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La Une Livres

Point cardinal, Léonor de Récondo

Ecrit par Stéphane Bret , le Vendredi, 08 Septembre 2017. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, La rentrée littéraire, Sabine Wespieser

Point cardinal, août 2017, 224 pages, 20 € . Ecrivain(s): Léonor de Récondo Edition: Sabine Wespieser

 

Léonor de Récondo appartient à un type d’auteurs dont le suivi, d’un roman à l’autre, nous comble. Commencé avec Rêves oubliés, belle chronique d’une famille de réfugiés républicains espagnols tentant de maintenir le souvenir de l’autre côté des Pyrénées, continué avec Pietra Viva, pertinente interrogation sur la place de l’artiste dans la Cité, et enfin Amours, décrivant les tourments et déchirements d’une femme bourgeoise en proie à des sentiments déviants, Léonor de Récondo continue ce parcours par Point cardinal, son dernier roman. Cette romancière nous avait séduits par la précision de son écriture, son style dépouillé, la nuance dans l’élaboration des portraits et la restitution de la vie psychologique des personnages.

Autant dire d’emblée que nous retrouvons toutes ces qualités dans Point cardinal. Le décor c’est celui d’une petite ville, dans une région non située géographiquement. Laurent Duthillac est un bon père de famille, tout ce qu’on fait de plus classique en la matière.

Jusqu’à la Bête, Timothée Demeillers

Ecrit par Zoe Tisset , le Vendredi, 08 Septembre 2017. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, La rentrée littéraire, Asphalte éditions

Jusqu’à la Bête, août 2017, 150 pages, 16 € . Ecrivain(s): Timothée Demeillers Edition: Asphalte éditions

 

C’est un livre qu’il faut lire pour ne pas oublier ceux et celles qui triment sans discontinuité dans des conditions innommables, dans des abattoirs inhumains. C’est un livre qui raconte le quotidien d’hommes et de femmes abrutis par l’odeur de sang frais mêlée aux détergents, entourés de carcasses à la chaîne, maniant cisailles et couteaux divers, ils en oublient d’être des hommes.

« C’est toujours l’odeur dont je me souviens d’abord. L’odeur qui imprègne tout. L’odeur qui vous prend sur le parking (…) Le roulement mécanique du convoyeur, le soufflement abrutissant de la clim, les chants des scies électriques de la découpe, les crochets qui s’entrechoquent, le rail de la 12, puis de la 25 qui s’ouvrent et se referment avec un clac, un clac sec, la tôle de l’usine qui répercute tout ça et l’écho qui se répand jusqu’au sas de la porte de service. Le bruit de la peur ».

Un homme raconte, on comprend vite qu’il est allé au bout du bout et qu’un évènement tragique est arrivé. « Vous deviez le connaitre, vous aussi ? Vous avez assisté à la scène ? Y avait-il des signes avant-coureurs ? ». Son récit est ponctué des clacs de l’usine. « Clac. Etourdie. Sur la chaîne. Clac. Clac. Clac. Sylvie qui accroche la bête ».

Les corps brisés, Elsa Marpeau

Ecrit par Sylvie Ferrando , le Vendredi, 08 Septembre 2017. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Polars, Roman, Série Noire (Gallimard)

Les corps brisés, mai 2017, 240 pages, 19 € . Ecrivain(s): Elsa Marpeau Edition: Série Noire (Gallimard)

 

