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La Une Livres

Crépuscule, Philippe Claudel (par Anne Morin)

Ecrit par Anne Morin , le Lundi, 03 Avril 2023. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Stock

Crépuscule, Philippe Claudel, Stock, janvier 2023, 528 pages, 23 € . Ecrivain(s): Philippe Claudel Edition: Stock

 

Comme dans un conte, les personnages sont typés et désignés d’abord par leur fonction : le Policier, « Il était de taille médiocre, de visage olivâtre, et tout en os. Il portait un uniforme d’on ne savait quelle armée, que les ans et l’usure avaient fini par faire ressembler à un accoutrement de chasse » (p.12).

« La peau bistrée de son visage donnait sans cesse l’impression qu’il souffrait d’un mal hépatique, et la fine moustache, d’un noir de suie, ourlant sa lèvre supérieure, accentuait le sentiment d’inquiétude et de tragique qui émanait de sa personne » (p.13).

Le Médecin : « Le Médecin lapait le sien à la manière d’un chat, et d’ailleurs tout chez lui rappelait le chat, de ses moustaches maigres qui se divisaient de part et d’autre du visage pointu en ramifications hérissées, aux yeux en amande, vert et or, et à ses ongles aussi, que Nourio remarqua pour la première fois, et qui étaient étonnamment longs et acérés » (p.48).

Les Aventures de Tom Sawyer, Mark Twain (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Jeudi, 30 Mars 2023. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, USA, Roman, En Vitrine, Tristram, Cette semaine

Les Aventures de Tom Sawyer, Mark Twain, Editions Tristram, Coll. Souple Deluxe, mars 2023, Préface Hervé Le Tellier, trad. Bernard Hoepffner, 320 pages, 14,90 € . Ecrivain(s): Mark Twain Edition: Tristram

 

« Qui va là ? »

« Tom Sawyer, le Vengeur Noir de la Mer des Caraïbes. Nommez-vous ».

« Huck Finn les Mains Rouges et Joe Harper la Terreur des Mers ». Tom leur avait fourni ces titres ronflants, empruntés à ses lectures favorites.

« C’est bon. Quel est le mot de passe ? »

Deux murmures rauques prononcèrent en même temps le mot sinistre dans la nuit lugubre.

« SANG ! »

Cette édition des Aventures de Tom Sawyer est la quatrième que publient les Editions Tristram, dans les traductions éblouissantes et pétillantes de Bernard Hoepffner (1) ;

La lumière de ma mère, Mehdi Charef (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Jeudi, 30 Mars 2023. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Biographie

La lumière de ma mère, Mehdi Charef, éditions Hors D’atteinte, mars 2023, 176 pages, 15 €

 

Après le beau livre sur son père (La Cité de mon père), le cinéaste et écrivain d’origine algérienne publie un admirable livre sur sa mère.

La mère, figure entre toutes, reçoit un hommage ciselé dans la tendresse, la vénération et la pudeur. Elle a vécu en Algérie jusqu’à la fin du conflit, est venue en France, a vécu dans le bidonville de Nanterre et a élevé huit enfants. Elle, qui a toujours parlé l’arabe, ne sait ni lire ni écrire mais s’est très vite intégrée à la culture française dans laquelle elle a voulu que ses enfants se développent. Charef, en très courts chapitres, restitue l’histoire, le vécu et le quotidien de celle qui l’a porté neuf mois.

Tout repasse : l’empreinte du pays natal, les gens qu’on a quittés, les habitudes, les mœurs, les us et coutumes, les habitudes des femmes, le lent apprentissage de l’ailleurs. Dans une langue, à la fois classique, chaleureuse, lyrique, Mehdi Charef donne vie et parfum à celle qui a toujours souhaité le meilleur pour les siens, qui a connu le plus grand chagrin, celui de la perte de l’une de ses filles, à l’âge de huit ans, là-bas au pays. En filigrane, c’est le pays d’origine que l’on suit, épisode après épisode, au moment même de la guerre quand le futur cinéaste avait à peine dix ans.

Le Rayon vert, Jules Verne (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Mercredi, 29 Mars 2023. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Folio (Gallimard)

Le Rayon vert, Jules Verne, Folio, février 2023, 160 pages, 3 € . Ecrivain(s): Jules Verne Edition: Folio (Gallimard)

 

Publié en 1882, Le Rayon vert est un bref roman de Jules Verne inspiré d’un phénomène optique extrêmement rare – et pour lequel ce récit provoquera un engouement relatif à l’époque : dans certaines conditions météorologiques précises difficiles à réunir, le soleil couchant émet un « rayon vert ». C’est ce rayon vert que veut voir la jeune Helena Campbell avant d’accepter de se marier à Aristobulus Ursiclos, scientifique auquel la destinent ses oncles, aussi riches que bienveillants Ecossais, les frères Melvill, soumis au moindre caprice de leur nièce. Bien sûr, la mécanique se grippe et si le rayon vert est bel et bien émis, il a un sens autre qu’optique – sauf à considérer qu’il permet d’ouvrir les yeux sur certains phénomènes autres que scientifiques.

Ce roman n’a que peu l’aura des aventures épiques auxquelles Verne a habitué tous les adolescents (et les adultes restés ouverts à leurs goûts d’enfants) francophones depuis un siècle et plus, il est attachant à bien des égards, dont celui-ci, particulier chez cet auteur à la curiosité scientifique insatiable capable de disserter des pages durant sur la façon dont l’oxygène est renouvelé lorsque le Nautilus est en plongée : c’est un roman où l’absence de goût pour la science l’emporte sur l’obsession pour les données chiffrées et le savoir engoncé ;

Pereira Prétend (Sostiene Pereira, 1994), Antonio Tabucchi (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 28 Mars 2023. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Folio (Gallimard), Italie

Pereira Prétend (Sostiene Pereira, 1994), Antonio Tabucchi, 10/18. Trad. De l’italien par Bernard Comment, 213 p. . Ecrivain(s): Antonio Tabucchi Edition: Folio (Gallimard)

 

Antonio Tabucchi prétend avoir écrit ce livre. Mais rien n’est sûr avec l’écriture. Quand un héros prétend dire et faire ce que l’auteur raconte, on peut supposer que l’auteur prétend être l’auteur. Au-delà de ce petit tourbillon malicieux il ne faut pas se tromper : on est au cœur d’une des interrogations centrales de la littérature : quelle est la part de la tromperie, de l’illusion dans le roman ? On peut répondre que tout roman n’est que tromperie et illusion mais ce serait bien simpliste : tout roman charrie une large part de vérité, qu’elle vienne de la vie de l’auteur ou d’événements, historiques par exemple. Et Antonio Tabucchi tisse la toile du roman dans l’interrogation sur l’acte littéraire, en posant la question vertigineuse de l’abyme dans l’écriture, du jeu de poupées russes que la fiction permet, à la manière de la syntaxe emboitée des rêves.