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Actes Sud

Homer & Langley, Edgar Laurence Doctorow (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 03 Juillet 2012. , dans Actes Sud, Les Livres, Recensions, La Une Livres, USA, Roman

Homer & Langley. Trad USA Christine Le Bœuf 2012. 229 p. 22 €. . Ecrivain(s): Edgar Laurence Doctorow Edition: Actes Sud

Ce livre nous offre une épopée picaresque. Déjantée, stupéfiante, drôle et terrible ! Quand on lit cette introduction, on s’attend naturellement à la recension d’un grand roman d’aventure, parsemé d’événements étonnants voire fabuleux, qui nous mènerait à travers des contrées lointaines et improbables, en compagnie de personnages plus colorés les uns que les autres. Point du tout.

Les héros de ce roman sont deux frères, Homer et Langley Collyer. Fils d’une famille de la moyenne bourgeoisie new-yorkaise, ils ont perdu leurs parents très tôt, morts de la grippe espagnole qui ravagea le monde occidental en 1918. Ils ont reçu en héritage de leurs parents un beau compte en banque et, surtout, un beau et grand appartement en plein cœur de la 5ème avenue à New York ! Et c’est là, dans ce fabuleux terrain d’aventure de quelques centaines de mètres carrés, avec un tout petit bout de jardin, que Doctorow va déployer une véritable saga du XXème siècle, déroulée du tout début du siècle jusqu’à pratiquement sa fin. Là et pas ailleurs. Avec deux héros pathologiquement casaniers et pour qui le tour du bloc d’immeubles est déjà une expédition.

Homer est le narrateur.  La chose en soi est peu commune car Homer est … aveugle. Ordonner une narration minutieuse à partir d’un narrateur aveugle produit un récit époustouflant de proximité des choses et des gens.

La note secrète, Marta Morazzoni

Ecrit par Anne Morin , le Dimanche, 01 Juillet 2012. , dans Actes Sud, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Roman, Italie

La note secrète, traduit de l’italien par Marguerite Pozzoli, 301 p. 22,50 € . Ecrivain(s): Marta Morazzoni Edition: Actes Sud

 

Mais quelle est donc cette note secrète qui donne son titre au roman de Marta Morazzoni ? On l’attend, on l’entend presque mais toujours moderato. S’agit-il des voix magnifiques, contralto et soprano, de ces deux religieuses, qui s’entremêlent ? Note d’entente, note surgie – ou issue – du violoncelle à la corde cassée de sœur Rosalba, dans ce couvent où les voix naguère déployées à l’église, se sont tues ? Sœur Rosalba forme la voix d’une toute jeune nonne, Paola, de ses treize à ses dix-sept ans. Leurs voix s’entrelacent sur le Stabat mater de Pergolèse, derrière une grille ou protégées par un long voile lors des cérémonies. Seulement reliées au monde par le chant, les nonnes en révèlent plus sur elles que ne le souhaiterait la redoutable abbesse.

Pourquoi, le livre refermé sur une histoire fondée sur un fait réel, garde-t-on l’impression diffuse qu’on a manqué, qu’on est passé à côté, que l’histoire des deux nonnes se poursuit ? Deux âmes unies presque sans échange, dans la musique, mais bien plus, par, à travers la musique, se reconnaissent mère et fille spirituelles, même si toutes deux, séparées, tairont leur voix et ne se reverront jamais.

Temps du rêve, Henry Bauchau

Ecrit par Anne Morin , le Jeudi, 24 Mai 2012. , dans Actes Sud, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Roman

Temps du rêve, Actes Sud, Un endroit où aller, 71 p. 13 € . Ecrivain(s): Henry Bauchau Edition: Actes Sud

 

Le passage, du temps de l’enfance à l’adolescence, du temps de l’amour parental et des rêves d’enfant, à ce basculement que représente le premier amour, et les rêves plus flous qui l’accompagnent : « Il me semble que tout ce qui m’amusait jadis ne m’est plus d’aucun prix. Je suis précipité dans le rêve et la solitude, d’un seul coup » (p.44). Rien de plus classique, mais ici l’échange prend place, et c’est aussi ce qu’il a de particulier, en quelques heures, quelques heures qui irradient toute une existence, par ce rapprochement dans le temps, du jeu et de l’amour :« Nous n’avons joué ensemble qu’une seule fois, mais d’une façon qui m’a illuminé et elle aussi » (préface).

