainsi dire aucune relation amoureuse durable. D’une jalousie féroce à l’égard des autres artistes (Krémègne, Modigliani, Picasso…), il connut à Paris (Montparnasse) une vie misérable durant de nombreuses années.