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Actes Sud

Temps, Wajdi Mouawad

Ecrit par Zoe Tisset , le Lundi, 26 Mars 2012. , dans Actes Sud, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Théâtre

Temps, mars 2012, Edition Actes Sud-Papier/ Léméac, 64 p. 12 € . Ecrivain(s): Wajdi Mouawad Edition: Actes Sud

Pièce jouée à partir du 8 mars jusqu’au 30 mai dans différentes villes en France, au Québec et au Canada.


Ce texte est  le support d’une œuvre qui va être jouée à partir du mois de mars au Québec et en France. On retrouve dans Temps de Wajdi Mouawad ses thèmes de prédilection : la guerre, les rapports incestueux, le travail de la mémoire et la difficulté à surmonter une souffrance originelle.

Wajdi Mouawad, cependant, ne veut pas s’enfermer dans la répétition, voire l’obsession : « J’avais, après la création des spectacles qui composent Le Sang des Promesses, l’envie de déplacer, d’inquiéter l’instant de l’écriture ». Il va donc prendre le contre-pied de ses habitudes de travail en favorisant l’improvisation au lieu d’une documentation fouillée, des répétitions courtes, mais non précipitées et un budget minimal. Ce texte est écrit par l’aiguillon de l’inquiétude au sens où Leibnitz affirmait que c’est grâce à lui que l’homme avance et se découvre : « J’avais, de manière obsessive, l’envie que l’inquiétude ne soit plus un état à gérer mais qu’elle devienne la source de mes intuitions » affirme Wajdi Mouawad. Il fait partie de ces écrivains qui ne s’installent pas dans des faux-fuyants mais qui continument interrogent l’origine et le monde. « L’inquiétude peut être une boussole ».

Le séjour à Chenecé, Jean-Paul Goux

Ecrit par Anne Morin , le Mardi, 20 Mars 2012. , dans Actes Sud, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Roman

Le séjour à Chenecé ou les quartiers d’hiver (3), mars 2012, 107 pages, 14 € . Ecrivain(s): Jean-Paul Goux Edition: Actes Sud

On ouvre un tiroir, qui ouvre un tiroir, qui ouvre un tiroir… un emboîtement, un meuble à secret. « Je n’ai rien trouvé » (p. 19) : lorsqu’il découvre dans un tiroir secret de la pièce dérobée, à demi cachée sous l’escalier principal, qu’il appelle « l’armoire », cette simple phrase, comme un défi à la curiosité de l’inventeur, Alexis pense que la vieille abbaye, devenue demeure familiale de vacances pour toute une tribu généalogique de cousins et de branches ramifiées, cache en son cœur une chambre noire, une pièce secrète jamais mise à jour, crypte ou souterrain insondable.

Le narrateur se met en abyme par un ricochet de mots, de situations :


(p. 24) : « Comment penser sans penser qu’on est en train de penser, par quoi l’on est empêché de penser à quelque chose de précis ? »

(p. 28) : « L’embryon de pensée qui aurait permis d’établir une liaison avec une autre pensée… (…) »

(p. 36) : « (…) et je ne doutais pas qu’en n’en disant rien Lucien n’ait souhaité lui conserver les vertus de son rayonnement alors même qu’il me suggérait qu’il le connaissait afin que dans le secret du silence nous partagions l’indicible secret ».

Millenium 2. La fille qui rêvait d'un bidon d'essence et d'une allumette, Stieg Larsson

Ecrit par Yann Suty , le Mardi, 28 Février 2012. , dans Actes Sud, Les Livres, Recensions, Polars, La Une Livres, Pays nordiques, Roman, Babel (Actes Sud)

Millénium 2, La fille qui rêvait d’un bidon d’essence et d’une allumette, (Flickan som lekte med elden, 2006), traduit du suédois par Lena Grumbach et Marc de Gouvenain, Babel Noir, 796 p. 10 € . Ecrivain(s): Stieg Larsson Edition: Babel (Actes Sud)


Millénium, épisode 2. Le travail est prémâché pour l’auteur qui s’attaque à une suite. Le terrain est familier. On connaît déjà les personnages, on n’a pas besoin de perdre son temps en présentations, on peut tout de suite plonger dans l’action. Force est de constater que Millénium 2 n’y parvient pas. Il faut s’avaler près de deux cents pages avant que l’intrigue démarre, et alors elle le fait au rythme d’un tracteur diesel rouillé qui n’a pas servi depuis des décennies.

