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Articles taggés avec: Chauché Philippe

Aristote, Œuvres en la Pléiade

Ecrit par Philippe Chauché , le Mardi, 25 Novembre 2014. , dans La Une Livres, La Pléiade Gallimard, Les Livres, Critiques, Bassin méditerranéen, Essais

Aristote, Œuvres, Ethiques, Politique, Rhétorique, Poétique, Métaphysique, Edition publiée sous la direction de Richard Bodéüs, novembre 2014, 1664 pages, 61 € jusqu’au 28 février 2015 Edition: La Pléiade Gallimard

 

Parions pour commencer qu’il s’agit là d’un bain de Grèce, comme l’on parle d’un bain de jouvence, où la vitalité du penseur de Stagire gagne par strates celle du lecteur. Une nouvelle vitalité portée par le Temps et son déroulement, par ses successifs traducteurs, commentateurs, « le maître de ceux qui savent » pour Dante, et passeurs. Parions qu’une pensée molle, comme certaines têtes, ne résiste pas à ce passage du Temps, et qu’à l’inverse, une pensée dure – qui embrasse l’éthique, le politique, la physique, la métaphysique et la mathématique – ne cesse de prouver son actualité, notamment par son étude précise de la multiplicité du réel. Aristote, « le philosophe », est cela et plus encore, et cette édition de la Pléiade des Œuvres le vérifie par la vérité de l’œuvre mise à jour dans l’organisation de son Corpus, la mise à l’épreuve du réel par l’Athénien, et la finesse de sa mise en lumière par les nouveaux passeurs-traducteurs que réunit Richard Bodéüs.

Berceau, Eric Laurrent

Ecrit par Philippe Chauché , le Vendredi, 21 Novembre 2014. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Les éditions de Minuit

Berceau, octobre 2014, 96 pages, 11,50 euros . Ecrivain(s): Eric Laurrent Edition: Les éditions de Minuit

« (C’est pourquoi) il me semble que j’étais destiné, dans le fond, à l’adoption plutôt qu’à la génération. Il était dit que je n’allais pas donner la vie, mais que j’en sauverais une.

Je ne ferai donc pas souche, mais greffe ».

Berceau est le récit de cette greffe. L’adoption de Ziad ne sera pas simple, elle passera non sans mal à travers le filet du grand projet de réislamisation des sociétés arabes, par rejet des idéaux séculiers du monde occidental, lancé par les Frères musulmans, le « Printemps arabe » est aussi passé par le Maroc. Durant plus d’un an, l’auteur et sa compagne vont quotidiennement voir et accompagner à la vie leur enfant en devenir. Berceau est ce récit à prendre à la lettre, comme l’on prend à la lettre les romans de l’écrivain.

« Ayant donc compris que j’étais un homme de lettres, autrement dit que les mots exerçaient sur moi une puissance de séduction, Ziad s’est toujours fait fort de me parler, et cela très tôt. Les premiers temps, il n’était pas rare que, ce faisant, des bulles lui vinssent aux lèvres. Enfermeraient-elles des mots ? me demandais-je alors, penché au-dessus de son visage, la main placée en cornet autour du pavillon de l’oreille ».

Aimer et ne pas l’écrire, Montaigne et Marie, Claire Tencin

Ecrit par Philippe Chauché , le Mercredi, 12 Novembre 2014. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman

Aimer et ne pas l’écrire, Montaigne et Marie, Editions Tituli, mai 2014, 101 p. 16 € . Ecrivain(s): Claire Tencin

« C’est alors que… – et là est le pouvoir du récit, ou le destin d’un Grand Homme – c’est alors qu’il découvre sur le guéridon la lettre de Marie Le Jars de Gournay. A 16 heures précisément, son cœur se met à battre à la volée. La lettre d’une jeune femme : Cher Maître, Michel est flatté, j’ai vingt-trois ans et j’ai tout lu de vous (Il y a une légère confusion orthographique entre “lu” et “bu”, Michel préfère y lire “bu”) ».

