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Roman

Une mer d’huile, Pascal Morin

Ecrit par Martine L. Petauton , le Lundi, 04 Septembre 2017. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, La rentrée littéraire, La Brune (Le Rouergue)

Une mer d’huile, août 2017, 127 pages, 13,80 € . Ecrivain(s): Pascal Morin Edition: La Brune (Le Rouergue)

 

On hésite : « Décaméron » façon Pasolini (1971) posé un été de littérature ? Renaissance des sons si particuliers à la grande Sagan sur les routes sinueuses suspendues au-dessus de la Méditerranée ? Un peu de tout ça ou autre chose ? Assurément, on va dire les deux, et c’est là que réside le climat – tous sens du mot – le rythme et l’étrange et prenant charme de ce livre.

Les images du Décaméron de Pasolini, irriguant de sa lumière trouble et dérangeante l’Italie desséchée, nous accompagnent de bout en bout et Pascal Morin le sait, l’utilise habilement, comme en montré-caché. Mais c’est en moins vénéneux, presque en miroir adouci, en moins violemment solaire. Il y a de ça, en autre chose. Mantra du regard du lecteur sur le livre. Et ce mezzo voce, tant dans les personnages que dans les situations, est sans doute plus efficace, plus terrible aussi, car il entre en chacun de nous, en nos itinéraires, nos souvenirs, nos rêves, de façon plus profonde que par le fracas de Pasolini.

Vera, Karl Geary

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 31 Août 2017. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Iles britanniques, La rentrée littéraire, Rivages

Vera (Montpelier Parade), 30 août 2017, trad. anglais (Irlande/USA) Céline Leroy, 254 pages, 21,50 € . Ecrivain(s): Karl Geary Edition: Rivages

 

Un livre débordant d’amour, délicat, touchant sans une once de pathos, est un objet rare en littérature. C’est avec un talent exceptionnel et un humanisme sans fond que Karl Geary vient occuper cet espace avec ce roman superbe qui laisse le cœur du lecteur tourneboulé.

Sonny est un jeune garçon né dans une famille très pauvre de Dublin. Il va au lycée et donne des coups de main dans une boucherie le soir et le samedi, ou à son père, maçon, à l’occasion. Geary nous emmène, avec force et conviction, dans un univers à la Ken Loach. La brutalité fruste des relations familiales, les difficultés de la vie, n’empêchent pas un amour profond pour la mère, distante mais aimante, pour le père surtout, géant taiseux qui ne peut cacher, malgré sa pudeur, son affection paternelle. On est là au cœur de ce roman : ce n’est pas l’amour qui manque mais le pouvoir, le courage, l’envie de le dire, de le mettre en mots, de l’annoncer à l’autre. L’amitié de Sonny avec Sharon, petite jeune fille délurée, solitaire, écorchée vive, est le sommet de cette impossibilité de dire l’amour, comme s’il s’agissait d’une faute inexpiable que d’aimer.

Ork, Jacques Cauda

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Jeudi, 31 Août 2017. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres

Ork, La P’tite Hélène éditions, juillet 2017, 128 pages, 13 € . Ecrivain(s): Jacques Cauda

 

 

Jacques Cauda : ribouldingue de pétochards

Dès le début du roman de Cauda, le lecteur comprend où il pénètre : « La porte bâillait comme les cuisses d’une femme ouvertes au plaisir ». Il est à noter au passage la précision syntaxique : la brèche libidinale anime les membres plus que le personnage lui-même. Et tout est donc notable dans le livre sauf ses héros : les mâles, si l’on en croit l’incipit de Lacan, sont victimes de « l’élision du phallus ». Quant aux blondes en tailleur chic, à Madame Aubain – dont le sexe semble sage « au fond d’une robe pure » avant que sa jupe se retrousse jusqu’au slip – et bien d’autres, deviennent – entre Deauville et Trouville la bien nommée – tétons ou victimes d’une enquête filée dans un fourre-tout qui n’a rien d’étouffe chrétiens – les morts étant plus saignantes et tartares.

Karoo, Steve Tesich

, le Mardi, 29 Août 2017. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Points

Karoo, trad. (USA) Anne Wicke, 608 pages, 22 € . Ecrivain(s): Steve Tesich Edition: Points

Souvent, et à tort, on ne connaît pas Karoo de Steve Tesich. Sorti en 1998, le roman de presque 600 pages avait tout pour devenir culte, grandiose, pour s’aligner sur ces chefs d’œuvres que comptent la littérature contemporaine américaine. Quand on le lit, on pense à Henry Miller, à Bret Easton Ellis, à Hunter S. Thompson, à Richard Yates. Autant de plumes scandaleuses, qui réussissent le pari de nous distraire, nous choquer et nous émouvoir en même temps avec leurs héros déglingués à l’absinthe, aux plaisirs faciles, et allergiques à toute forme d’intimité. Souvent les auteurs sont des inadaptés notoires qui s’assument, flirtent dangereusement avec l’autofiction, et soignent leurs névroses dans une écriture salvatrice.

Le personnage de Saul Karoo, « script-doctor » qui retouche les productions hollywoodiennes, alcoolique au cœur noir, a-t-il pris racine dans celui de l’auteur Steve Tesich, scénariste hollywoodien de seconde zone ? C’est fort probable. Mais la personnalité de l’auteur restera, elle, un mystère. Mort prématurément avant la sortie de son roman, il nous prive d’une plume qui avait tout pour s’inscrire dans la légende et de réponses aux questions que posent les deux romans magistraux qu’il nous laisse, tous deux publiés à titre posthume. Karoo, pour sa part, nous lâche essoufflés, transcendés, convaincus d’avoir effleuré l’âme d’un génie, et frustrés. On en aurait voulu beaucoup d’autres, des Karoo.

Comme une rivière bleue, Michèle Audin

Ecrit par Stéphane Bret , le Mardi, 29 Août 2017. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Gallimard, La rentrée littéraire, Histoire

Comme une rivière bleue, août 2017, 391 pages, 20 € . Ecrivain(s): Michèle Audin Edition: Gallimard

 

Peu de romans ou d’essais historiques sont consacrés à la Commune de Paris. Est-ce dû à la brièveté de l’événement ? À son caractère d’utopie révolutionnaire inenvisageable ? Probablement un peu de tout cela. Michèle Audin, dans son récit Comme une rivière bleue, évoque cette période, non pas du point de vue global de l’histoire, mais de celui des Communards de base, ceux des quartiers en pleine ébullition, des faubourgs populaires, de ceux qui tiennent des réunions enflammées par la passion de transformer le monde.

Michèle Audin ne manque pas de décrire avec fougue et conviction ce qu’éprouvent à titre privé et dans leur for intérieur les Communards, comment ils s’aiment, se querellent, se retrouvent. Le récit s’articule en descriptions successives des quartiers parisiens juste après la proclamation de la Commune en mars 1871. On arpente ainsi la place de Grève, le onzième arrondissement, le Faubourg Saint-Antoine, le quai Conti. Mais c’est la prise du journal Officiel qui est présentée comme l’une des premières décisions de la Commune, c’est l’occasion d’y présenter les personnages que l’on retrouvera à travers le récit : Emilie Lebeau, Pierre Vésinier, Florris Piraux, Paul Vapereau, Charles Longuet. On y croise bien sûr les grandes figures de la Commune, Jules Vallès qui s’écrie :