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Tuez-les tous… mais pas ici, Pierre Pouchairet

Ecrit par Catherine Dutigny/Elsa 27.02.18 dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Polars, Roman, Plon

Tuez-les tous… mais pas ici, janvier 2018, 468 pages, 19 €

Ecrivain(s): Pierre Pouchairet Edition: Plon

Tuez-les tous… mais pas ici, Pierre Pouchairet

 

Toujours en prise directe avec l’actualité dans ce qu’elle recèle de plus sombre, les romans de Pierre Pouchairet donnent une lecture de la société qui parfois glace le sang.

Auréolé de son récent prix du Quai des Orfèvres 2017 pour son roman Mortels Trafics, l’auteur, en fin analyste de la criminalité contemporaine se penche une nouvelle fois (cf. par exemple son roman de 2015 La filière afghane http://www.lacauselitteraire.fr/la-filiere-afghane-pierre-pouchairet) sur les réseaux djihadistes et plus particulièrement sur le sort de ces jeunes gens qui quittent la France pour gagner la Syrie, mus soit par l’envie de combattre dans les rangs de Daesh, soit par souci humanitaire ou par amour comme dans le cas de la jeune Julie Loubriac partie rejoindre le garçon dont elle est éprise.

Les parents, divorcés, de Julie, après avoir écarté la possibilité d’une fugue, ne se résignent pas à la disparition de leur fille et vont tout entreprendre pour tenter de retrouver sa trace. Le père, Louis, un ex-flic, au parcours chaotique, a gardé des contacts dans la police qu’il compte exploiter, mais ne s’attend pas à ce que ce soit une puis deux anciennes connaissances, agents de la DGSI, qui le contactent en premier et lui procurent les informations lui permettant de remonter jusqu’à une filière de recrutement basée en Bretagne.

Ainsi s’organise peu à peu l’enquête qui conduira le père et son ex-femme de Quimper en Turquie, sur les traces de leur fille.

On retrouve dans Tuez-les tous, mais pas ici la maîtrise de la construction des romans de Pierre Pouchairet qui dans cet opus se décline autour des thèmes suivants :

– Celui de l’incompréhension et du sentiment de culpabilité des parents confrontés au départ pour la Syrie d’un enfant dont ils n’ont pas soupçonné la détresse, ou la fascination pour l’État Islamique. Celui de leur confrontation au manque d’empressement, voire au mur de silence du côté des autorités qui renforcent leur détermination à découvrir ce qui est advenu à leur progéniture. Le drame familial est pimenté par l’introduction d’un tiers personnage en la personne de Jenifer, la nouvelle compagne de Louis, exacerbant l’équilibre instable de ce trio dévasté par l’angoisse.

– Celui des luttes intestines à l’intérieur même des Services de renseignements, luttes d’influence entre la DGSE dont les activités sont définies par l’autorité politique et la DGSI avec d’un côté des hommes de pouvoir et de l’autre des hommes « de terrain ». La complexité de la lutte anti-terroriste où l’ego de certains hauts responsables, de conseillers, se confond parfois avec la raison d’Etat.

– Celui des relations internationales troubles entre la Turquie la Syrie et la France. Compromissions, marchandages, alliances dictées par l’opportunité, l’appât du gain, volonté de sauvegarder à n’importe quel prix la sécurité d’un État, de ne pas perdre la face. Un maelstrom diplomatique où ces jeunes gens partis pour « une nouvelle vie » voient la leur s’arrêter quelques kilomètres après avoir franchi la frontière turco-syrienne.

D’où le titre du roman qui devient à mi-lecture dramatiquement explicite : Tuez-les tous… mais pas ici.

Un machiavélisme mâtiné de realpolitik qui fait froid dans le dos lorsque l’on sait que Pierre Pouchairet n’hésite pas dans ses fictions à introduire des faits réels dont il a été soit le témoin soit le confident privilégié dans son parcours professionnel.

Alors qu’aujourd’hui se pose le problème de l’éventuel retour de jeunes djihadistes français sur le territoire national, l’auteur laisse entendre qu’un certain nombre d’entre eux auraient disparu fort opportunément des radars de la police française avant même d’avoir pu combattre ou simplement avoir rejoint un compagnon sur le sol de la Syrie. Une disparition programmée et organisée par de hauts responsables et grands commis de l’État.

Il démontre aussi comment sur des sujets aussi brûlants, le citoyen lambda, même s’il a un temps fait partie de la police, n’est qu’un jouet manipulé par des forces dont il n’imagine ni le cynisme, ni la cruauté, ni la détermination. Pas d’échappatoire lorsque, à tout instant, les dés sont pipés.

Autant dire que Pierre Pouchairet n’est jamais complaisant avec ses personnages, que la compassion n’irriguera pas les lignes d’une intrigue âpre et conflictuelle.

Un superbe roman noir, foisonnant, complexe et passionnant qui jette un éclairage inédit sur la lutte contre le terrorisme.

 

Catherine Dutigny/Elsa

 


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A propos de l'écrivain

Pierre Pouchairet

 

Pierre Pouchairet est né en 1957. Dans une vie précédente, il était commandant de la police nationale puis chef d’un groupe luttant contre le trafic de stupéfiants à Nice, Grenoble ou Versailles… Il a également été à plusieurs reprises en poste dans des ambassades, a représenté la police française au Liban, en Turquie, a été attaché de sécurité intérieure à Kaboul puis au Kazakhstan. Aujourd’hui à la retraite, il vit à Jérusalem. Il a publié en 2013 un livre témoignage, Des flics français à Kaboul, et Coke d’Azur en 2014. Avec à chaque fois, cette volonté de mettre au grand jour – et sous la lumière crue du terrain – la réalité brute de notre Histoire contemporaine.

 

A propos du rédacteur

Catherine Dutigny/Elsa

 

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Rédactrice

Membre du comité de lecture. Chargée des relations avec les maisons d'édition.


Domaines de prédilection : littérature anglo-saxonne, française, sud-américaine, africaine

Genres : romans, polars, romans noirs, nouvelles, historique, érotisme, humour

Maisons d’édition les plus fréquentes : Rivages, L’Olivier, Zulma, Gallimard, Jigal, Buschet/chastel, Du rocher, la Table ronde, Bourgois, Belfond, Wombat etc.