Les maisons du village se succédaient à d’assez longs intervalles au bord du lac. Un chemin de terre rouge les reliait, de la même terre argileuse dont étaient bâties les maisons, par ailleurs toutes identiques, d’après ce que Rose pouvait en juger. Toutes identiques, toutes vides. À peine une assiette laissée sur une table ou un haillon jeté sur le lit ou le dossier d’une chaise témoignait-il qu’à la nuit – mais comment différenciait-on ici la nuit du jour ? – ces maisons devaient être habitées.
Sur l’autre rive, les maisons d’argile rouge se suivaient de la même façon, à la queue leu leu, comme leur reflet sorti de l’eau noire. Aussi vides, aussi silencieuses que les maisons originales. À moins que de ce côté-ci également, ces maisons ne soient que des reflets, des illusions, un mirage monté de l’eau…
Rose regardait le château, posé sur son arche de pierre, au-dessus de la rivière. Il paraissait vide, lui aussi. Tout était silencieux. Juste le bruit de l’eau, de plus en plus fort à mesure que Rose se rapprochait du château et de l’arche sous laquelle elle se précipitait furieusement, sa phosphorescence devenant une brume étincelante qui enveloppait le pied du château. Lorsqu’elle fut tout près, Rose aperçut une volée de marches humides taillées dans la pierre, qui permettait d’accéder à une esplanade glissante et de là à une porte.