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Chroniques Ecritures Dossiers

L'Arbre aux secrets 11 (chap. XII & Fin)

Ecrit par Ivanne Rialland , le Lundi, 17 Octobre 2011. , dans Chroniques Ecritures Dossiers, Ecriture, Nouvelles, La Une CED

Fin

Rose bat des paupières, regarde autour d’elle, hébétée. Une silhouette blanche à ses côtés s’évanouit dans les airs, avec des nattes brunes, des larmes séchées sur les joues. Rose aussi a pleuré. Elle descend à pas lourds l’escalier.

Elle jette un coup d’œil dans la chambre de sa mère : personne. Elle entend un bruit, en bas : elle descend au salon. Sa mère, une blouse blanche nouée autour de la taille, est debout devant sa table à dessin, une ride profonde barrant son front, un pinceau à la main, de l’encre plein les doigts.

À terre, tout autour d’elle, des feuilles de papier. Une ronde, un arbre grimaçant dans lequel un enfant tombe à la renverse, une petite fille la main sur la bouche, les yeux écarquillés. Partout le même dessin à l’encre, dix, vingt fois répété. Sa mère qui le peint, encore et encore, très vite, à l’encre. Puis le rythme se ralentit. Le pinceau s’attarde sur un détail, un visage, une bouche d’enfant, une branche d’arbre. Il ajoute une ombre, une indication de mouvement… Le décor soudain change : c’est toute la forêt, un renard à la langue pendante à moitié caché derrière un buisson, puis une page d’herbier, avec dans le coin haut de la feuille un château. C’est ensuite une maison tranquille en lisière d’une forêt, un homme jeune encore courbé sur une canne.

A qui appartient Albert Camus ?

Ecrit par Kamel Daoud , le Samedi, 15 Octobre 2011. , dans Chroniques Ecritures Dossiers, Les Chroniques, La Une CED


A qui appartient Albert Camus ? La question est d’un goût éthique douteux et se rapproche plus du partage du gigot d’agneau que du débat sur l’héritage et la naissance d’un univers. Et pourtant cette question est devenue une tradition à chaque cycle de commémoration posthume pour cet immense écrivain sans pays déterminé. A chaque fois qu’il s’agit de parler de cet homme ou de son oeuvre, ici chez nous ou en France, c’est cette question qui est là, en sourdine, en voix off, en sous-entendu. Est-il algérien, franco-algérien rétroactif, français hésitant, pied-noir universel ? Appartient-il au patrimoine algérien de la « diversité » ou à celui de l’immense tradition culturelle française, bien qu’il soit né ici ? Est-il un « universel » ou un cas particulier ? Son oeuvre est-elle algérienne ou française ? Annonce-t-il un pays ou écrit-il un poignant adieu sans fin pour une terre rêvée mais mal partagée ?

Aujourd’hui, même plus de 50 ans après la disparition tragique de cet homme, on en est encore à cet acte notarial et à ce testament non soldé. Le président français veut en faire une « oeuvre positive » française et se hâte de ramasser les cendres de cet écrivain pour les réduire à un acte de nécrophage en les « installant » au Panthéon.

Ne pas aimer JD. Salinger ? (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Samedi, 08 Octobre 2011. , dans Chroniques Ecritures Dossiers, Les Chroniques, Chroniques régulières, La Une CED

 

Comment peut-on ne pas aimer J. D. Salinger ?

 

Je sens bien que ce billet n’est pas « littérairement correct ». Le bon usage veut que l’on joigne sa voix au concert de louanges quand une grande figure est universellement reconnue. Plus encore quand il n’y a pas longtemps qu’elle s’est éteinte. C’est ce qui est convenable, même quand on renifle, pour certains, la légèreté du propos ou la méconnaissance réelle de l’oeuvre à mille mètres d’altitude.

Alors vous pensez, quand c’est un écrivain porte-drapeau de toute une époque, d’une génération, il faut un sacré culot pour émettre la moindre dissonance. Ce serait d’un tel mauvais goût ! Non mon grand, tu ne vas pas faire ça !

Bon. Je le fais quand même, bien sûr, sinon je ne serais pas là à vous entretenir. Mais je le fais avec le plus grand respect, cela va de soi, pour tous ceux qui admirent (voire adulent) Jerome David Salinger, et ils sont nombreux, à en juger par la symphonie laudative régulière dont il est l’objet à longueur d’articles.

L'Arbre aux secrets - 10 (Chap. XI)

Ecrit par Ivanne Rialland , le Mardi, 04 Octobre 2011. , dans Chroniques Ecritures Dossiers, Ecriture, Ecrits suivis


Rose courait dans les couloirs du château et le bruit de sa course résonnait tantôt sur le bois, tantôt sur la pierre, tantôt était étouffé par de moelleux tapis ou des peaux de bêtes. Elle ouvrait brusquement des portes, dévalait des escaliers, traversait des cours et des jardins. Malgré sa colère envers Victor, qui était à ses yeux responsable de la maladie de sa mère, elle ne pouvait s’empêcher d’être émerveillée par les visions qu’il créait. Elle s’arrêtait parfois, fascinée, dans une serre emplie de végétations étranges et sombres où voletaient d’immenses papillons bleu azur ; une porte de placard à balais ouvrait sur une forêt de pins où se faisait entendre le bruit de la mer ; une porte énorme de chêne sombre révélait au contraire la minuscule échoppe d’un ancien chocolatier, où s’affairaient dans les effluves les plus suaves des enfants aux joues rougies par la chaleur du feu où fondait le chocolat.

En même temps, la vision de ces enfants jardinant, cuisinant, nettoyant, attelés aux plus lourds travaux ou aux plus délicats, serrait le cœur de Rose, bien qu’elle se dise, en même temps, que ce n’était qu’un rêve, une vision. Qu’avait-il pu arriver à Victor pour qu’il en veuille tant aux autres ? Quel drame affreux, qui avait perverti son imagination capable tout à la fois de créer des choses si merveilleuses et de les peupler d’êtres si malheureux ? S’il n’y avait pas eu ces enfants aux mines grises, tous pareils, sans nom, presque sans visage, on aurait pu passer sa vie dans le château de Victor.

La mère Michel a lu (2)

Ecrit par Michel Host , le Vendredi, 30 Septembre 2011. , dans Chroniques Ecritures Dossiers, Les Chroniques, La Une CED

(Photo Yves Marty)

 

L’ARGOT EST NÉ DE LA HAINE !

LOUIS-FERDINAND CÉLINE


Proposé par Raphaël Sorin. Notice biographique de Bernadette Dubois. André Versaille éditeur, Coll. À offrir en partage, n° 48, 2011, 95 pp., prix non indiqué.

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L’argot… quel argot ? Mis en jeu de quelle façon ? Dans quelle intention ? L’argot chez Céline, souvent prétexte à le lire avec passion, ou au contraire à ne pas vouloir le lire. - « Vulgaire ! » - Qualificatif disqualifiant le plus utilisé par les esprits superficiels ou guindés. À la vérité, dans ce recueil de lecture très plaisante il est assez brièvement question de l’argot et bien davantage du style, préoccupation centrale chez l’auteur du « Voyage ». En témoignent sa « petite musique », son « métro émotif », qu’il mettait bel et bien au-dessus du récit ou de l’intrigue. Qu’on relise à ce sujet ses « Entretiens avec le professeur Y ».