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Roman

Rien à voir avec l’amour, Claire Gallen

Ecrit par Martine L. Petauton , le Lundi, 29 Janvier 2018. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, La Brune (Le Rouergue)

Rien à voir avec l’amour, janvier 2018, 297 pages, 21 € . Ecrivain(s): Claire Gallen Edition: La Brune (Le Rouergue)

 

Qui autour de nous n’a pas dit un jour en fronçant le nez – bof, c’est un film français… qui. Les mêmes, sans doute, de détourner les yeux des « romans français », parce que voyez-vous, l’Amérique ! sa littérature et ses films, c’est quand même autre chose…

Alors qu’ils viennent ces gens, devant ce Rien à voir avec l’amour – le roman aujourd’hui, n’en doutons pas, le film demain.

Le titre pourrait nous perdre un peu, convenons-en, qu’on ne s’y fie pas trop. Second roman d’une auteure qui semble écrire-Amérique, regarder-Amérique, penser peut-être Amérique, et signe ici un « roman américain », magnifiquement français et plus que prometteur. Sa formation journalistique, du reste, et notamment AFP, est probablement à la racine de cet effet gros paquets de mer sans essuie-glaces, quotidienneté volontairement non littéraire ; le dru, le précis et le rapide, le cœur de cible étant ici un langage sinon une atmosphère. Récit fort comme d’autres écritures d’outre Atlantique – chacun fera le rapprochement qu’il choisira – situées dans les banlieues de L.A., noires à force d’être éclaboussées de tous les néons des turn pike. Récit mi-ombres, mi-flash aveuglant, cogneur, inquiétant, aux personnages de roman noir absolu, policier ou thriller psychologique.

La mort en berne, Denis Emorine

Ecrit par Patrick Devaux , le Lundi, 29 Janvier 2018. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres

La mort en berne, 5 Sens éditions, mars 2017, 133 pages, 12,60 € . Ecrivain(s): Denis Emorine

 

La mort a droit de vie sur nous et ferait, sans doute, l’objet d’une belle élocution. Cette conscience omniprésente de la mort augmente l’adrénaline de vie de ce roman largement autobiographique. Elle devient caresse dans la chevelure de l’aimée. Dominique Valarcher, le héros de cette narration en recherche d’affection motivée par une sorte d’exil à la « Stefan Zweig », rappelle, à bien des égards, « Louis », le personnage principal du grand romancier dans sa nouvelle Le Voyage dans le passé, avec ce sens aigu de l’exclusivité amoureuse et, quelque part, une certaine dose d’autosatisfaction admirative un peu narcissique :

« Ce soir-là, en quittant cette jeune fille qui le fascinait, Dominique s’était seulement fait cette réflexion : Je crois qu’elle m’aime puisqu’elle aime ce que j’écris. La mort en berne, l’étudiant avait marché longtemps dans les rues de la ville qu’il identifiait à son amour ».

La vie princière, Marc Pautrel

Ecrit par Philippe Chauché , le Vendredi, 26 Janvier 2018. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Gallimard

La vie princière, janvier 2018, 10,50 € . Ecrivain(s): Marc Pautrel Edition: Gallimard

« Ton enthousiasme est extraordinaire, c’est la chose la plus précieuse chez toi, cette électricité rieuse, cette acceptation par principe de toute proposition, et la façon dont tu me salues quand j’arrive ensuite : en faisant de la main, paume ouverte dressée à la verticale dans ma direction et oscillant de droite à gauche, comme ces dizaines de mobiles de carton en forme de mains que j’avais vus une fois, accrochés avec une ventouse sur la baie vitrée de l’aéroport Marco Polo de Venise, face aux pistes d’envol… ».

La vie princière est une lettre à l’aimée, L.

Une adresse romanesque, ciselée, ouvragée, où chaque mot, chaque phrase semble pesée par une balance Trébuchet – il y a de la poudre d’or dans ce roman. Le narrateur séjourne au Domaine, lieu où se côtoient des chercheurs, des scientifiques, des universitaires et un écrivain. Le soir de son arrivée, le narrateur tombe sur L. « – Oh, pardon, je ne vous avais pas vue », un éclair traverse sa vie, la foudre qui s’abat sur son regard et enflamme sa peau. Elle, travaille « sur la figure du Christ chez les auteurs du XXe siècle ». Lui, écrit des livres, l’un sur « un pays lointain, ou plutôt ma succession de projets autour de mon impossible roman sur ce thème ».

Un océan, deux mers, trois continents, Wilfried N’Sondé

Ecrit par Stéphane Bret , le Vendredi, 26 Janvier 2018. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Actes Sud

Un océan, deux mers, trois continents, janvier 2018, 269 pages, 8,70 € . Ecrivain(s): Wilfried N’Sondé Edition: Actes Sud

 

Comment faire face au mal absolu ? Sans le nommer ainsi de prime abord, Wilfried aux mesquins venus de l’océan nous donne des esquisses de réponse dans Un océan, deux mers, trois continents. Le personnage central, Nsaku Ne Vunda, est né vers 1853 sur les rives du fleuve Kongo. L’une des particularités de son destin est qu’il a été éduqué à deux sources, dont la cohabitation est à cette époque, très peu fréquente : le culte et le respect de ses ancêtres africains d’une part, une solide éducation chrétienne dispensée par les missionnaires, de l’autre. Il est ordonné prêtre et son nom chrétien est Dom Antonio Manuel… Il est chargé par le roi des Bakongos, peuple du Kongo, de devenir son ambassadeur auprès du pape Clément V.

Pourtant, Nsaku Ne Vunda va, dans un premier temps, toucher du doigt un épisode de l’histoire humaine décisif pour l’Afrique, bien sûr, mais aussi pour l’économie du monde d’alors, et pour l’Occident : la réduction à l’esclavage de millions d’Africains, et leurs déportations vers les Amériques. Ce roman évite, et c’est l’un de ses multiples mérites atouts, les pièges : celui d’étonner les Africains de toute responsabilité, on n’ose dire complicité, dans l’organisation de la chaîne de la traite négrière :

La Rose de Saragosse, Raphaël Jerusalmy (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 25 Janvier 2018. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Actes Sud

La Rose de Saragosse, janvier 2018, 190 pages, 16,50 € . Ecrivain(s): Raphaël Jérusalmy Edition: Actes Sud

 

C’est un court roman que nous offre Jerusalmy, mais quelle intensité, quelle poésie, quelle délicatesse ! Le cadre de Saragosse quelques années avant « la catastrophe » annoncée pour les Juifs d’Espagne – l’exil, l’arrachement à la terre que l’on croyait pouvoir aimer pour toujours – est un écrin d’autant plus précieux et séduisant qu’il est désormais, pour Ménassé de Montesa, sa famille, et toute la juiverie* espagnole, en danger imminent de disparaître.

On est en pleine inquisition et Torquemada est de plus en plus puissant et féroce. Les mécréants, les apostats, les « sorcières » constituent son gibier ordinaire. Mais les Juifs – même les « conversos » – font ses délices mortifères.

L’inquiétude est déjà bien installée dans les maisons juives quand survient – le livre commence ainsi – le meurtre du Père Arbuès, membre de l’Inquisition, en pleine église. Les tensions alors arrivent à un sommet dans la ville.