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Roman

L’oubli que nous serons, Héctor Abad

Ecrit par Nathalie de Courson , le Lundi, 11 Décembre 2017. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Amérique Latine, Folio (Gallimard)

L’oubli que nous serons, trad. espagnol (Colombie) Albert Bensoussan, 400 pages, 8,30€ . Ecrivain(s): Héctor Abad Edition: Folio (Gallimard)

 

L’année France-Colombie qui s’achève nous a permis de mieux connaître certains artistes et écrivains colombiens de grande valeur, dont Héctor Abad Faciolince, aussi sensible et chaleureux dans son œuvre romanesque que dans son contact avec le public. Le titre énigmatique de son livre autobiographique, L’Oubli que nous serons, provient d’un sonnet de Borges (1) trouvé dans la poche du père de l’auteur après son assassinat en 1987 à Medellín par une milice paramilitaire : « Nous voilà devenus l’oubli que nous serons ». Mais la dédicace du livre à deux amis survivants du père, et l’épigraphe du poète israélien Yehuda Amichaï dissipent un peu la mélancolie de ce titre en affirmant d’emblée la volonté de mémoire qui anime le livre :

Et pour l’amour de la mémoire

je porte sur mon visage le visage de mon père.

Comment construire un livre autour d’un père exceptionnel sans tomber dans la mièvrerie hagiographique ? se demande le narrateur.

Secret, le silence, Cyril Huot

Ecrit par Philippe Chauché , le Vendredi, 08 Décembre 2017. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Tinbad

Secret, le silence, novembre 2017, 154 pages, 18 € . Ecrivain(s): Cyril Huot Edition: Tinbad

 

« La même voix intérieure qui roulait en lui devait rouler en elle pour y charrier les mêmes mots. Il aurait suffi de lui redire les mots de sa voix intérieure et aussitôt elle les aurait reconnus, ces mots, aussitôt elle aurait su que la même voix parlait en lui comme en elle, qu’elle leur parlait à tous deux d’une même voix ».

Secret, le silence est le roman d’une voix, d’un corps et d’une voix, le roman du silence glacial, prélude de l’Enfer dans lequel semble s’enfermer l’inconnue, roman de « l’intelligence d’amour », cette intensité circulaire mise en lumière par Jacqueline Risset (1). Secret, le silence est le roman d’une passion, où le silence est une parole tue, parole de cette jeune femme tombée dans le mutisme, dans l’anorexie, dans le retrait absolu du monde, telle une sainte, que plus rien ne touche, ni n’atteint, comme plongée dans le renoncement aux éclats et aux embellies du monde. L’homme qui l’accompagne la découvre dans tous les sens du mot, décide de la libérer des griffes de la clinique où elle s’enfonce, la sauve de l’Enfer du silence, et ainsi se sauve.

Romans et nouvelles (1959-1977), Philip Roth en la Pléiade

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 07 Décembre 2017. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Nouvelles, La Pléiade Gallimard

. Ecrivain(s): Philip Roth Edition: La Pléiade Gallimard

 

Romans et nouvelles (1959-1977), Philip Roth, trad. de l'anglais (États-Unis) par Georges Magnane, Henri Robillot et Céline Zins et révisé par Brigitte Félix, Aurélie Guillain, Paule Lévy et Ada Savin. Édition de Brigitte Félix, Aurélie Guillain, Paule Lévy et Ada Savin. Préface de Philippe Jaworski, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 2017, 1280 p.

 

(Encore) pas de Nobel pour notre patriarche de Newark, mais cette offrande tout de même : le début de la publication de son œuvre par la collection La Pléiade de Gallimard. Et quel début ! Les cinq premiers romans, les premières nouvelles, un Philip Roth sémillant, insolent, transgressif, en un mot réjouissant. On se rappelle les vagues que provoquèrent ses œuvres du début, en particulier dans la pudibonde Amérique, réactionnaire et antisémite. Car les écrits de Roth, publiés à cette époque, sont probablement dans son œuvre les plus libres et surtout les plus provocateurs. Qu’il s’agisse de sexe – ah, Portnoy ! – de judaïsme ou de conformisme américain, Philip Roth rompt les discours entendus, emporte les digues de la bien-pensance, bref, fait pleinement œuvre d’écrivain !

Souvenirs dormants, Patrick Modiano

Ecrit par Pierrette Epsztein , le Mercredi, 06 Décembre 2017. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Gallimard

Souvenirs dormants, octobre 2017, 112 pages, 14,50 € . Ecrivain(s): Patrick Modiano Edition: Gallimard

 

Quand on ouvre un roman de Patrick Modiano, nous avons souvent la sensation de feuilleter à chaque fois le même livre. À chaque fois, nous ressentons un sentiment de déjà vu. À chaque fois, nous repassons sur les mêmes trajets, nous redécouvrons certains personnages. Nous sillonnons les mêmes lieux habités par des souvenirs semblables.

Oui, c’est le même univers mais, à chaque fois, pourtant, l’auteur, en avançant au fil du temps, creuse plus profondément ses obsessions. « Parfois, dans mes rêves, et même à l’instant présent où j’écris, je sens dans ma main droite le poids de cette valise, comme une vieille blessure cicatrisée mais dont la douleur vous élance en hiver ou les jours de pluie ».

En déroulant les pages du nouveau roman de Patrick Modiano, Souvenirs dormants, le lecteur pourrait avoir le sentiment de contempler un homme d’un certain âge, enfoncé dans un confortable fauteuil de cuir, le regard fixé sur un grand écran blanc où serait projeté un film en noir et blanc qui ferait défiler sa vie et qu’il se repasserait en boucle, tard dans la nuit, pour, dans le déroulé des jours, transcrire toutes ses images sur une page blanche.

Avant tout, se poser les bonnes questions, Ginevra Lamberti

Ecrit par Fawaz Hussain , le Mardi, 05 Décembre 2017. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Le Serpent à plumes, Italie

Avant tout, se poser les bonnes questions, août 2017, trad. Italien Irene Rondanini, Pierre Bisiou, 217 pages, 18 € . Ecrivain(s): Ginevra Lamberti Edition: Le Serpent à plumes

Sacrée Gaia !

« Aujourd’hui je me suis levée, j’ai ouvert la porte de chez moi et je suis sortie dehors, dans la vallée où je vis ». Cet incipit donne au roman son cadre, dans le temps et l’espace. Le thème « aujour­d’hui je me suis levée » reviendra en refrain tout au long du roman comme pour témoigner de l’esprit qui anime la narratrice et lui dicte son ton, cette femme dont nous n’apprendrons le nom, Gaia, qu’à la page 28, un choix qui ne peut pas être innocent, avec sa référence à la mythologie grecque : c’est la Terre en personne, la Terra Mater des Latins.

Vivant en Vénétie, Gaia relate son quotidien dans ce qu’elle appelle la vallée, un monde isolé, aux antipodes de la vie urbaine et civilisée. S’ennuyant, mais non sans une certaine allégresse, elle promène un drôle de regard sur son entourage. Sous sa plume, son père n’est nommé que géniteur, sa mère que génitrice. Après le départ de Grand-mère-d’en-haut et de Grand-père-d’en-haut, elle reste seule à la maison avec sa « génitrice » et livre des aperçus sur sa vision des choses qu’elle se réserve de développer plus tard : « nous donnerons de plus amples détails par la suite ». Elle est consciente de sa différence et du regard des autres.