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Articles taggés avec: Chauché Philippe

Les instants les éclairs, Jacqueline Risset

Ecrit par Philippe Chauché , le Vendredi, 28 Mars 2014. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Récits, Gallimard

Les instants les éclairs, janvier 2014, 192 pages, 16,90 € . Ecrivain(s): Jacqueline Risset Edition: Gallimard

 

« A présent le soleil darde (c’est le mot : dard de guêpe) à travers le feuillage de l’olivier – sa lumière aiguë, qui fait que si je le regarde en me croyant protégée par les feuilles en nuage de l’arbre, je reporte sur cette page une infinité de taches qu’il m’impose, et je vois en face, dans le jardin, les coussins de la balancelle flamber de joie dans l’orange, et le bord de ma jambe briller et se tracer comme un trait vainqueur. Ah vive lui, vive l’astre, et vive la merveille, tant qu’elle existe, tant que nous existons ! »

Coïncidence du temps : je vois Jacqueline Risset prenant au vol ces instants, ces éclairs de vie, dans son filet à papillons. Image superposée à celle de Vladimir Nabokov (écrivain des éclairs), même légèreté, même justesse dans le choix des mots, des images, des situations, même sourire à la vie avec par instant un certain tressaillement. Sourire à la vie et à ses songes pour sourire à la littérature, des instants et des éclairs dont elle fait son miel. Les instants, les éclairs, les rêves et les amours de l’auteur pris dans les mailles fines de son écriture, dont le battement d’ailes annonce le printemps.

Numéro 3 de la Revue Desports, Le premier magazine de sport à lire avec un marque-page

Ecrit par Philippe Chauché , le Vendredi, 07 Mars 2014. , dans La Une CED, Entretiens, Les Dossiers

 

Numéro 3 de la Revue Desports, Le premier magazine de sport à lire avec un marque-page, janvier 2014, 19,90 €

 

Dans Le scandale McEnroe (Gallimard), Thomas A. Ravier écrit : « Le cavalier cavale de façon peu cavalière pour la chronologie. Il ne trébuche pas sur l’objectivité du match, son bras le tire par le haut (du temps) ; il ne brûle pas les étapes, il prend de vitesse l’incendie. Les floraisons grasses ne lui semblent pas si poétiques qu’on le dit (on dit tant de choses), il voyage sur le court, traverse le miroir en riant de son reflet, indifférent à tout ce qui n’est pas l’émotion de son mouvement naturel ». Ceux qui ont suivi (de loin) les insertions colériques et romanesques du tennisman punk sur les courts, peuvent lire ce petit livre passé presque inaperçu. Les livres comme certains sportifs ne durent souvent qu’un printemps. Heureusement, un printemps peut parfois en cacher un autre, et une revue le faire fleurir.

La musique des pierres, Nicolas Idier

Ecrit par Philippe Chauché , le Jeudi, 20 Février 2014. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Gallimard

La musique des pierres, janvier 2014, 336 pages, 21 € . Ecrivain(s): Nicolas Idier Edition: Gallimard

 

« Je marche tous les jours, par tous les temps, même les nuits pluvieuses. Les villes d’Asie ne dorment jamais à poings fermés. Moi non plus, depuis le jour-sans-nom ».

Les beaux livres ne dorment jamais, comme les vagues qui viennent de si loin que l’on se demande souvent si elles ne sont pas éternelles, nées du caprice d’un dieu. L’écrivain regarde les vagues de loin, s’avance, ses pieds se posent sur mille petites pierres roulées, le corps s’élance dans le mouvement permanent de l’eau, les bras, les jambes, la tête, ce n’est pas un nageur, c’est un ange. Les beaux livres offrent au lecteur attentif aux récifs, des nuits blanches et calmes, des nuits dessinées au pinceau avec grande attention, comme les pierres de Liu Dan qui s’élancent dans le mouvement du Temps chinois, le Temps éternel qui est à bien l’embrasser, la plus belle des révolutions. Les beaux livres ne dorment jamais les pages fermées, elles s’ouvrent comme des fleurs du désert, pierres de sables qui glissent entre les doigts, et ne retombent jamais en poussière.

Médium, Philippe Sollers

Ecrit par Philippe Chauché , le Samedi, 01 Février 2014. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Gallimard

Médium, janvier 2014, 176 pages, 17,50 € . Ecrivain(s): Philippe Sollers Edition: Gallimard

 

« Time is money, la folie gronde. La contre-folie, elle, prend son temps. Pour qui ? Pour rien. La rose est sans pourquoi, fleurit parce qu’elle fleurit, n’a aucun souci d’être vue ».

Lorsque la folie gronde, il vaut mieux être protégé par un paratonnerre, réel ou imaginaire, peu importe, mais il convient de s’armer de contre-folie, s’arrimer à la terre, et flécher le ciel. En ce siècle crispé, il y a des lieux, des êtres, des livres qui en tiennent avec légèreté l’office. Rien de nouveau sur la planète Sollers, la petite aiguille de sa boussole amoureuse lui indique toujours la même direction : Venise. Ville médium, ville dictionnaire qu’il ouvre et parcourt accompagné d’or – Loretta –, d’une fleur – Ada –, et de son moraliste, l’immortel de Versailles – Saint-Simon.

Médium est le roman de la folie et de son contre feu. L’une, on sait sur quoi elle tient : trafics en tous genres – dollars, organes et arts –, falsifications, vérités et mensonges, mauvais romans et mauvaise vie, l’autre repose sur quelques certitudes : immortalité et musicalité du Temps, amours gagnés, lectures attentives et écriture permanente, mouvement permanent du corps joyeux, trilogie divine. Le Père lit, le Fils écrit, et le Saint Esprit ne cesse d’aller et venir entre Paris et Venise sans changer de place.

Juste après la pluie, Thomas Vinau

Ecrit par Philippe Chauché , le Lundi, 13 Janvier 2014. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Alma Editeur, Poésie, Roman

Juste après la pluie, 30 janvier 2014, 280 pages, 17 € . Ecrivain(s): Thomas Vinau Edition: Alma Editeur

 

Quelle belle manière d’ouvrir la nouvelle année par ce roman-poésie au titre éclairant, aux éclats romanesques, judicieux et joyeux même parfois dans son insaisissable tremblement. Roman-poésie qui s’appuie sur cette lumineuse phrase de Pavese tiré de son métier de vivre : « Mais la grande, la terrible vérité, c’est celle-ci : souffrir ne sert à rien », en effet ! Cette vérité terrible ouvre ceux qui ne s’en doutaient pas à de nouvelles aventures de la liberté libre, ce qui n’est jamais de tout repos.

Vinau attentif à ce qu’il voit, c’est l’œil qui écrit, choisir ses mots avec la même attention que porte Matisse à choisir ses pigments. A ce qu’il sent, la peau toujours aux aguets. A ce qu’il pense, les mouvements du corps sont aussi des sauts dans l’espace de la pensée vive qui jamais n’oublie d’en sourire. A ce qu’il entend, l’oreille qui chante ; vigilance de l’écrivain aux éclairs du Temps, au vent, au soleil, aux comètes, aux fleurs et aux fruits, au ventre doux de la terre, comme finalement chez Francis Ponge,  son ancêtre en art du bref.