Identification

La Une Livres

L’évidence de la paix nous enfante, Luminitza C. Tigirlas (par Patryck Froissart)

Ecrit par Patryck Froissart , le Jeudi, 16 Janvier 2025. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Poésie, Al Manar

L’évidence de la paix nous enfante, Luminitza C. Tigirlas, Editions Al Manar, octobre 2024, 70 pages, 15 € Edition: Al Manar

 

Un nouveau recueil de poésie de l’écrivaine de langue française, d’origine roumaine, Luminitza C. Tigirlas, qui vient s’ajouter à un corpus déjà fort important d’œuvres poétiques.

L’ouvrage comporte trois parties, dont les titres condensent les thèmes fondateurs d’une écriture traversée par les images obsédantes d’un passé constamment en résurgence dans l’ensemble des textes :

– ante bellum : les frontières saignent

– la paix envoie des perce-neige au front

– j’ai vu la terre pondre la faim

Petits travaux pour un palais, László Krasznahorkai (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mercredi, 15 Janvier 2025. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Pays de l'Est, Roman, Cambourakis

Petits travaux pour un palais, László Krasznahorkai, Éditions Cambourakis, septembre 2024, trad. hongrois, Joëlle Dufeuilly, 107 pages, 16 € Edition: Cambourakis

 

herman melvill pense ne pas très bien écrire mais il a un flot de choses à dire. Même avec les minuscules de son nom, il a donc décidé d’écrire ce qui lui tient à cœur et qui relève, essentiellement, de son identité. Du sarcasme imbécile des copains d’école – t’es venu sans ta baleine ? – à une sorte de respect mal venu, herman se dépatouille depuis toujours avec Herman. Melville, lui.

herman-le-petit porte l’ombre écrasante de Herman-le-grand comme une démonstration perpétuelle de sa petitesse.

Je ne suis qu’un bibliothécaire, de petite taille, un peu bedonnant, et souffrant d’un affaissement de l’arche interne du pied, je parle sérieusement, je suis vraiment petit et j’ai vraiment une bedaine, petite, certes, mais tout de même, par ailleurs, comme je l’ai déjà mentionné, je souffre depuis l’enfance de surpronation, et mon seul signe particulier digne d’intérêt réside dans mon nom, alors qui pourrait bien s’intéresser à moi ?

Michel Foucault en son Escurial, essai poétique, Vincent Petitet (par Patrick Abraham)

Ecrit par Patrick Abraham , le Mercredi, 15 Janvier 2025. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Poésie

Michel Foucault en son Escurial, essai poétique, Vincent Petitet, éditions du Vol à Voile, novembre 2024, 52 pages, 16 €

 

1/ L’essai poétique de Vincent Petitet Michel Foucault en son Escurial, mince mais d’une rare densité, commence là où commençaient Les mots et les choses : par une description et une analyse des Ménines de Velasquez avec la présence/absence de Philippe IV et de Marie-Anne d’Autriche, reflétés dans un miroir, qui donne son vrai sens au tableau. Petitet convoque ensuite Hugo, qui a médité dans La Rose de l’infante sur la « légende noire » de Philippe II, aïeul de Philippe IV, commanditaire de l’Escurial d’où et par où règne le monarque, lieu, symbole et instrument de son pouvoir, puis sollicite Bataille, Heidegger, Musil, Kafka et Dostoïevski au fil d’une réflexion acérée soutenue par un style lumineux comme une neige himalayenne.

Kallocaïne, Karin Boye (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Mardi, 14 Janvier 2025. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Science-fiction, Pays nordiques, Roman, Folio (Gallimard)

Kallocaïne, Karin Boye, Folio, juin 2024, trad. suédois, Leo Dhayer, 288 pages, 9,40 € Edition: Folio (Gallimard)

 

Publié en Suède en 1940, Kallocaïne a aussitôt été traduit en anglais et a pu ainsi influencer fortement George Orwell pour son propre 1984, même si on se doute que Boye a elle-même été influencée par Le Meilleur des mondes de Huxley. On peut donc de bon droit considérer ce roman comme l’un des chefs-d’œuvre de la dystopie, genre qui surgit à l’époque où les totalitarismes naissaient et s’enracinaient en Europe, et qui connaît toujours un grand succès aujourd’hui.

La société que décrit Boye est basée entièrement sur la surveillance de tous par tous (dans cet ordre d’idée, chaque foyer se voit imposer une « assistante domestique » choisie par l’État), avec une subdivision et un cloisonnement des forces productives (le narrateur, Leo Kall, habite ainsi la « Ville de Chimie n°4 »), et une obligation pour chaque citoyen de prendre part à des exercices militaires au moins quelques soirs par semaine. Les enfants sont des inconnus, l’on se marie sans affection, l’on vit dans des appartements minuscules où les pièces sont modulables, l’on mange des plats peu nourrissants, l’on doit se soumettre à l’auto-critique – bref, l’on vit dans un État totalitaire où le bien-être individuel doit passer après « la sécurité de tous, la sécurité de l’État ».

Les Sacrifiés, Au cœur de la tragédie arménienne, Élise Boghossian (par Guy Donikian)

Ecrit par Guy Donikian , le Mardi, 14 Janvier 2025. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Plon, Histoire

Les Sacrifiés, Au cœur de la tragédie arménienne, Élise Boghossian, éditions Plon, octobre 2024, 202 pages, 21 € Edition: Plon

Élise Boghossian est la petite-fille d’un immigré arménien, Zadig, victime du génocide de 1915. Mais l’auteure est également à la tête d’une ONG, EliseCare, qui vient en aide aux victimes de guerres. Les attaques turco-azéries de 2020 dans le Haut-Karabagh l’ont bouleversée, et les questions sur le devenir de son pays d’origine l’ont immanquablement conduite à reprendre le fil de son histoire, de celle de son père et de son grand-père. Ce sont là les deux axes, les deux entrées de son texte : la guerre en Artsakh (Haut Karabagh) menée par l’Azerbaïdjan que la Turquie seconde, et la cristallisation de sa mémoire par l’écriture pour honorer la vie de ses ascendants.

Élise Boghossian a bien évidemment été alertée par les attaques menées sur le Haut-Karabagh par l’Azerbaïdjan, d’autant plus que « l’adversaire recrute à tour de bras des mercenaires en Libye, en Syrie, au Pakistan ou en Afghanistan. Et la Turquie s’affiche fièrement aux commandes de ce carnage ». Ne clame-t-on pas d’ailleurs, au plus haut niveau de l’État turc, qu’il faut achever « les restes de l’épée », expression privilégiée pour désigner aujourd’hui encore les rescapés du génocide et leurs descendants.