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Ainsi parlait (Also sprach) Rainer Maria Rilke

Ecrit par Marc Wetzel , le Vendredi, 16 Novembre 2018. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Livres décortiqués, Arfuyen, Poésie

Ainsi parlait (Also sprach) Rainer Maria Rilke, Dits et maximes de vie choisis et traduits de l’allemand par Gérard Pfister, édition bilingue, mars 2018, 174 pages, 14 € . Ecrivain(s): Rainer Maria Rilke Edition: Arfuyen

Honneur de la Cause Littéraire 2018

Derrière le dandy courtois, l’élégant, distant et tolérant névrosé qui pond de virtuoses lettres de condoléances (que la mort rêverait d’apprendre à lire), on devine chez Rilke, disait Jaccottet, « une nécessité aussi dure que celle qui fait errer une bête près de mettre bas en quête d’un gîte propice »(comme l’avoue Rilke au fragment 43).

Ce petit livre de très brefs morceaux (chronologiquement) choisis et traduits par G. Pfister l’illustre remarquablement : la précise et périlleuse mission de l’homme est, pour Rilke, d’élargir l’Invisible ici-bas.

Élargir le visible, la technique et le jeu le font déjà, sans profit essentiel. Mais l’invisible (dont la pensée humaine n’est qu’un élément, un départ local) est bien à déployer et élargir, estime Rilke, ici-bas : transférer l’invisible dans un au-delà, par principe plus invisible que nous, qui n’en aurait cure, est vain. Trois passages ici le disent :

Hymnes à Shiva, Outpala Déva (par Marc Wetzel)

Ecrit par Marc Wetzel , le Vendredi, 09 Novembre 2018. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Asie, Arfuyen, Poésie

Hymnes à Shiva, Outpala Déva, septembre 2018, trad. sanskrit David Dubois, 168 pages, 16 € Edition: Arfuyen

 

« Égaré par l’ivresse de ton amour,

je veux voir tout ceci :

le monde entier

comme étant Dieu

à travers mon corps, ma parole et mon esprit.

Et aussi, que toutes mes actions

soient une adoration ! » (7-8)

Le shivaïsme distingue, au sein du Principe suprême – Shiva, c’est-à-dire Dieu – trois aspects complémentaires, comme des « sortes d’archanges délégués » de Shiva – Brahma, principe de création ; Vishnou, principe de conservation ; Roudra, principe de destruction – voués à « des tâches subalternes au plan de la dualité (mâyâ) ».

Libres sentences, Jacques Brigaud (par Marc Wetzel)

Ecrit par Marc Wetzel , le Vendredi, 26 Octobre 2018. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres

Libres sentences, Jacques Brigaud, France-Libris, 2017, 112 pages, 15 €

« Qui prendrait de l’élan pour foncer dans un mur ? C’est pourtant toute l’histoire de nos vies » (p.97)

 

Depuis sa retraite, il y a presque vingt ans (nous étions collègues de Lycée), peu ou pas de nouvelles de l’ami Jacques ; et je n’en souhaitais pas, même si nous ne vivons qu’à quelques kilomètres : ses « brèves de couloirs », du temps de notre lointaine splendeur professionnelle, m’avaient (par leur constant cynisme, leur virtuose vacharderie) suffi. La drolatique vivacité de ce petit bonhomme élégant et tatillon m’avait (pour toujours, pensais-je) lassé : je ne m’imaginais pas du tout lui rouvrir bras et tempes un jour.

Et voici que ce livre (plus qu’inattendu !) dans ma boîte aux lettres change – presque – tout ! L’homme (à près de 80 ans, semble-t-il) écrit et pense donc ! Jacques est visiblement resté misogyne, misologue (un terme bien philosophique pour dire qu’il raillait la philosophie – « j’étudierai monsieur Kant dans ma prochaine vie » disait-il, sarcastique, à nos élèves communs) –, misanthrope, et homophobe. Ma mémoire peut détailler d’abord ces divers hauts-faits :

Le Plein Silence, Marion Muller-Colard (par Marc Wetzel)

Ecrit par Marc Wetzel , le Vendredi, 12 Octobre 2018. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres

Le Plein Silence, Marion Muller-Colard, Editions Labor et Fides (Genève), mars 2018, Aquarelles de Francine Carrillo, 88 pages, 16 €

 

Tout ici, dans ce recueil, est fin, utile et juste :

 

« Dans le silence et la douce ivresse du jeûne

il semble que ma vie

petit hérisson farouche

que je n’avais plus vu apparaître depuis si longtemps

trottine gaiement vers moi

et c’est une fête de retrouvailles » (p.46)

Ainsi parlait (Thus spoke) Herman Melville, Dits et maximes de vie, Thierry Gillybœuf (par Marc Wetzel)

Ecrit par Marc Wetzel , le Mardi, 02 Octobre 2018. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres

Ainsi parlait (Thus spoke) Herman Melville, Dits et maximes de vie, Thierry Gillybœuf, Édition bilingue, Arfuyen août 2018, trad. américain Thierry Gillybœuf, 176 pages, 14 €

 

A nouveau, un volume de cette petite collection (florilège chronologique de courts extraits d’un auteur) est une bénédiction. Je ne connaissais de Melville (1819-1891), comme presque tout le monde, que Achab et Bartleby, qu’un jeune marin orphelin, déserteur, évadé et mutin, un quadragénaire – romancier reconnu – qui d’un coup tombe dans l’oubli, la poésie, la dépression et l’alcool, et le tardif petit inspecteur des douanes enfin qui, le soir, dort à son bureau. Cette nette et sobre anthologie (parfaitement présentée, calibrée et traduite par Thierry Gillybœuf) révèle, derrière le génie littéraire, un penseur particulièrement inquiet et subtil.

C’est que Herman Melville a la tête spontanément métaphysique – voyons-le sur trois exemples – car il ne généralise pas ses observations, il universalise (sous l’égide d’être et néant, de vie et mort) ses intuitions. Ainsi, parlant banalement des insomnies du vieillard, il décide aussitôt du point le plus profond :