Henry Bauchau revit, après la perte d’un grand amour, cet après-midi d’été qui a ouvert sa vie à cet appel d’air : lui a onze ans, elle, huit, cet âge où comme il l’écrit, le « genre » de la petite fille est encore indéterminé : « (…) de suite un peu brutale comme elles le sont souvent à cet âge où elles possèdent, sans pouvoir s’équilibrer, les forces garçonnières » (p. 26). Un « petit diable », un garçon manqué, un lutin, une fée ? En tout cas une initiatrice. En ces quelques heures, une porte s’ouvre, qui ne se refermera plus. Le monde apparaît clivé, dans une sorte de deuxième naissance : le cœur s’éprouve battre :

Sauver Mozart, Raphaël Jérusalmy

Ecrit par Anne Morin , le Vendredi, 18 Mai 2012. , dans Actes Sud, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Roman

Sauver Mozart, Mars 2012, 150 p. 17,10 € . Ecrivain(s): Raphaël Jérusalmy Edition: Actes Sud

Un trait d’humeur, d’humour, ou de la manière de traiter de façon légère, un sujet sulfureux. Pianissimo. Ou comment un homme-musique, miné par la tuberculose, cloîtré dans un sanatorium à Salzbourg, en pleine guerre, va tenter de changer le cours de l’Histoire. La frontière est-elle étanche entre son monde et le monde extérieur ? « Le frôlement des mondes (…) Coexister, c’est aussi savoir s’ignorer » (Raphaël Jérusalmy, Libération, la semaine de l’écrivain, 6 mai 2012). Entre ces deux mondes qui interfèrent, Otto Steiner, le narrateur, va servir de passeur prémonitoire, d’interprète : « Dimanche 8 octobre 1939 (…) J’ai rêvé de monter un orchestre. Avec les malades. Ça m’a fait rire. Tous ces squelettes en pyjama jouant du Schubert à l’entrée du réfectoire ! C’est trop cocasse » (p.28).

C’est l’histoire, par journal, lettres et partitions interposés, d’actes manqués, une histoire à côté, l’histoire d’un fou de musique dont le corps se décompose encore vivant, et qui ne tient que par la musique : « Je me souviens de centaines d’airs, des paroles de tous les grands opéras, en italien, en allemand, en français, des noms des maestros et des divas, des applaudissements. Ils résonnent dans ma tête. Ils me battent les tympans. S’ils me prennent la musique… » (p.57).

Cuisine tatare et descendance, Alina Bronsky

Ecrit par Theo Ananissoh , le Vendredi, 06 Avril 2012. , dans Actes Sud, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Langue allemande, Roman

Cuisine tatare et descendance, trad. allemand par Isabelle Liber, mars 2012, 331 p., 23 € . Ecrivain(s): Alina Bronsky Edition: Actes Sud


Ce roman affirme un talent de conteuse dont on craint par avance de ne pas bien rendre compte. Trois points au préalable par souci de clarté. Un : les années quatre-vingt dans l’Union soviétique finissante, dans une ville située à vingt-sept heures de train de Moscou. Les personnages principaux sont tatars. Deux : Rosalinda Akmetovna a la cinquantaine au début du roman, lorsque naît sa petite-fille Aminat ; celle-ci, à la fin du récit, aura trente ans ; ce qui fait donc pour Rosalinda quelque quatre-vingts ans. Rosalinda, c’est elle le roman. C’est elle qui raconte, c’est elle l’axe autour duquel tout tourne. Trois : ces mots de Bertolt Brecht : « D’abord la bouffe, ensuite la morale ». Ç’aurait pu être une épigraphe pour Cuisine tatare et descendance.


« Peur ??? De moi ??? Qui pourrait bien avoir peur de moi ? Personne n’a à avoir peur. Je ne veux que le bien de tous. Mets ton assiette dans l’évier, espèce de tyran ! »