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Articles taggés avec: Wetzel Marc

Dictionnaire philosophique, André Comte-Sponville (par Marc Wetzel)

Ecrit par Marc Wetzel , le Jeudi, 30 Septembre 2021. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres, Essais

Dictionnaire philosophique, André Comte-Sponville, PUF Quadrige, août 2021 (3ème édition mise à jour), 1421 pages, 33 €

 

Un seul exemple de ton, contenu et style : au mot sinécure, p.1209.

« Je demande à un adolescent ce qu’il veut faire plus tard : “Je voudrais un métier bien payé, où y a pas à se prendre la tête”, me répond-il. C’était rêver d’une sinécure, peut-être sans connaître le mot, et aller au-devant de cruelles déceptions.

Qu’est-ce qu’une sinécure ? Une situation qui ne demande aucun soin (cura), n’impose aucun souci, voire aucune fatigue. Se dit surtout d’un emploi bien payé et n’exigeant que peu d’efforts. La chose est légitimement rare. On a le droit d’en rêver. Il serait injuste d’y prétendre ».

La lecture que nous propose ce Dictionnaire philosophique n’a peut-être qu’un but, précis et crucial : permettre à chacun, quand il pense (et pour qu’il ose penser !), de mieux faire saisir ce dont il parle pour mieux faire juger ce qu’il en dit. Ce que le mot fait alors comprendre guide au mieux ce que penser en fera. La bonne définition rend heureux le silence de penser, comme la leur l’indique :

Poésie complète, 1980-2020, Jacques Guigou (par Marc Wetzel)

Ecrit par Marc Wetzel , le Mercredi, 22 Septembre 2021. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres, Poésie

Poésie complète, 1980-2020, Jacques Guigou, Editions L’Impliqué, septembre 2021, 712 pages, 25 €

 

« D’abord ces sables piétinés

puis la mer

la mer et sa constellation d’éclats

puis les oscillations

de ces coquilles qui se font

de ces fossiles qui se défont

puis l’ancien phare

désinvolte autant que serein

soudain sur le quai

le coup de patte de ce qui n’apparaît pas » (p.634)

Devant toi le jour, Ana Brnardić (par Marc Wetzel)

Ecrit par Marc Wetzel , le Mercredi, 08 Septembre 2021. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Poésie

Devant toi le jour, Ana Brnardić, L’Ollave, juillet 2021, trad. croate, Vanda Mikšić, Brankica Radić, 63 pages, 13 €

« Du sol poussent de grandes oreilles qui nous servent

à communiquer. Nous ne comprenons pas un mot,

mais nous suivons le tâtonnement des langues » (p.14)

 

L’inspiration poétique, c’est comme une vie propre de la langue venant envahir la pensée. Et quand la langue (croate ici) est inconnue, il reste une vie tout court qui submerge la pensée. Cette vie se tient (on devine, grâce aux deux traductrices, sa cohérence, sa précision, sa fluidité ; on l’assimile même en voyant et entendant, aux Voix Vives de Sète, ce 24 juillet 2021, Ana Brnardić, 41 ans, lire parfaitement des textes à nous inintelligibles, mais qui sont manifestement à eux-mêmes l’unique arbitre de leurs harmonies physiologiques, de leurs affinités sonores, des nuances s’entre-visitant). La poète est là, calme, belle et juste, mais la vie des mots dépasse tout ce qu’elle peut en attendre et fixer : pas d’autre clairière dans leur « forêt vierge » que l’autorégulation d’un immense et inépuisable débit de sens. Comme dit le premier texte du recueil :

Route(s), Poème, Christian Viguié (par Marc Wetzel)

Ecrit par Marc Wetzel , le Jeudi, 26 Août 2021. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Poésie

Route(s), Poème, Christian Viguié, Marsa Publications, Revue A, Coll. Poésie sur tous les fronts, mars 2021, Ill. Olivier Orus, 54 pages, 15 €

 

« La route mange la route

La route se mange toute seule »

 

Il n’y a pas de route naturelle : un passage s’institue s’il est d’abord forcé pour être établi puis entretenu. La route est comme un effort qui se fraye une destination, une violence facilitatrice d’autres activités (rejoindre un lieu peu accessible, sécuriser une distance, briser une enclave…). Il n’y a pas non plus de route suffisante : elle est un moyen de se diriger ailleurs, non à elle seule une raison d’y aller (la bonne route n’est que la route du bon ou d’un bien ; le succès d’une route n’est pas le sien). Il n’y a enfin pas de route instantanée : même des yeux, il faut la parcourir. Elle n’avance qu’en faisant tourner le dos au parcouru. Et comme il n’y a pas de route spontanée, il n’y a pas de spontanéité tenant durablement la route : « Le vrai travail est de passer », dit le poète, p.41.

Quand les élèves nous élèvent, De nouvelles voix éducatives, Frédéric Miquel (par Marc Wetzel)

Ecrit par Marc Wetzel , le Jeudi, 19 Août 2021. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Essais, L'Harmattan

Quand les élèves nous élèvent, De nouvelles voix éducatives, Fréderic Miquel, 200 pages, 20,50 € Edition: L'Harmattan

 

Bien sûr, parfois « les élèves enfoncent ». « Disciples indisciplinés, enfants-rois, empereurs-mineurs, beaucoup n’ont qu’une idée : se frotter à leurs maîtres pour s’éprouver et faire de leur dépouille courbée un piédestal à la gloire de leur immaturité » (p.155). Et « avoir un Bac+5 pour trembler devant un Bac-5 » n’est ni naturel ni souhaitable !

Bien sûr, aussi, seuls les adultes peuvent éduquer ou former les non-adultes, car la raison ne peut naître que d’elle-même (et non de la violence, de la folie et de l’ignorance, qu’elle seule peut cerner et dépasser, comme disait Eric Weil) : l’humanité ne peut compter que sur elle-même pour se renouveler, l’humanité à former dépendant toujours de l’humanité formée. Le développement doit mener à l’autonomie sans pouvoir en partir. « Le portrait de la jeunesse comme une période de soumission n’a donc rien de substantiellement péjoratif dans la mesure où l’inégalité de statut provient de faits et de situations objectivement reconnaissables qui échappent à l’arbitraire d’une volonté de puissance usurpatrice. Bienheureuse éducation ! » (p.127).