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Les Livres

Chroniques Martiennes, Ray Bradbury (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 22 Août 2023. , dans Les Livres, Critiques, Science-fiction, La Une Livres, USA, Roman, Folio (Gallimard), En Vitrine, Cette semaine

Chroniques Martiennes, Ray Bradbury (1946), Folio-SF, trad. américain, Jacques Chambon, Henri Robillot, 318 pages . Ecrivain(s): Ray Bradbury Edition: Folio (Gallimard)

Commençons par un truisme : Les Chroniques Martiennes sont des chroniques au sens strict du terme. Des histoires scandées par le temps calendaire sur une longue période, celle de la colonisation de Mars par les Terriens. Ce n’est pas un roman, ce ne sont pas des nouvelles, mais un tissu de narrations que Bradbury, avec un sens époustouflant de l’épopée, a tramées en un grand récit, donnant à ces moments épars la cohérence d’un roman. Chaque chapitre comporte un titre, référence probable aux chroniqueurs médiévaux de France – Ray Bradbury était un homme d’immense culture, en particulier européenne.

Roman-culte de la Science-Fiction, cet ouvrage pourtant ne ressemble guère à la SF traditionnelle. Les moyens de la conquête de Mars, les technologies mises en œuvre, espaces et machines n’intéressent que peu Bradbury. Ce n’est pas l’épopée d’une conquête planétaire mais l’épopée d’hommes lancés dans des situations nouvelles qui servent de révélateurs de la nature humaine. Le courage moral et physique, la générosité, le sens du sacrifice de l’individu pour le groupe, sont parmi les qualités lumineuses que l’aventure martienne révèle et accentue. Le racisme, la haine, la jalousie en sont le pendant sombre.

Le goût de la philosophie, Collectif, textes choisis et présentés par Lauren Malka (par Guy Donikian)

Ecrit par Guy Donikian , le Mardi, 22 Août 2023. , dans Les Livres, Recensions, Essais, La Une Livres, Mercure de France, Anthologie

Le goût de la philosophie, Collectif, textes choisis et présentés par Lauren Malka, Mercure de France, 2019, 123 pages, 8 € Edition: Mercure de France


Imaginez un banquet, pourquoi pas chez l’hôte Agathon, qui réunirait des philosophes comme Aristote, Montaigne, Spinoza et bien d’autres, à qui on demanderait pourquoi ils ont consacré leur vie à philosopher, et ce qui, dans cette façon d’interroger le vivant, leur a permis de mieux vivre, quitte d’ailleurs à en mourir, on n’est pas à un paradoxe près, et c’est bien tout l’intérêt de tous les questionnements auxquels ils se sont astreints, la Vérité est plurielle à n’en pas douter, et tous ont eu cette perspicacité, en interrogeant le vivant, à ne pas se laisser enfermer dans des propos doctrinaires, laissant ainsi la voix libre à tous les raisonnements, puisqu’il s’agit bien de rigueur aussi.

Au pays des choses dernières, Paul Auster (par François Baillon)

Ecrit par François Baillon , le Lundi, 21 Août 2023. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Actes Sud

Au pays des choses dernières, Paul Auster, Actes Sud/Babel, trad. anglais (USA), Patrick Ferragut, 272 pages, 7,70 € . Ecrivain(s): Paul Auster

 

Ne serions-nous pas tombés au sein d’un purgatoire ? Ce lieu de transition, où l’enveloppe corporelle a cessé d’avoir son importance – tout comme, dans ce « pays des choses dernières », les objets et les corps disparaissent progressivement, ne peuvent répondre du même statut qu’ils avaient dans une vie passée, une vie qui semble définitivement éloignée et irrécupérable. Nous sommes ici dans un lieu dont l’évolution, au regard de l’état de décrépitude et d’effondrement physique et psychique qui le caractérise, est sans doute irrémédiable ; pourtant, une forme d’espoir latente, persistante, nous pousse à entrevoir une lumière presque biblique quant à l’issue de l’aventure d’Anna Blume.

L’héroïne, qui a dix-neuf ans au début de son voyage, s’inquiète de la disparition de son frère William, qui n’a pas donné de nouvelles depuis un an. Elle décide de se rendre elle-même dans la ville où William avait pour mission de faire un reportage – une ville dont on ne saura pas le nom, incluse dans un pays tout aussi innommé. Anna Blume pénètre alors dans un monde qui risque de devenir le sien à tout jamais – suivant le spectacle terrifiant qu’il offre.

Apprendre à faire l’amour, Alexandre Lacroix (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Lundi, 21 Août 2023. , dans Les Livres, Les Chroniques, Essais, La Une CED

Apprendre à faire l’amour, Alexandre Lacroix, Champs/Flammarion, mai 2023, 224 pages, 9 €

Ce matin à la radio, What’s going on de Marvin Gaye : la voix du chanteur-phare de la Motown, sensuelle, dont chaque intonation est servie par une tessiture qui tient du velours et de la soie tout en étant un coton rassurant, vogue sur des arrangements complexes et un rythme qui échappe au binaire. Alexandre Lacroix marquera son accord à la comparaison : cette chanson de Marvin Gaye donne envie de faire l’amour à la femme aimée, d’accorder les coeurps (néologisme indiquant une préférence pour un « holisme strict » tel que défini dans Apprendre à faire l’amour) à ses vibrations – et si la femme aimée est absente, cette chanson fait penser à elle, tout comme la jazzy et rythmiquement affolante Wild is the wind interprétée par Nina Simone, envoûtante elle aussi dans la présence et dans l’absence. Tout le contraire d’une chanson contemporaine à celle de Gaye, 1971, signée James Brown, Hot pants, dont le titre seul (« mini-short moulant ») indique la teneur : alors que Gaye fait l’amour, Brown baise. Chez le second, cette rythmique lourde et répétitive, cette voix qui tient du feulement, du cri, et de tout ce qui rugit entre les deux, c’est de la baise. Voici, en deux chansons, expliquée la teneur du bel essai d’Alexandre Lacroix, Apprendre à faire l’amour, découvert par le biais d’une brillante interview radiophonique – écouter la radio, donc, pour avoir envie de faire l’amour et en entendre parler.

Les routes, Damien Ribeiro (par Martine L. Petauton)

Ecrit par Martine L. Petauton , le Jeudi, 13 Juillet 2023. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, La Brune (Le Rouergue)

Les routes, Damien Ribeiro, Le Rouergue, La Brune, mai 2023, 237 pages, 21,50 € Edition: La Brune (Le Rouergue)


Routes, certes, mais jamais droites. Qu’on ne s’attende pas à du géométrique quand on parle Portugal, le pays de l’art Manuélin qui ne connaît que les courbes mystérieuses, la langue qui s’honore de l’origine du mot baroque, « barroco-la perle imparfaite ». Aussi la construction du livre est-elle surprenante comme la perle baroque – rien de chronologique – mélangeant en tracés sinueux, avec force allers-retours, les routes, synonymes, au pays des Découvertes, de destins, peut-être, à tout le moins de lignes de vie. Mais, cependant, comme dans les sculptures de la fenêtre de Tomar, en regardant attentivement, il y a une ligne directrice ; le ciment et sa poussière, la maçonnerie, la fierté de la belle ouvrage, les mains abîmées par le travail manuel ; et bien sûr les chemins de l’émigré.