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Les Nouveaux Mondes, Livre III, Sylvie Ferrando

Ecrit par Martine L. Petauton 26.02.18 dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Edilivre

Les Nouveaux Mondes, Livre III, août 2017, 123 pages, 12,50 €

Ecrivain(s): Sylvie Ferrando Edition: Edilivre

Les Nouveaux Mondes, Livre III, Sylvie Ferrando

 

Suite des Nouveaux mondes I et II, recensés par la CL :

http://www.lacauselitteraire.fr/les-nouveaux-mondes-sylvie-ferrando

Retour en pays des Chasseneuil / Ramier, et dans la droite ligne des premiers opus, voyages – maître mot chez S. Ferrando, de Paris, beaux quartiers, en Normandie, la très chère, aux bouts du monde, là, asiatiques ou moyen orientaux, sans oublier – sans surtout oublier ! ces voyages à l’intérieur des gens, leurs paysages, plus changeants, plus troubles que tous les cieux de Normandie réunis…

Nous voici là, en compagnie d’Elsa, la toute jeunette, fille de cette étonnante Mathilde, qui nous avait guidés dans les livres précédents, petite-fille de l’attachante Marie ; comme une perle de plus dans un collier de femmes, dont les itinéraires, sonnent, feutrés, bien élevés en surface, et dont l’énergie, celle qui est vitale, a quelque chose des rivières souterraines.

Comme en les précédents tomes – plus, il semblerait – c’est l’écriture de l’auteure qui donne le « la » particulier aux pages, conduit l’atmosphère de lecture : un point de vue extérieur, comme en altitude, sur son sujet, la vie d’Elsa, tenue à bout de bras, projetée devant le lecteur avec par moments, des postures de scientifique, sociologue plus que simplement psychologue. Ce mode de communication entre l’auteur et nous, est plus que bienvenu, essentiel, plus efficace que si Elsa était un « je ».

Elsa, comme ses ascendantes, nous accroche par ce qu’elle est d’entrée – si sage, si étonnamment petite fille modèle, à la façon dont on parle ailleurs du gendre idéal, tellement lisse d’apparence, que bien entendu, personne n’y croît totalement et chacun se ménage d’avance des surprises à venir. « L’adolescence d’Elsa se passa sans encombre, sans sautes d’humeur, sans hauts ni bas, attendus à cet âge. Elsa paraissait avoir hérité de Léonard, son côté animal à sang froid, calme en toutes circonstances, difficilement perturbable, gardant ses distances et son quant à soi. Elle semblait à Mathilde presque un peu trop silencieuse… ». Dès l’enfance habitée – on pourrait dire, teinte, du besoin d’écrire – facette roman, donc nourrissant la panoplie, de l’imaginaire au regard sur le monde et les gens. Avec le plonger, comme d’autres méditent chaque jour au soleil levant, dans l’art en une sorte d’hygiène de vie apprise – forcément, en Orient : « Vivre dans les gènes de l’art : le style vient de l’intérieur. Vivre dans la conscience de la division claire entre art et technique. Vivre en état de réceptivité passive ».

Nantie de fortes et porteuses études – juridiques, qui plus est, la jeune femme assiste les besoins en développement, loin du romantisme accolé à l’humanitaire, des états richissimes et largement inégalitaires du Golfe.

Il faut, chez Sylvie Ferrando comme on dit en classe, « bien suivre » : là, on aurait l’impression, que… mais en fait, tout le contraire. Non seulement, lire tout, être attentif aux ponctuations, aux soupirs des mots ; lire pas trop vite, et écouter les silences. Car son propos, encore plus net dans ce troisième volume de son apparente « saga » familiale, c’est probablement montrer qu’il y a dans tout volume, la surface et l’infinité, la mouvance, des dessous, sans compter les nuances des faces. Qu’il n’est pas besoin là, de bruits et de fureurs, d’accidents de vie à répétition, mais qu’en aucun de nous n’existe l’unicolor. Aussi, les récits, les vies d’une Elsa, comme hier d’une Mathilde, ne seront pas décryptables au premier regard ; on risque de partir dans des voies sans issue, revenir, corriger le tir de notre lecture. Mine de rien, elle joue un peu avec nous, S. Ferrando et son Elsa : C’est qu’on guette, on s’attend à voir fondre sur la jeune et brillante fille, sur les fées innombrables penchées sur le berceau, ces imparables contradictions entre les rêves du créateur et les obligations pragmatiques, forcément castratrices du réel. On retient le souffle face à la supposée fragile Elsa… Quand, comment, tout ça va-t-il craquer ? On tend l’oreille au fracas inéluctable de l’éclatement imminent. Et, ça ne casse pas, ça passe. Quelques turbulences, bien sûr, mais pas grand-chose de bruyant, si ce n’est quelques craquelures en surface, pas si minimes que ça, que Ferrando décrypte, le scalpel à la main… On se rattrape du côté de l’équilibre affectif et amoureux, dont on sait l’infini lacunaire en femme trop active, en carrière spectaculairement réussie… et, là, encore, l’itinéraire semble tenir sa route, allant même jusqu’à une rencontre happy end qui pourrait bien enlever in fine le rôle. Il aurait donc suffi de constance, de cohérence et tout bonnement de volonté inscrites contre vents et marées dans la construction d’Elsa ? « Ses notes de voyage et les pensées et réflexions qu’elle avait glanées ici et là, sur un coin de table, dans un train, avant après un colloque ou une plaidoirie, formaient à présent une bonne liasse de feuillets épars et une collection de petits carnets. Elsa pensa qu’il était temps de les mettre en forme ».

Peut-être. La suite est ouverte ; comme en tout livre réussi, nous, lecteurs, nous approprions des pans entiers de l’histoire racontée…

 

Martine L Petauton

 


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A propos de l'écrivain

Sylvie Ferrando

 

Sylvie Ferrando, docteure en sciences du langage, a travaillé dans l’Édition et s’occupe de formation dans les concours de lettres. Elle écrit contes, nouvelles, romans et théâtre. Habitante du monde, par la fréquence et la diversité de ses voyages. Elle est par ailleurs rédactrice à la Cause Littéraire.

 

A propos du rédacteur

Martine L. Petauton

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Rédactrice

 

Professeure d'histoire-géographie

Auteure de publications régionales (Corrèze/Limousin)