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La Une Livres

L’Évidence du vrai, Viviane Cerf (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Vendredi, 06 Janvier 2023. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Roman, Editions Des Femmes - Antoinette Fouque

L’Évidence du vrai, Viviane Cerf, éditions des femmes-Antoinette Fouque, septembre 2022, 400 pages, 25 € Edition: Editions Des Femmes - Antoinette Fouque

 

Anticipation

Canicule permanente, cadavres jonchant le sol, surpopulation, voici le décor d’épouvante de ce roman. Le continent fantastique est un genre littéraire à part entière, qui a été principalement occupé par des auteurs masculins. Or, depuis la libération féministe, des autrices en revendiquent l’héritage et renouvellent le genre. Des françaises s’emparent de cette expression, à savoir, pour la plus ancienne : Renée Marie Gouraud d’Ablancourt (1853-1941) ; Nathalie Henneberg (1910-1977) dont le chef-d’œuvre est La Plaie, paru en 1964 ; Christine Renard (1929-1979) ; Françoise d’Eaubonne (1920-2005), et pour ce qui nous concerne, Viviane Cerf (née en 1992, à Oyonnax, partie à Paris, où elle suit une classe préparatoire au Lycée Henri IV et obtient l’agrégation de philosophie).

Monstrueuse féérie, Laurent Pépin (par Parme Ceriset)

Ecrit par Parme Ceriset , le Jeudi, 05 Janvier 2023. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Contes

Monstrueuse féérie, Laurent Pépin, Éditions Fables Fertiles, novembre 2022, 120 pages, 16,20 €

 

« Monstrueuse féérie », voilà un titre qui ne peut laisser indifférent, tant l’oxymore dont il est porteur est déjà une excellente description de la vie humaine dans tous les contrastes qui la caractérisent. Ainsi, les « questions sans réponse » d’un petit garçon peuvent-elles ouvrir dans son esprit des « fenêtres » qui, bien plus tard, lorsqu’il sera devenu adulte, laisseront entrer des « monstres ». Comment ne pas être hanté en effet par le souvenir d’un père qui n’était présent « qu’à regret », dont le seul passe-temps était « de vider les animaux pour les empailler », d’une mère qui « par son absence » devenait « omniprésente », restant constamment alitée, occupée à la « prolifération, la duplication à l’infini des créatures remplissant son ventre, jaillissant de son corps à tout moment »…

Comment créer du sens dans un environnement mortifère où la vie est enfermée dans un « bocal d’éther », où les parents veulent tuer les enfants « pour qu’ils ne puissent pas témoigner de leur naufrage » ?

Jardins de poussière, Ken Liu (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Mercredi, 04 Janvier 2023. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Science-fiction, Roman, Folio (Gallimard), En Vitrine

Jardins de poussière, Ken Liu, Folio, septembre 2022, trad. anglais (USA) Pierre-Paul Durastanti, 624 pages, 9,90 € Edition: Folio (Gallimard)

Ken Liu est sino-américain : émigré avec sa famille à l’âge de onze ans, fils d’une mère chimiste et d’un père ingénieur, et lui-même devenu ingénieur logiciel pour Microsoft tout en ayant étudié la littérature anglaise, puis le droit. Tout est dit. Ou presque. Disons que si ces données biographiques étaient les termes d’une équation, ils ne pourraient que démontrer l’excellence de Jardins de poussière, le second recueil de nouvelles de Ken Liu publié en français – outre une poignée de romans et une quadrilogie de fantasy toujours en cours de traduction.

En effet, cet auteur emmène le lecteur vers une forme d’étrangeté liée tant aux univers proposés – qui sont souvent « post-humains », ou du moins postérieurs à l’humanité telle que nous la connaissons – qu’à une « touche chinoise » troublante pour le lecteur occidental mais pourtant bienvenue, puisqu’elle semble insuffler une forme de poésie à certaines des vingt-cinq nouvelles ici recueillies. Cette poésie est peut-être ce qui permet à ces nouvelles d’échapper à l’étiquette « hard science » : Ken Liu a un esprit scientifique et refuse de laisser le lecteur dans le flou de notions vagues (on peut même enfin comprendre le pourquoi et le comment des cryptomonnaies au fil de Empathie byzantine, qui évoque aussi avec une relative férocité le « marché » des ONG) – tout semble plausible dans ces récits.

Ainsi parlait Épicure par Gérard Pfister (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Mardi, 03 Janvier 2023. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Anthologie, Arfuyen

Ainsi parlait Épicure, fragments inédits choisis et traduits du grec et du latin par Gérard Pfister, Orbey, Arfuyen, 8 septembre 2022, 188 pages, 14 €. Edition: Arfuyen

 

Il faut être prudent, nous le savons tous, lorsque l’on parle de complot ou de conspiration, qui impliquent tous deux un secret absolu, alors que, le plus souvent, le plan est posé sur la table, accessible à quiconque veut – ou peut – le voir et a la curiosité de le consulter. Dans le cas particulier d’Épicure, cependant, tout se passe comme si une double conjuration avait été à l’œuvre. D’une part pour faire disparaître matériellement son œuvre : les doxographes antiques rapportent qu’il avait composé trois cents volumes. On peut toujours débattre quant à savoir s’il s’agissait de livres distincts, autonomes au sens moderne du mot, ou de rouleaux séparés (il en fallait plusieurs pour transcrire un traité entier). Quoi qu’il en ait été, l’ensemble était considérable et la comparaison avec le massif des œuvres de Platon, Aristote ou Plotin qui nous sont parvenues s’impose. Or, de cet ensemble très important, ne subsistent que trois lettres, des maximes et divers fragments. D’autre part, à défaut d’un effacement complet (la survie du peu qui subsiste tient à une succession improbable de miracles philologiques et archéologiques), la pensée d’Épicure a fait l’objet d’un gauchissement et d’un travestissement trop systématiques pour ne pas avoir été délibérés.

Mourir avant que d’apparaître, Rémi David (par Patrick Abraham)

Ecrit par Patrick Abraham , le Vendredi, 16 Décembre 2022. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Gallimard

Rémi David, Mourir avant que d’apparaître, Gallimard, juin 2022, 166 pages, 18 euros.

 

Est-il possible d’écrire un roman sinon raté, du moins médiocre et parfois ennuyeux malgré sa brièveté (162 pages) sur un sujet magnifique (risqué, bien sûr, mais magnifique) ? Rémi David, né en 1984, nous en fournit la preuve avec Mourir avant que d’apparaître, publié par Gallimard en juin 2022.

Les personnages de Mourir avant que d’apparaître appartiennent à l’histoire littéraire puisque la relation tumultueuse entre Jean Genet et Abdallah Bentaga, dédicataire du Funambule (1958), constitue la trame du récit. Rémi David retrace avec clarté et précision les étapes de cette relation : la rencontre d’Abdallah, âgé de dix-huit ans, avec Genet, grâce à Monique Lange, en 1955 ; le difficile apprentissage du funambulisme ; les premiers succès et les voyages à travers l’Europe pour échapper à la police française et à un ordre de conscription pendant la guerre d’Algérie ; la deuxième chute d’Abdallah, le contraignant à renoncer à sa carrière artistique ; l’éloignement progressif de Genet après l’entrée dans sa vie de Jacky Maglia, qui supplante peu à peu l’acrobate foudroyé ; le suicide d’Abdallah enfin, en février 1964. On croise, de chapitre en chapitre, outre Monique Lange, Olivier Larronde (belle évocation), Juan Goytisolo, Cocteau, Giacometti, Sartre.