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La Une Livres

Ann d’Angleterre, Julia Deck (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Mercredi, 12 Février 2025. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Roman, Seuil

Ann d’Angleterre, Julia Deck, Le Seuil, août 2024, 256 pages, 20 € . Ecrivain(s): Julia Deck Edition: Seuil

 

Entremêlant passé et présent d’une femme au grand âge, le roman, pour être largement autobiographique, découvre des pans entiers d’une vie qu’une fille aborde à propos de sa mère.

A 84 ans, Ann mène encore une vie autonome, faite de cours, de voyages, de lectures. Et puis, c’est l’AVC qui la rend dépendante, qui l’amène pour de longs mois à l’hôpital. Sa fille Julia se bat parce qu’elle croit intimement qu’elle va récupérer. C’est alors la litanie des passages d’une clinique l’autre, la recherche d’une maison de repos qui ne soit pas un mouroir.

A la sidération succède chez Julia, romancière, le sentiment de perdre quelqu’un qu’elle a toujours vu en grande forme.

La quête du passé très riche de la mère dévoile une personnalité féconde, intellectuelle, active. Venant d’un milieu défavorisé, Ann s’est battue elle aussi pour trouver sa place dans une société très marquée par les castes.

Photographies à l'Atelier Contemporain (par Charles Duttine)

Ecrit par Charles Duttine , le Mardi, 11 Février 2025. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Arts, L'Atelier Contemporain

Edition: L'Atelier Contemporain

Hivernies, Patrick Bogner, L’Atelier contemporain, décembre 2024, 144 pages, 30 €

Les Oubliées, Stéphane Spach, Gilles Clément, L’Atelier contemporain, décembre 2024, 64 pages, 25 €

 

Le noir et blanc et son esthétique éloquente

On ne dira jamais assez le charme des photographies en noir et blanc. Dans ces images, il y a une force, une densité et une profondeur extraordinaires. Est-ce parce que l’œil ne se laisse pas distraire par les couleurs ? Ou bien est-ce que ce choix photographique contribue à épurer le sujet ? On a l’impression que de telles photographies font ressortir avec intensité le volume, les formes et le contraste des choses entre elles. On dira volontiers que le noir et blanc donne du relief, de la couleur au sujet photographié. C’est à ce genre de réflexion que l’on est conduit en ayant entre les mains deux ouvrages publiés par les éditions L’Atelier contemporain, Hivernies, de Pascal Bogner, et Les oubliées, de Stéphane Spach, ces deux albums, chacun à leur manière, sublimant l’art de la photographie en noir et blanc.

Et nous danserons encore, Sébastien Spitzer (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Lundi, 10 Février 2025. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Récits, Histoire

Et nous danserons encore, Sébastien Spitzer, Albin-Michel, septembre 2024, 250 pages, 19,90 €

Il existe une « littérature des camps » suffisamment abondante et de qualité pour remplir un volume de la Pléiade, et on aurait pu en confectionner plusieurs. Il existe une littérature du 11-Septembre (rarement une date se sera gravée aussi vite dans la mémoire collective), avec des ouvrages tels que 11 Septembre, Une histoire orale (Garrett M. Graff), et Le Jour où les anges ont pleuré (Mitchell Zuckoff), malgré la difficulté à se représenter un événement pareil. Il y aura, on peut en être sûr, une littérature du 7 octobre 2023 (même si la télévision a pris une longueur d’avance), faite de témoignages et de fictions. Et nous danserons encore appartient à la première catégorie. Sébastien Spitzer s’est rendu en Israël pour rencontrer des survivants du massacre, des familles d’otages et, dans de trop rares cas, des otages ayant été libérés par le Hamas après son pogrom (« un mot que la langue russe a offert au reste du monde. Un don, si l’on veut, à l’encyclopédie universelle de l’infamie », ainsi que l’écrit si bien Camille de Toledano) perpétré avec la plus froide détermination. De retour en France, Spitzer assista aux lendemains du massacre, avec la récupération cynique de La France Insoumise, la vésanie des étudiants de Sciences-Po, l’émergence de Rima Hassan, tout un monde peu nombreux, mais très présent dans les médias et embarqué dans une sarabande écœurante.

Les Petits métiers méconnus, Vincent Zabus & Collectif (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Lundi, 10 Février 2025. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Jeunesse

Les Petits métiers méconnus, Vincent Zabus & Collectif, éditions Dupuis, octobre 2024, 128 pages, 25 €

Dès la découverte des Petits métiers méconnus publiés dans l’hebdomadaire Spirou (lu religieusement chaque semaine en famille, de neuf à cinquante et un ans), c’est la poésie existentielle de ces brèves histoires qui a saisi. On attendait avec impatience la prochaine, pour se laisser aller au ravissement d’un beau métier, l’un de ceux qu’on aimerait soi-même pratiquer – et peut-être le pratique-t-on sans le savoir, dans nos meilleurs jours, ceux où nous nous laissons aller à aimer notre prochain et vouloir son bien, mais sans effort, mais avec naturel, juste par désir. Feu un ami disait souvent, en guise de boutade, qu’il aurait aimé être « professeur de gymnastique mentale » : il l’était à certains égards. Et vous, qui lisez ces lignes, parmi vos proches, dans les lieux publics ou sur votre lieu de travail, quel métier méconnu vous arrive-t-il de pratiquer ? Peut-être suis-je moi-même « incitateur à la résistance au laid par le bleu » lorsque je fais lire Les Cerfs-volants de Romain Gary à mes élèves ? Le plus beau est que nous pratiquons probablement un métier méconnu sans le savoir, sans en être conscient, sans que nous sachions jamais les belles traces qu’aura laissées notre pratique derrière nous.

Thanatose, Frédéric Bécourt (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Jeudi, 06 Février 2025. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman

Thanatose, Frédéric Bécourt, Éditions Héliopoles, janvier 2025, 264 pages, 23 €

 

« La scène, le décor mon propre corps flasque et sans vie, c’était une vision saisissante de vérité. Une vision irréelle mais vraie. Il me semblait leur avoir parlé aussi mais je l’ai peut-être rêvé. Enfin, je veux dire, pas tout, pas les tirs et le sang. Mais la fin, peut-être, après être tombé sur le sol… Non, la mort, je l’ai bien ressentie, elle. Physiquement. Intimement ».

Guillaume, le narrateur du nouveau roman de Frédéric Bécourt, est frappé de Thanatose lors d’une fusillade. Il s’effondre, comme mort, il ne simule pas la mort, c’est la vie qui semble le mettre à l’abri, en le faisant passer pour mort, comme certains animaux se retirent d’une vie visible face au danger. C’est ainsi que débute ce roman, porté par un narrateur âpre, au caractère volcanique, ses pensées, ses réactions et ses mots, sont par instant des pierres incandescentes ; il se montre loin de tout, des sensations et des sentiments, en tout cas le croit-on durant une grande part du roman. Si Guillaume échappe à la mort réelle, pour un état de vie suspendu, son amie Alice n’a pas cette chance.