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Articles taggés avec: Chauché Philippe

à propos de « Tant de soleils dans le sang » et « Jusqu’au bout de la route » d’André Velter – Gallimard

Ecrit par Philippe Chauché , le Samedi, 19 Avril 2014. , dans La Une CED, Etudes, Les Dossiers

 

« Au sortir du labyrinthe / à jamais / l’arène est un miroir / de feu

une clairière / qui découpe / un cercle de lumière / et le ciel, à vif »

 

La poésie d’André Velter est une clairière. Un ciel mis à vif par les mots, comme la musique flamenca de Pedro Soler, qui accompagne silencieusement Tant de soleils dans le sang. La poésie libre de l’écrivain résonne dans les ruedos et au centre tellurique de la terre andalouse. Elle saisit comme une saeta, ce chant sacré lancé à la ville et au monde dans une rue de Séville au passage du Cachorro.  André Velter se met au tempo du Temps, inspiré par la musique silencieuse du torero José Tomás, par le duende solaire de Lorca, au cœur des vibrations de la phrase qui s’allonge comme une éternité, qui vibre jusqu’à l’os. Vamos, vamos, vamos, vamos, écrit-il, et le poème s’élance avec la profondeur naturelle d’un mouvement de poignet, de la plume à la muleta, de la cape à la plume sous la lune qui donne aux chants et aux champs tant de vibrations profondes, de chants profonds, cante jondo de l’autre côté des Pyrénées.

L’étendue musicale, Marcelin Pleynet

Ecrit par Philippe Chauché , le Mercredi, 02 Avril 2014. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Récits, Gallimard

L’étendue musicale, Gallimard, L’Infini, février 2014, 120 pages, 14,90 € . Ecrivain(s): Marcelin Pleynet Edition: Gallimard

 

« A Venise la circonférence est partout et le centre nulle part…

Ma vie comme un roman dont la circonférence est partout et le centre nulle part… »

Marcelin Pleynet écrit comme Cézanne peignait, sur le motif. Ici, comme depuis longtemps, c’est Venise. Une île musicale pour une idée de roman musical. Loin, si loin, de toute imagerie bavarde, chichiteuse et larmoyante, loin de l’imaginaire de sa disparition annoncée dans les eaux de la lagune, loin de ses masques et de ses poses, de ses écrivains dépressifs et de ses cinéastes laborieux et poudrés. On est à mille années lumières de Mort à Venise et ses fantômes souffreteux, littéralement au cœur du mouvement de la ville, d’un mouvement poétique et musical, où s’invitent écrivains, musiciens, peintres et architectes. C’est Vie à Venise ou plus harmonieusement Vies à Venise, le pluriel est ici capital. Dans son Dictionnaire amoureux de Venise, Philippe Sollers met en avant l’éloge prononcé pour la consécration du Doge sérénissime de Venise, Luigi Mocenigo, le 23 août 1570, autrement dit aujourd’hui, par Luigi Grotto Cieco d’Hadria : « … qui ne la contemple est indigne de la lumière, qui ne l’admire est indigne de l’esprit, qui ne l’honore est indigne de l’honneur… », on ne saurait mieux dire !

Les instants les éclairs, Jacqueline Risset

Ecrit par Philippe Chauché , le Vendredi, 28 Mars 2014. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Récits, Gallimard

Les instants les éclairs, janvier 2014, 192 pages, 16,90 € . Ecrivain(s): Jacqueline Risset Edition: Gallimard

 

« A présent le soleil darde (c’est le mot : dard de guêpe) à travers le feuillage de l’olivier – sa lumière aiguë, qui fait que si je le regarde en me croyant protégée par les feuilles en nuage de l’arbre, je reporte sur cette page une infinité de taches qu’il m’impose, et je vois en face, dans le jardin, les coussins de la balancelle flamber de joie dans l’orange, et le bord de ma jambe briller et se tracer comme un trait vainqueur. Ah vive lui, vive l’astre, et vive la merveille, tant qu’elle existe, tant que nous existons ! »

Coïncidence du temps : je vois Jacqueline Risset prenant au vol ces instants, ces éclairs de vie, dans son filet à papillons. Image superposée à celle de Vladimir Nabokov (écrivain des éclairs), même légèreté, même justesse dans le choix des mots, des images, des situations, même sourire à la vie avec par instant un certain tressaillement. Sourire à la vie et à ses songes pour sourire à la littérature, des instants et des éclairs dont elle fait son miel. Les instants, les éclairs, les rêves et les amours de l’auteur pris dans les mailles fines de son écriture, dont le battement d’ailes annonce le printemps.

Numéro 3 de la Revue Desports, Le premier magazine de sport à lire avec un marque-page

Ecrit par Philippe Chauché , le Vendredi, 07 Mars 2014. , dans La Une CED, Entretiens, Les Dossiers

 

Numéro 3 de la Revue Desports, Le premier magazine de sport à lire avec un marque-page, janvier 2014, 19,90 €

 

Dans Le scandale McEnroe (Gallimard), Thomas A. Ravier écrit : « Le cavalier cavale de façon peu cavalière pour la chronologie. Il ne trébuche pas sur l’objectivité du match, son bras le tire par le haut (du temps) ; il ne brûle pas les étapes, il prend de vitesse l’incendie. Les floraisons grasses ne lui semblent pas si poétiques qu’on le dit (on dit tant de choses), il voyage sur le court, traverse le miroir en riant de son reflet, indifférent à tout ce qui n’est pas l’émotion de son mouvement naturel ». Ceux qui ont suivi (de loin) les insertions colériques et romanesques du tennisman punk sur les courts, peuvent lire ce petit livre passé presque inaperçu. Les livres comme certains sportifs ne durent souvent qu’un printemps. Heureusement, un printemps peut parfois en cacher un autre, et une revue le faire fleurir.

La musique des pierres, Nicolas Idier

Ecrit par Philippe Chauché , le Jeudi, 20 Février 2014. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Gallimard

La musique des pierres, janvier 2014, 336 pages, 21 € . Ecrivain(s): Nicolas Idier Edition: Gallimard

 

« Je marche tous les jours, par tous les temps, même les nuits pluvieuses. Les villes d’Asie ne dorment jamais à poings fermés. Moi non plus, depuis le jour-sans-nom ».

Les beaux livres ne dorment jamais, comme les vagues qui viennent de si loin que l’on se demande souvent si elles ne sont pas éternelles, nées du caprice d’un dieu. L’écrivain regarde les vagues de loin, s’avance, ses pieds se posent sur mille petites pierres roulées, le corps s’élance dans le mouvement permanent de l’eau, les bras, les jambes, la tête, ce n’est pas un nageur, c’est un ange. Les beaux livres offrent au lecteur attentif aux récifs, des nuits blanches et calmes, des nuits dessinées au pinceau avec grande attention, comme les pierres de Liu Dan qui s’élancent dans le mouvement du Temps chinois, le Temps éternel qui est à bien l’embrasser, la plus belle des révolutions. Les beaux livres ne dorment jamais les pages fermées, elles s’ouvrent comme des fleurs du désert, pierres de sables qui glissent entre les doigts, et ne retombent jamais en poussière.