C’est un roman au ton incisif, nerveux à l’image de l’héroïne Sarah, ancienne coureuse automobile qui, au faîte de sa carrière, subit un grave accident au cours d’un rallye et devient paraplégique. Bloquée dans son élan de vie, dans son dynamisme et son parcours professionnel, Sarah est hospitalisée à « L’Herbe bleue », un centre de rééducation isolé en haute montagne et dirigé par Virgile Debonneuil, surnommé le « docteur Lune ». Celui-ci est entouré de son équipe – infirmière, psychologue, aide-soignant, kinésithérapeute, facilitateur de réinsertion professionnelle, etc. Le rendez-vous des « corps brisés » est ici programmé, accepté, scénographié. On pense au sanatorium de Davos si bien décrit par Thomas Mann dans La Montagne magique, dont un extrait figure en exergue : « Il y a deux routes qui mènent à la vie. L’une est la route ordinaire, directe et honnête. L’autre est dangereuse, elle prend le chemin de la mort, et c’est la route géniale ». Nous sommes ici, clairement, dans un roman de survie, de survivance. Qu’il soit inspiré de faits réels importe finalement assez peu car c’est l’intériorité du personnage blessé qui est ici retransmise et donne sa coloration au roman : le monde de la performance est brutalement confronté à l’anormalité, au handicap, à la différence, sans concession. Et le déni fait place, peu à peu, par des voies détournées, à l’acceptation.

Les vivants et les autres, Laurence Guerrieri

Ecrit par Mélanie Talcott , le Vendredi, 08 Septembre 2017. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Nouvelles

Les vivants et les autres, Evidence Editions, mai 2017, 468 pages, 20 € . Ecrivain(s): Laurence Guerrieri

 

A quoi sert de se faire éditer par une maison d’édition, quelle que soit son importance, si elle ne fait d’autre promotion pour les auteurs qu’elle prétend « défendre » que celle de diffuser leurs livres, tous azimuts et sous tous les formats possibles, des méga-plateformes phagocytaires aux librairies virtuelles, elles-mêmes noyées dans une pléthore de vitrines livresques d’importance variable ? On peut légitimement se poser la question lorsque parcourant le Net, on ne peut que constater l’inefficacité de certaines, connues ou non, dont le seul but serait uniquement de vendre des bouquins, comme si, s’improvisant bonimenteur, elles vendaient des chapeaux, le dimanche sur un marché minimaliste paumé au milieu de nulle part.

Dans ce cimetière latent, qui finit par remplacer insidieusement le pilon, ce vieux tabou de la destruction massive de la chose publiée, des centaines de livres n’ont d’autre reconnaissance que celle de leur linceul imprimé. Pour certains, au vu de leur médiocrité, on les en remercierait presque. Pour d’autres, c’est carrément du gâchis ! Et il faut bien de la conviction, voire de la foi, à l’écrivain pour qu’il continue à l’ombre menaçante de l’oubli, à tremper sa plume dans le secret de son talent. C’est le cas pour le recueil de nouvelles de Laurence Guerrieri, Les vivants et les autres.

Glaise, Franck Bouysse

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 07 Septembre 2017. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, La rentrée littéraire, La Manufacture de livres

Glaise, septembre 2017, 425 p. 20,90 € . Ecrivain(s): Franck Bouysse Edition: La Manufacture de livres

 

 

Franck Bouysse creuse son sillon. Ici dans la glaise bien sûr. Indifférent aux modes, à l’air du temps, il construit une œuvre grave et profonde. S’il peut se réclamer de prestigieuses influences, il le fait avec un talent littéraire si enlevé qu’il sait les tenir à distance pour en tirer son miel. Ainsi, la couleur toute gionesque et/ou faulknérienne de ce roman, se déploie avec les marques spécifiques de l’auteur, celles qu’on a déjà senties dans Grossir le ciel et dans Plateau : une âpreté terrible, parfois au bord de l’insoutenable, un lyrisme emporté, presque religieux, une émotion brûlante, toujours prête à casser. Et le rapport organique, charnel aux choses de la nature. Bouysse brise en mille éclats la nature des romantiques : ici, elle n’aide pas, elle n’accompagne pas, elle n’écoute pas. Même sa beauté – chantée dans ce roman en sublimes tableaux – se révèle vénéneuse, source de solitude, de « labeur dur et forcé » (Baudelaire), de douleur écrasante.