Identification

La Une Livres

Le Gardien du verger, Cormac McCarthy (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 07 Février 2023. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, USA, Roman, Points

Le Gardien du verger (The Orchard Keeper, 1965), Cormac McCarthy, éditions Points, 1999, trad. américain, François Hirsch, Patricia Schaeffer, 284 pages, 7,10 € . Ecrivain(s): Cormac McCarthy Edition: Points

Si d’aucuns pensent, et disent, et écrivent, que ce roman, le premier du grand Cormac McCarthy, est une sorte de « hors-d’œuvre » (au sens exact du terme), nous n’avons pas lu le même livre. Tout McCarthy est déjà dans ce roman de l’aube du plus grand écrivain américain vivant. S’il faut pointer un décalage dans l’œuvre, ce serait que ce roman, avec l’immense Suttree, est l’un des rares où le déroulement n’est pas un déplacement géographique, un voyage, le « jardin » jouant pleinement son rôle de petit morceau de territoire, et le vieil homme un manant (du latin Maneo.ere : rester immobile). En plantant son décor dans le Tennessee, près de Knoxville sa ville natale, McCarthy annonce que son roman est une ode au terroir, aux racines, à l’osmose entre l’homme et la terre.

Autour du jardin errent des ombres, des hommes perdus, violents, hantés par la mort. Ils n’ont pas de but, pas d’espoir ; ils semblent attendre mais quoi ? Peu à peu, McCarthy nous convainc qu’ils n’attendent rien d’autre que la fin. D’eux-mêmes. De tout. Enfermés dans des paysages irréels de solitude et de silence, les trois principaux personnages sont écrasés par la puissance symbolique et sacrée de la nature qui les enserre. On pense irrésistiblement aux correspondances de Baudelaire et sa première strophe magique.

Carnets secrets du Boischaut, Catherine Dutigny (par Catherine Blanche)

Ecrit par Catherine Blanche , le Lundi, 06 Février 2023. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Roman, Editions Maurice Nadeau

Carnets secrets du Boischaut, Catherine Dutigny, Maurice Nadeau éditions, mai 2022, 275 pages, 19 € . Ecrivain(s): Catherine Dutigny Edition: Editions Maurice Nadeau

 

Catherine Dutigny, dans ce livre, ne donne pas seulement l’impression de vouloir amuser son lecteur : on devine qu’elle-même s’amuse autant que nous. Abordant les franges du conte, elle nous invite à retrouver l’innocence de notre enfance et à élargir, au fil des pages, l’étroitesse du monde réel. Il était une fois… Arsène le chat « point d’interrogation sur un fond de ténèbres ».

L’histoire se situe dans le Berry, précisément dans un petit village perché sur son promontoire de granit au cœur du pays du Boischaut contrée de légendes, habitée par des follets, fades, Pierres-Sottes, Casseux et Grand-Bête ou chien blanc, martes aux doigts crochus et sorcières birettes. Imaginez ce vieux village dressant devant vous ces « fortifications sévères ». « Vigie de pierre sur la mer verte des haies », il est bordé de « chemins creux », de « buissons sarmenteux » et de « roches moussues ».

Les naufragés et les rescapés, Quarante ans après Auschwitz, Primo Levi (par Patryck Froissart)

Ecrit par Patryck Froissart , le Vendredi, 03 Février 2023. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Essais, Biographie, Gallimard

Les naufragés et les rescapés, Quarante ans après Auschwitz, Primo Levi, Gallimard (Arcades), 1989, trad. italien, André Maugé, 200 pages, 12,50 € . Ecrivain(s): Primo Levi Edition: Gallimard

 

Paru initialement en 1986 sous le titre original I sommersi e i salvati, cet ouvrage est l’ultime écrit publié du vivant de Primo Levi, mort l’année suivante. Le titre ne permet pas de saisir avant lecture la thématique fondamentale de cette longue et profonde et féconde réflexion sur les raisons ou plutôt les déraisons historiques, sociologiques, politiques, qui ont provoqué la solution finale, mettant à la fois en parallèle et en opposition d’une part ceux et celles qui ont disparu dans la nuit et le brouillard de la plus horrifiante et la plus insensée des abominations mises en œuvre par l’homme contre sa propre espèce, d’autre part ceux et celles qui y ont survécu, victimes, bourreaux et complices, et posant un certain nombre d’interrogations cruciales. Il y a eu d’abord celles qui se sont imposées à l’auteur lorsqu’il a appris la parution, en 1959, en Allemagne, d’une version en allemand de Si c’est un homme.

Je me sentis envahi par une émotion violente et nouvelle, le sentiment d’avoir gagné une bataille.

[…]

Ismaëla, Catherine Weinzaepflen (par Yasmina Mahdi)

, le Jeudi, 02 Février 2023. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Editions Des Femmes - Antoinette Fouque

Ismaëla, Catherine Weinzaepflen, éd. Des femmes Antoinette Fouque, février 2023, 160 pages, 15 € Edition: Editions Des Femmes - Antoinette Fouque

 

Terminus L.A.

Pour aborder le dernier ouvrage de Catherine Weinzaepflen, Ismaëla (prénom rare d’origine hébraïque signifiant « Dieu a entendu »), il faut signaler qu’une poétesse s’accroche à des détails et ne balaye pas la réalité dans une vue d’ensemble, mais par petites touches. Ainsi, l’écriture est sobre, les phrases brèves, souvent réduites à de simples adjectifs. Et c’est sous la forme d’un journal que l’autrice nous livre les épreuves et les faits ordinaires d’une femme de ménage. Et ce, dans la deuxième ville des États-Unis en nombre d’habitants après New York, Los Angeles donc, située dans le Sud de l’État de Californie, sur la côte du Pacifique : « Hormis les voyous et les irréductibles, les noctambules sont de plus en plus rares à L.A. En revanche les clubs de gym sont pleins dès l’aube et les joggers courent sur la plage, l’un derrière l’autre ».

Baisers soufflés, Patrick Devaux (par Parme Ceriset)

Ecrit par Parme Ceriset , le Jeudi, 02 Février 2023. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Poésie

Baisers soufflés, Patrick Devaux, Pierre Turcotte éditeur, Coll. Magma Poésie, novembre 2022, 54 pages, 13,70 €

 

Dès les premières pages de ce recueil publié dans la Collection Magma Poésie, le lecteur se laisse bercer par la poésie aérienne de Patrick Devaux. Le poète ouvre sa « main de doutes » et souffle des mots qui, portés par le vent, s’envolent vers l’horizon comme autant de baisers-oiseaux. « Veilleur d’étoiles », il se tient à l’écoute des cris émis par les souvenirs, il les « devine » sur la plage du temps, comme un promeneur attentif aux coquillages, qui avance en prenant garde de ne pas les écraser. Il sait « l’écho » dont les phrases peuvent être gardiennes. Il sait qu’on ne pourra jamais tout dire « du vent qui traverserait la mouvante chevelure du temps ». Mais il dédie des mots ailés à la « passagère de l’oubli », celle que le train de la vie a emportée.

Ces « baisers soufflés » sont émis par des lèvres qui tremblent, et ces instants fragiles ressemblent à une « pause éternelle ». Au fil des métaphores, on savoure l’essence vibrante de la mémoire ressuscitée, douce mais teintée de gravité, car, comme le dit le poète, « la poésie vit parfois de terribles moments ». Mais la « beauté » n’est jamais loin, et celle d’une gare « dépend /des /souvenirs/ oubliés/ sur/ le quai / et/ d’un baiser/ soufflé/ dans / une main ».