Identification

Roman

Les vivants au prix des morts, René Frégni

, le Jeudi, 15 Juin 2017. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Gallimard

Les vivants au prix des morts, mai 2017, 188 pages, 18 € . Ecrivain(s): René Frégni Edition: Gallimard

 

René menait une vie paisible. Si douces étaient ses journées, bercées par le silence de la campagne, la discrète apparition des moineaux au petit matin. Il respirait la vie, la nature, et l’amour, les promenades en fleurs. Les collines de Provence veillaient sur lui, sa vie était un long, long fleuve tranquille. Les promenades sur la vallée, les arbres comme compagnie, et sa belle Isabelle, ses seins et ses mots doux. Les après-midis en terrasse, où le soleil chauffe délicatement le crâne, où les gens lisent le journal, parlent dans un accent de Sud-Est, commandent des grenadines ou des pastis avant d’aller jouer à la pétanque. Une vie de paix et de soleil, que René raconte dans ce journal qui lui avait été offert.

« 1er Janvier

(…) Ce qui me sidère chaque jour, c’est la vie de cette vallée, trois maisons au bord d’une rivière, la pierre blonde d’un pont, la beauté du silence ».

Le Marié de la Saint-Jean, Yves Viollier

Ecrit par Mélanie Talcott , le Mercredi, 14 Juin 2017. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Presses de la Cité

Le Marié de la Saint-Jean, avril 2017, 304 pages, 19 € . Ecrivain(s): Yves Viollier Edition: Presses de la Cité

 

Il y a l’Histoire qui s’écrit avec une majuscule, faite de dates, de faits, de circonstances, de drames et de commémorations. Dans la mémoire collective, celle-ci s’inscrit comme une réalité passée qui ne peut se rejouer. On finit même par oublier cette Histoire, quand non l’interpréter comme il nous convient. Et puis, il y a l’autre, celle qui se raconte avec un h minuscule, l’histoire de l’histoire de l’histoire. Et celle-là, on ne l’oublie pas tant elle nous touche de par son universalité.

C’est à son récit croisé que s’attache Yves Viollier dans son dernier livre Le Marié de la Saint-Jean où il se révèle un excellent conteur, en nous plongeant dans l’intimité de deux familles et le contraste de deux cultures, l’une circonscrite à la Vendée et à des traditions que l’on aimerait pérennes et qui malheureusement ne le sont plus, l’autre ouverte sur l’Asie du Sud-Est et les conflits qui ont jeté sur les routes de l’exil, où la mort souvent les attendait, des milliers de personnes. Cette Histoire-là se répète au gré de notre impuissance et indifférence, preuves en sont tous les conflits actuels dont on ne retient souvent que les crispations médiatiques. Par contre, celle vécue réellement par Zhida et ses frères, outre l’émotion qu’elle suscite, nous renvoie à celle qui nous constitue chacun intimement.

Le dernier jour, Jean-Luc Outers

Ecrit par Philippe Chauché , le Lundi, 12 Juin 2017. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Gallimard

Le dernier jour, mai 2017, Avant-propos de J-M.G. Le Clézio, 152 pages, 14,50 € . Ecrivain(s): Jean-Luc Outers Edition: Gallimard

 

« Aux antipodes, il continuait inlassablement à nous faire part de ses éblouissements et de ses indignations qu’il publiait en forme de missives nous mettant en garde de ne pas nous endormir : la beauté et l’horreur, en effet, deux raisons majeures de rester éveillé. Même s’agissant de beauté, il lui arrivait de s’indigner : “Ce n’est pas que les gens ne remarquent pas la beauté, c’est qu’elle leur est insupportable”. Il n’en aurait jamais fini ni avec le trait de pinceau, ni avec les naufrages, ni avec la tyrannie », L’unique trait de pinceau, sur Simon Leys.

Le dernier jour est un livre hommage, un dernier hommage, un Tombeau, comme le souligne J-M.G. Le Clézio dans son avant-propos, un livre épitaphe, une oraison à la manière de Bossuet, mais aussi un exercice d’admiration complice. Le dernier jour est un roman d’amitiés, réjouissant, lumineux et gracieux. Jean-Luc Outers sait la justesse des mots et de la narration – il s’agit d’un magnifique roman composé dirait Philippe Sollers son éditeur ! – pour ne cesser de faire vivre ces écrivains et cette cinéaste disparus.

Une ombre chacun, Carole Llewellyn

Ecrit par Zoe Tisset , le Lundi, 12 Juin 2017. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Belfond

Une ombre chacun, avril 2017, 294 pages, 17 € . Ecrivain(s): Carole Llewellyn Edition: Belfond

 

L’histoire tourne autour de cette femme, Clara, elle a décidé de tout quitter et surtout son mari, Charles. Celui-ci lui demande un enfant comme on passe une commande dans un magasin chic.

« Charles était de cette génération d’hommes qui réfléchissaient à la paternité, projet angoissant de la trinité héritée appartement, mariage, enfants (…). Il lui demanderait juste un enfant comme on demandait un deuxième whisky et, comme toujours, elle dirait oui ».

Seulement, il déclenche alors une sorte de raz de marée interne et extravasé. Clara qui a survécu dans son enfance à un enlèvement, part à la recherche d’elle-même.

« Tout allait bien. Tant que vous ne faisiez pas un bébé autiste ou trisomique. Un bébé sur lequel on ne pourrait pas s’extasier sur Instagram. Un bébé à qui on ne saurait pas quoi acheter comme jouet. Un bébé pour qui le choix de la poussette, du portage, de l’écharpe serait un débat inutile car on le garderait enfermé ».

Michel Tournier, Romans en la Pléiade

Ecrit par Matthieu Gosztola , le Samedi, 10 Juin 2017. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, La Pléiade Gallimard

Michel Tournier, Romans suivi de Le Vent Paraclet, édition d’Arlette Bouloumié avec la collaboration de Jacques Poirier et Jean-Bernard Vray, Paris, Gallimard, collection Bibliothèque de la Pléiade, 23 Février 2017, 1824 pages . Ecrivain(s): Michel Tournier Edition: La Pléiade Gallimard

De Tournier, l’on connaît surtout aujourd’hui Le Roi des Aulnes (prix Goncourt – à l’unanimité – en 1970, présenté par l’incomparable critique George Steiner comme « l’un des plus grands romans européens de ces dernières décennies »), et les Vendredi.

En 1969, Michel Tournier emprunte le personnage de Robinson Crusoé à Daniel Defoe dans Vendredi ou les Limbes du Pacifique. Ce texte, comme l’a rappelé notamment Martine Groult, est une superbe « revisitation » du grand texte Robinson Crusoé (1719) de Daniel Defoe (1660-1731). Revisitation situant l’action en 1759 et réalisant « une inversion de sens » puisque Tournier « fait de Robinson un élève de la vie sauvage au lieu d’un instructeur de la nature et du sauvage ». « D’abord tellurique, terrien, terreux, cloué au sol par l’attraction terrestre et plus encore par le poids de sa civilisation, écrit Jacques Chabot, le Robinson de Tournier, converti par le sauvage Vendredi aux joies légères de l’existence naturelle, se redresse, se porte vers l’altitude, où il devient progressivement un être aérien. Il s’élève au sommet d’un arbre, où il se livre tout entier à la rêverie d’un bonheur immobile et bercé, à la joie d’un départ sur place. « Il rêvait. L’arbre était un grand navire ancré dans l’humus et il luttait, toutes voiles dehors, pour prendre enfin son essor ».