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Roman

Amour monstre, Katherine Dunn

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Lundi, 12 Février 2018. , dans Roman, Les Livres, Critiques, Livres décortiqués, La Une Livres, USA, Gallmeister

Amour monstre (Geek Love), février 2018, trad. (USA) Jacques Mailhos, 11,80 € . Ecrivain(s): Katherine Dunn Edition: Gallmeister

« Les êtres que nous appelons monstres ne le sont pas pour Dieu, qui voit dans l’immensité de son ouvrage l’infinité des formes qu’il y a englobées ; et il est à croire que cette forme qui nous frappe d’étonnement se rapporte et se rattache à quelque autre forme d’un même genre, inconnu de l’homme »

Les Essais, livre II, chap. 30, Montaigne

Dans ce roman il est question d’une famille, les Binewski, d’une troupe de cirque et de performances parfois sanglantes. L’anthropomorphisme le dispute à la monstruosité, par la veine fantastique et hors normes. L’on peut parler à propos d’Amour monstre d’une filiation avec l’univers de Doris Lessing (1919-2013), de métafiction – une fiction qui puise ses références à travers des expériences réelles –, de réalisme magique post-moderne proche d’Angela Carter (1940-1992). Cette tradition du fantastique et du merveilleux – des fééries – remonte à Shakespeare. Cette sorte de transhumanisme que manifeste l’œuvre, à l’envers, déborde d’énergie, transhumanisme non pas eugéniste rayant du monde les handicapés mais au contraire les ralliant à lui, dans le sens de uplifting, d’édification, d’élévation, de provolution, un courant transbiologiste. L’anomalie y occupe une place prépondérante, ainsi que le renversement des valeurs, le bébé « normal » prêt à être abandonné…

Microfilm, Emmanuel Villin

Ecrit par Cathy Garcia , le Lundi, 12 Février 2018. , dans Roman, Critiques, La Une Livres, Asphalte éditions

Microfilm, janvier 2018, 192 pages, 16 € . Ecrivain(s): Emmanuel Villin Edition: Asphalte éditions

 

L’atmosphère qui se dégage de microfilm n’est pas sans évoquer le film Brazil, mais la toile de fond c’est Paris, ses quartiers, ses musées, son métro. Centre névralgique du roman : la Place Vendôme, qui n’est clairement pas l’endroit préféré de l’auteur.

Il est évident aussi qu’Emmanuel Villin, en plus d’être amoureux de Paris, est aussi et surtout peut-être un grand cinéphile dont la passion imprègne continuellement le roman. D’ailleurs, microfilm n’est pas sans rapport, puisque le personnage central dont on ne connaîtra jamais le nom est Parisien et figurant de cinéma.

Un homme au « physique quelconque et visage commun ». Un profil neutre apparemment parfait pour être sélectionné par les ordinateurs de Pôle Emploi et embauché par la Fondation pour la Paix Continentale.

Les Garçons de l’été, Rebecca Lighieri

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Lundi, 12 Février 2018. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, P.O.L

Les Garçons de l’été, Rebecca Lighieri, P.O.L, janvier 2017, 448 pages, 19 € . Ecrivain(s): Rebecca Lighieri Edition: P.O.L

 

Il y a du capitaine ad hoc, de l’aigle fin, du Tintin et de la miloute chez Rebecca Lighieri (aka d’Emmanuelle Bayamack-Tam). Elle se fait apparemment ici mère Teresa des surfeurs et d’une certaine jocaste sociale. Rechignant à l’ouvrage mais pas à la jalousie, quand à la jouissance ne demeure que l’envie, il arrive que pour un garçon de la plage cher aux « Beach-Boys », la mer devienne un water l’eau.

Plutôt que de conter fleurette, suite au méfait d’un requin-bouledogue qui ne se contente pas de donner mal de chien et peau bleue, l’auteure entame un roman séduisant car épouvantable. Elle mixe la cruauté aux faux-semblants d’un milieu où les conventions mensongères deviennent une blague chauffante. Jouant les Hippocrate des hypocrites, la romancière mériterait sans doute un prix de vertige tant elle anticipe toujours de quelques mots la parole dite, et ce, même si l’oral est hardi.

Là-bas, août est un mois d’automne, Bruno Pellegrino

Ecrit par Nathalie de Courson , le Vendredi, 09 Février 2018. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Zoe

Là-bas, août est un mois d’automne, janvier 2018, 222 pages, 17 € . Ecrivain(s): Bruno Pellegrino Edition: Zoe

 

Dans ce premier roman, Bruno Pellegrino imagine librement la vie du poète suisse Gustave Roud (1897-1976) avec sa sœur aînée Madeleine à partir de documents tirés de l’œuvre et de la correspondance du poète.

C’est un livre que l’on pourrait, à la manière de Flaubert, appeler « livre sur rien », ou du moins sur presque rien : la maison avec son jardin, la sœur, le frère, tous pris entre 1962 et 1972 dans « l’épaisseur des jours », des mois et des saisons.

La maison est située dans le « là-bas » du titre, tout au bout d’un village vaudois. Gustave et Madeleine y sont entrés quand ils avaient onze et quinze ans et ne l’ont plus quittée. Bruno Pellegrino la décrit minutieusement, parfois même en poète avec ses poutres apparentes, ses odeurs, ses lumières vacillantes, ses courants d’air, ses armoires en chêne, et sa poussière qui prend possession de l’espace et « charrie les résidus des travaux et des gens, rognures d’ongles, cheveux, peaux mortes des visages et des sols ».

L’Homme des bois, Pierric Bailly

Ecrit par Lionel Bedin , le Vendredi, 09 Février 2018. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, P.O.L

L’Homme des bois, février 2017, 160 pages, 10 € . Ecrivain(s): Pierric Bailly Edition: P.O.L

 

L’histoire est très simple : « le corps d’un homme retrouvé au pied d’une falaise », titre le journal local, avec une affiche bien en vue sur un chevalet devant le marchand de journaux. L’homme est le père de l’auteur. Il va raconter les quelques jours au cours desquels il va s’occuper des obsèques, avec quelques retours en arrière pour faire le portrait du père, de la famille, d’une génération, d’un lieu. Il va se raconter, à travers ses actions, ses rencontres avec celles et ceux que l’on croise habituellement lors des enterrements, la famille, les amis, les vieilles connaissances, les curieux… et livrer ses sentiments face à la mort brutale de ce père, peut-être pas accidentelle, un doute qui donne un côté un peu mystérieux au récit.

L’auteur fait le portrait de son père. Un homme simple, droit, sociable, qui aimait aider, partager. Un homme à la trajectoire modeste mais à l’engagement concret. C’est aussi le portrait d’une génération, celle des babas cool, des militants, des travailleurs associatifs, des écologistes, de ceux qui aiment les chansonniers, l’anarchisme, la non-violence, et qui se sont rencontrés sur le plateau du Larzac.