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Articles taggés avec: Chauché Philippe

Et tu n’es pas revenu, Marceline Loridan-Ivens

Ecrit par Philippe Chauché , le Mardi, 24 Mars 2015. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Histoire, Récits, Grasset

Et tu n’es pas revenu, février 2015, co-écrit avec Judith Perrignon, 112 p. 12,90 € . Ecrivain(s): Marceline Loridan-Ivens Edition: Grasset

 

Alors à Drancy, tu savais bien, que rien ne m’échappait de vos airs graves à vous les hommes, rassemblés dans la cour, unis par un murmure, un même pressentiment que les trains s’en allaient vers le grand Est et ces contrées que vous aviez fuies. Je te disais, « Nous travaillerons là-bas, et nous nous retrouverons le dimanche ». Tu m’avais répondu : « Toi tu reviendras peut-être parce que tu es jeune, moi je ne reviendrai pas ».

Shloïme, Salomon Rozenberg n’est pas revenu d’Auschwitz, sa fille Marceline a échappé à la destruction des juifs d’Europe. Son petit livre est une apostrophe au père perdu et détruit. Adresse au père qui est resté là-bas – il y avait entre nous des champs, des blocs, des miradors, des barbelés, des crématoires, et par-dessus tout, l’insoutenable incertitude de ce que devenait l’autre –, au père qui hante ses jours et ses nuits, au père qu’elle n’a jamais oublié et qu’elle n’oubliera jamais. Et tu n’es pas revenu est le récit d’un deuil impossible, impensable, le récit d’une colère qui ne s’est jamais éteinte, d’un séjour au centre de l’innommable, mais qu’il convient de nommer avec précision comme l’a fait en son temps Claude Lanzmann dans Shoah.

Pressentiment, Andrea Canobbio

Ecrit par Philippe Chauché , le Vendredi, 20 Mars 2015. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Italie, Récits, Gallimard

Pressentiment, janvier 2015, traduit de l’italien par Vincent Raynaud, 88 pages, 11 € . Ecrivain(s): Andrea Canobbio Edition: Gallimard

 

« Le matin du 24 mars 2001, un samedi, j’ai pris un avion de Turin à Londres. Au sol il faisait beau… Quand je suis monté, j’étais nerveux. L’avion était à moitié vide, presque entièrement vide. S’il s’écrasait, il y aurait moins de victimes. Moins de tapage, moins d’attention ».

Pressentiment est le récit nerveux des crises de panique qui touchent l’écrivain italien lorsqu’il prend l’avion, comme si une catastrophe imminente s’annonçait. Pressentiment en ce début d’année 2001, qui sera celle de la chute, de la déflagration, de l’homme qui tombe, des fenêtres ouvertes sur le monde en feu. Rien de divinatoire dans tout cela, mais le sentiment permanent qu’il y une catastrophe dans l’air.

L’écrivain – éditeur aux aguets – se doute inconsciemment de quelque chose. Il va accumuler les indices pour ce court récit en forme d’enquête sur ses constats, ses ressentis et ses terreurs. A l’origine de tout, sa présence à New-York le 11 septembre et le court texte paru deux mois plus tard dans la revue L’Indicel’air conditionné, les ascenseurs, même le ventilateur d’un ordinateur me fait sursauter… la journée n’en finit pas, elle n’en finit plus.

Dictionnaire de trois fois rien suivi d’un Dictionnaire de rien du tout, Marc-Emile Thinez

Ecrit par Philippe Chauché , le Samedi, 14 Mars 2015. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Essais, Revues, Editions Louise Bottu

Dictionnaire de trois fois rien suivi d’un Dictionnaire de rien du tout, mars 2015, 70 pages, 9,50 € . Ecrivain(s): Marc-Emile Thinez Edition: Editions Louise Bottu

 

 

« Avaler v. tr. Avaler le français, le russe, l’anglais, avaler le chinois, avaler le basque et le volapuk, le bambara, avaler le sanskrit, l’occitan, avaler le tamoul, l’ukrainien, le finnois… voir vomissement. Tu as avalé ta langue ? demandait Jean quand par timidité je ne répondais pas, ou par entêtement ».

Après 140 au carré, Marc-Emile Thinez s’invite à nouveau dans la collection Contraintes des Editions Louise Bottu, et propose son petit dictionnaire, parce que le dictionnaire est le plus beau des livres (1) : Algèbre – contrainte en arabe –, à Zup – c’est la zone –, en passant par Ecriture – parole de nanti –, Histoire – Donner du sens au temps –, Musique – ne dit rien d’autre qu’elle-même – ou encore, Réforme – hantise des vaches et de certains veaux – mais aussi SOI-MEME – renforcement d’un soi qui en a bien besoin – ou VOILE – grille qui dissimule le visage, ou la réalité, selon le point de vue.

Observations sur la peinture, Pierre Bonnard

Ecrit par Philippe Chauché , le Samedi, 07 Mars 2015. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Arts, Essais, L'Atelier Contemporain

Observations sur la peinture, janvier 2015, préface d’Alain Lévêque, introduction d’Antoine Terrasse, 72 pages, 15 € . Ecrivain(s): Pierre Bonnard Edition: L'Atelier Contemporain

« Violet dans les gris.

Vermillon dans les ombres orangées,

par un jour froid de beau temps ».

Pierre Bonnard devient un instant le peintre aux agendas, notations précises et brèves, à chaque fois un ou deux mots pour dire le temps qu’il fait et le temps qu’il voit – la main du peintre. Beau, pluvieux, beau nuageux, mais aussi vent froid, beau frais, beau froid, ou encore couvert, et ces notations inspirées, précises et pertinentes : au-dessus de tout plane le climat de l’œuvre, ou, il ne s’agit pas de peindre la vie, il s’agit de rendre vivante la peinture, et plus loin, que le sentiment intérieur de beauté se rencontre avec la nature, c’est là le point. Pierre Bonnard le peintre aux mille dessins de poche  rassemblés dans ces petits agendas, à chaque jour son observation, son mot, son trait, à chaque jour sa courbe : corps, natures endormies – que l’on continue à nommer natures mortes –, un coin de table, un saladier, un vase, une tête de cheval, la mer, une voile, un chat, rien de plus, rien de moins. Pierre Bonnard maître des observations marines : son œil est ce sextant qui ouvre la voie à la toile.

Barcelona ! Grégoire Polet

Ecrit par Philippe Chauché , le Lundi, 23 Février 2015. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Gallimard

Barcelona !, janvier 2015, 496 pages, 22 € . Ecrivain(s): Grégoire Polet Edition: Gallimard


« C’est dans cette carcasse de pierre que l’illustre Jean Genet se logea jadis, plusieurs mois. Irving regarde la ruine pendante, songeur. Qu’est-ce qu’ils vont bien pouvoir construire là ? Des logements sociaux ? Ou bien, comme ils en sont capables, un beau musée, boum, pour charger le signe du quartier ? ».

Plus que jamais Barcelone est bien cette ville des Prodiges, une ville en mouvement perpétuel, qui ne dort jamais, qui se forme et se transforme comme un roman. Roman d’une ville en révolte permanente, épique, virevoltante, troublante, sidérante et parfois sidérée, hantée par l’Histoire et les histoires qu’elle s’invente et qui l’inventent. Grégoire Polet pratique l’art de la dérive littéraire, inspiré par ceux qui l’ont précédé sur la Rambla, dans le Raval ou le Barrio Chino, où les ombres portées d’écrivains voyageurs croisent celles d’insomniaques douteux et de perdants magnifiques.