C’est alors que… c’est alors que la foudre frappe le moraliste. Un nouveau coup de foudre, d’une toute autre nature que celui provoqué par la rencontre avec Etienne de La Boétie, d’une nature plus charnelle. Marie de Gournay a lu et ne cesse de lire les Essais, Andréa Marot, projection romanesque de Claire Tencin, en sait beaucoup sur Montaigne, mais très peu de Marie, cette femme savante. Au hasard des rencontres, elle est saisie par l’histoire de cette fille par alliance et son Proumenoir de Monsieur de Montaigne, miroir où se déploie l’arc électrique de la passion amoureuse. Les Essais électrisent Marie de Gournay. Elle ne cessera de vouloir vérifier si le corps de Montaigne peut s’accorder à cette admiration, comme celui de l’amant de Bordeaux d’Andréa. Il y a de l’électricité romanesque dans l’air, et Claire Tencin va en quelques éclairs saisir ce qui s’est joué entre le Maître et son élève et ce qui se joue entre Andréa et son professeur. Quand j’admire, j’admire, quand j’écris, j’écris, quand j’aime, j’aime, le réel est toujours à prendre à la lettre et au sérieux.

L’abécédaire d’un pianiste, Un livre pour les amoureux du piano, Alfred Brendel

Ecrit par Philippe Chauché , le Lundi, 03 Novembre 2014. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Essais, Christian Bourgois

L’abécédaire d’un pianiste, Un livre pour les amoureux du piano, dessins de Gottfried Wiegand, octobre 2014, traduit de l’allemand par Olivier Mannoni avec la collaboration de Chara Iacovidou, 160 p. 15 € . Ecrivain(s): Alfred Brendel Edition: Christian Bourgois

 

« Attaque : Il existe peut-être des interprètes qui préparent une attaque, une attaque contre le public. Le son du piano leur rendra la monnaie de leur pièce.

Tenons-nous-en à des mots plus aimables, comme touch et toucher.

Que l’on me comprenne bien : on peut avoir un grand jeu, et même un jeu immense, sans enfoncer le son à travers les touches comme avec un couteau ».

D’Accents à Zarzuela pour piano seul, en passant par Danse, Fantaisie et Scarlatti, Alfred Brendel livre ici son petit abécédaire d’un pianiste, un pianiste qui n’a cessé et ne cesse d’être au cœur même de la musique, que ça soit avec Mozart, Haydn, Schubert, Liszt, ou Beethoven. Il faut le voir jouer la fantaisie après une lecture de Dante de Liszt, ce précurseur radical de la modernité, le voir danser devant une partition de Bach face à son élève le jeune Kit Armstrong dans le film de Mark Kidel, et le lire.

140 au carré, Marc-Emile Thinez

Ecrit par Philippe Chauché , le Samedi, 01 Novembre 2014. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Essais, Editions Louise Bottu

140 au carré, La Révolution en 140 tweets ou Les lendemains qui gazouillent, septembre 2014, 70 pages, 9,50 € . Ecrivain(s): Marc-Emile Thinez Edition: Editions Louise Bottu

 

« En retard pour l’école, Jean Thinez court de toutes ses jambes d’enfant. Allez Zátopek lui lance un voisin au passage. Jean Thinez accélère ».

« Tout dans la course est révolution, le circuit qui ramène invariablement au point de départ, les jambes et les pensées, tout tourne en rond ».

Après La Chanson du Mal-Aimant de Jean-Louis Bally (recensé ici même), les Editions Louise Bottu publient un nouvel opus sous Contraintes. La contrainte est ici un tweet, 140 signes et 140 tweets pour faire gazouiller les lendemains, qui on le sait ne chantent plus depuis bien longtemps. Marc-Emile Thinez a plus d’un tour dans les tweets qu’il attribue à Jean Thinez, son double romanesque, et sous ses chaussures de sport. S’il court ce n’est pas pour distancer le vieux monde, c’est pour forger son âme tout en musclant ses mollets et ses aphorismes, sans manquer entre deux accélérations d’en rire.

« La course est automatisme. Les jambes tournent, l’esprit vacant. Le sage, Montaigne et le champion le disent, lorsqu’on court on court ».