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Essais

Les terres du couchant, Julien Gracq

Ecrit par Marc Michiels (Le Mot et la Chose) , le Vendredi, 21 Août 2015. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Récits, Editions José Corti

Les terres du couchant, octobre 2014, 264 pages, 19 € . Ecrivain(s): Julien Gracq Edition: Editions José Corti

 

Quelque part aux limites d’un Moyen-âge barbare,

le nôtre…

 

Les terres du couchant de Julien Gracq, récit philosophique de l’attente, ce roman géographique de l’inéducable silence, entrepris en 1953 et abandonné en 1956, se place, chronologiquement, entre Le Rivage des Syrtes et Un balcon en forêt.

Il y a des textes inachevés qui, par leur révélation au public de nombreuses années après leur écriture, se rêvent dans les limbes d’une allusion énigmatique, à un monde spatialement indéfini, comme le voyage d’une « jeune forêt » vers les plaines d’un nouvel horizon, d’un nouveau monde, comme un balancement entre rêve et Mythe, entre Histoire imaginaire et conscience du réel. Epris d’une liberté du sang des résistances passées, aux résistances présentes contre les barbares aux lames affutées, pour mettre à terre l’âme des condamnés.

Du malheur d’être Grec, Nikos Dimou

Ecrit par Yannis Constantinidès , le Samedi, 11 Juillet 2015. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Bassin méditerranéen, Payot

Du malheur d’être Grec, traduit du grec moderne par Eurydice Trichon-Milsani, 128 pages, 10 € . Ecrivain(s): Nikos Dimou Edition: Payot

 

L’introspection nationale a toujours quelque chose de douloureux, surtout lorsqu’il s’agit d’un peuple au passé aussi imposant. Le Grec moyen rappellera volontiers aux « étrangers » (c’est-à-dire tous les non Grecs) que ses lointains ancêtres furent les inventeurs de la démocratie, de la rhétorique, de la philosophie et d’une foule d’autres choses, comme pour bénéficier d’un peu de leur gloire, mais il se gardera bien de vivre selon leur exemple. Il se comporte ainsi en héritier ingrat et désinvolte qui s’approprie les titres de noblesse de ses aïeux sans nullement se sentir obligé de se montrer à la hauteur. Il faut dire qu’il est tout sauf facile d’assumer un héritage aussi lourd que celui de la Grèce antique. Les seuls Grecs heureux, dit Nikos Dimou, sont « les inconscients » qui vivent sans l’angoisse terrible de devoir égaler les Anciens. Tous les autres, conscients de leur infériorité irrémédiable (Grecs justement, avec la charge de mépris que mettaient déjà dans ce nom impropre les Romains, et non plus Hellènes), semblent voués au malheur.

Sentences et fragments, Epictète

Ecrit par Yannis Constantinidès , le Vendredi, 10 Juillet 2015. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Bassin méditerranéen

Epictète, Sentences et fragments, traduction, présentation et notes Olivier D’Jeranian, Manucius, 2014, 138 pages, 10 euros . Ecrivain(s): Epictète

 

On est d’emblée intrigué par la manchette quelque peu racoleuse de l’éditeur : « Épictète inédit ». Aurait-on miraculeusement retrouvé l’un des quatre livres disparus des Entretiens (Diatribes) du philosophe stoïcien de l’époque impériale, une des pertes irrémédiables de l’Antiquité ? Il s’agit en réalité de fragments de ces livres cités par d’autres auteurs ou de sentences qui lui sont attribuées, sans aucune garantie d’authenticité, le tout traduit à partir de la vieille édition de Schenkl (1894), libre de droits.

Si les Entretiens, et surtout le Manuel qu’en a tiré le bon Arrien – qui fut le Platon d’Épictète, ce dernier n’ayant rien écrit, suivant en cela l’exemple de Socrate – ont fait l’objet d’innombrables éditions, ces Sentences et fragments sont en effet inédits en français. Doit-on pour autant se réjouir immodérément, comme le traducteur, de cette « découverte d’un trésor que rien ne cachait vraiment à nos yeux » (avant-propos, p. 12) ? Cet enthousiasme compréhensible du prospecteur paraît toutefois quelque peu exagéré à la lecture de ces bribes pieusement recueillies par les habituels compilateurs des textes de l’Antiquité (Stobée, Aulu-Gelle, etc.). Les sentences sont pour la plupart assez plates (celle-ci, par exemple :

Le snobisme, Adèle Van Reeth et Raphaël Enthoven

Ecrit par Marjorie Rafécas-Poeydomenge , le Jeudi, 02 Juillet 2015. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Plon

Le snobisme, mars 2015, 157 pages, 12,50 € . Ecrivain(s): Adèle Van Reeth et Raphaël Enthoven Edition: Plon

 

Ce petit livre subtil et ironique ne laisse pas indifférent et modifie instantanément le regard que l’on peut avoir sur le snobisme. Car même si on fuit le snobisme, il y a des grandes chances d’en être sévèrement atteint. Dans une dialectique captivante et limite tournoyante, Adèle Van Reeth par ses questions qui piquent là où il fait bon d’appuyer et les éclairages sans tabou de Raphaël Enthoven, les différents visages du snobisme se dévoilent au fur et à mesure dans tout leur paradoxe. Le snobisme ne désigne pas un individu type, mais un comportement qui peut frapper n’importe quel commun des mortels, celui de croire que nos goûts (ou nos pensées) sont supérieurs aux autres. C’est ce qu’appelle R. Enthoven : l’anticartésianisme, soit l’absence de doute.

Mais n’est-il pas surprenant que ce soit un philosophe qui nous explique les rouages du snobisme, alors que cette discipline dégouline à foison de cette image de snobe bien trop intellectuelle ? Contrairement aux apparences, « la philosophie donne les moyens de penser le snobisme ». Alors que l’histoire présente le snobisme comme un phénomène ponctuel et que la sociologie le situe au niveau de la lutte des classes. La philosophie permet en effet d’aller plus loin dans le décorticage de ce type de comportement, qui consiste à vivre comme « indubitables des vérités qui n’en sont pas ».

Le Cerveau à sornettes, Roger Price

Ecrit par Didier Smal , le Mardi, 23 Juin 2015. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Wombat

Le Cerveau à sornettes, avril 2015, trad. de l’anglais (E-U) par Frédéric Brument, 224 pages, 18 € . Ecrivain(s): Roger Price Edition: Wombat

 

 

En toute logique, il faudrait éviter de parler du présent livre de Roger Price (1918-1990), puisqu’il s’agit du manifeste « évitiste » absolu. D’un autre côté, respecter la logique lorsqu’il est question des écrits de Roger Price, humoriste de son état, tiendrait quasi de l’absurde. Pas celui de Camus. Celui d’Alphonse Allais.

Reprenons. Préfacé par un Georges Perec de toute évidence sous le charme en 1967, Le Cerveau à Sornettes (In One Head and Out the Other en version originale, 1951) connaît une nouvelle traduction et donc une nouvelle jeunesse aux éditions Wombat, qui le présentent comme un « chef-d’œuvre nonsensique », « un des livres les plus frappadingues de la littérature comique anglo-saxonne » – ce qui a de quoi allécher tout amateur de mauvais esprit.