Le livre souffre d’un gros problème de rythme. Les personnages se multiplient et chacun analyse la situation, mais en ne faisant quasiment que répéter ce que le précédent a dit. Ça tourne en rond. Les pages défilent et rien de nouveau n’apparaît. Le livre fait 800 pages, il n’en aurait pas mérité plus de 400. A croire que l’auteur tire à la ligne.

Millénium 2 est beaucoup plus faible que le premier opus, à tel point qu’il pourrait presque faire passer son aîné pour un chef d’œuvre. Ce qui est pourtant loin d’être le cas.

Je la voulais lointaine, Gaston-Paul Effa

Ecrit par Anne Morin , le Mardi, 31 Janvier 2012. , dans Actes Sud, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Afrique, Roman

Je la voulais lointaine, 01 février 2012, 134 p. 15,80 € . Ecrivain(s): Gaston-Paul Effa Edition: Actes Sud

L’histoire d’un déraciné. D’une coupure mal soignée, qui s’infecte, quelque chose qui, de bénin devient malin. Une double appartenance et, entre les deux : une faille, un monde gisant dans une réserve d’images et de souvenirs, un magma dans le fond du cœur, de l’âme.

Le jeune Obama - ce qui en langage fang veut dire « aigle » - quitte adolescent sa tribu du fond de l’Afrique pour suivre des études littéraires à Strasbourg. Juste avant son départ préparé, accepté, voulu par les siens, Elé le féticheur qui est aussi son grand-père, lui confie son sac, le désignant ainsi comme son successeur. Le jeune garçon enterre le sac compromettant au pied d’un oranger, et le lendemain Elé (qui veut dire « arbre ») meurt.

Obama vit sa vie en France, à Strasbourg où ses brillantes études le conduisent à enseigner la philo. Il rencontre Julia « (…) une Blanche, une blonde aux yeux bleus » (p. 45) dont il partage un temps la vie. L’Afrique, il la tient à distance, repousse cette ébullition qu’il sent pourtant monter en lui « L’Afrique était derrière moi, je la voulais lointaine » (p.42). Il vit par les mots, parlant comme bien souvent les étrangers francophones, un français qu’il défend contre les intrusions incongrues

L'or des rivières, Nimrod

Ecrit par Theo Ananissoh , le Lundi, 26 Décembre 2011. , dans Actes Sud, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Afrique, Roman, Récits

L’or des rivières, 2010, 126 p. 13 € . Ecrivain(s): Nimrod Bena Djangrang (Nimrod) Edition: Actes Sud

L’Or des rivières est un roman en sept récits. On peut le lire en commençant par le quatrième « chapitre » intitulé Les arbres. C’est, me semble-t-il, le moyen d’apprécier d’emblée le projet rare qu’accomplit Nimrod. Ce projet, le poète tchadien l’énonce dans le troisième récit intitulé Le retour : « Mon voyage n’avait pour unique objet que celui d’inscrire ma présence dans le paysage ». C’est le retour d’un « orgueilleux qui a les poches vides » dans un pays où la guerre, sporadique, dure depuis trente ans, dans un Tchad dont les paysages, jadis, émurent André Gide. Et comme Gide autrefois, Nimrod décrit en se décrivant et en se voyant sentir. Il parvient ainsi à ne pas rendre les armes devant une réalité qui est faite à la fois de beauté et de laideurs.

Face au pays dont, sans en avoir l’air, il n’escamote rien des afflictions, Nimrod oppose donc sa sensibilité et son esprit. C’est plus qu’un simple rempart. L’affaire est d’importance. Ce n’est pas impunément que le poète remet les pieds là où il est né. D’emblée, il s’agit de défendre et de se défendre. Les gens ici sont occupés à faire des révolutions ineptes, à rouler en Land Cruiser, à ignorer la beauté des lieux où ils se démènent ainsi. En réalité, le poète est au front. Dans Voyage au Congo, André Gide s’exclame presque : « A présent je sais ; je dois parler ». Par ces mots, il ne signifie pas qu’il doit s’engager, prendre parti, combattre, mais plutôt se défendre contre l’horreur de ce qui est, affirmer l’intégrité de son esprit.