Adrienne Mesurat, assurément, a sa place dans les grandes figures de la littérature française. Julien Green, à travers cette femme recluse dans sa vie autant que dans ses rêves, comme dans une âme hermétiquement close, nous offre un portrait unique d’obsessionnelle, vivant dans une famille d’obsessionnels. Dans sa préface, Julien Green souligne que son roman a été souvent accueilli, à son grand dam, par le signalement de son caractère freudien. Étonnamment, c’est plus encore son caractère anachroniquement « lacanien » qui va nous intéresser ici.
Adrienne Mesurat est un roman borroméen. Partant d’un trio de personnages liés étroitement les uns aux autres, Green va défaire le nœud qui les tient à la manière d’un nœud borroméen* – passion de Jacques Lacan – c’est-à-dire en défaisant un anneau du nœud qui libère du coup les deux autres. La métaphore du nœud borroméen est encore plus frappante quand on sait que, pour Lacan, les trois anneaux (ou maillons) du nœud symbolisent le Réel, le Symbolique et l’Imaginaire. Or il est entendu en psychanalyse que la folie tient à la confusion de ces trois ordres. Adrienne Mesurat, au long de ce roman, va peu à peu fusionner (« confusionner ») les trois, s’écartant tragiquement de leurs dimensions propres.