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Les Livres

Bestiaires du Moyen Âge, Michel Pastoureau (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Mardi, 06 Avril 2021. , dans Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres, Points

Bestiaires du Moyen Âge, novembre 2020, 336 pages, 13 € . Ecrivain(s): Michel Pastoureau Edition: Points

 

Publié pour la première fois en 2011, Bestiaires du Moyen Âge bénéficie d’une réédition en poche récente ; l’occasion est belle d’ouvrir à nouveau cet essai qui est avant tout un parcours dans l’imaginaire qui fonde la société occidentale. D’autant plus belle que cette édition de poche est imprimée sur un épais papier glacé et illustrée de nombreuses reproductions d’enluminures provenant de manuscrits précieux. En un sens, puisque mise en rapport entre le sens et l’image, entre ce qui est dit et ce qui est montré, cet ouvrage spécifique s’inscrit dans la logique de l’œuvre d’historien de Michel Pastoureau : étude de l’héraldique, étude des couleurs (à parfois décoder dans leur symbolique en rapport avec l’animal), Les Animaux célèbres, en 2001, un ouvrage sur l’ours, un autre sur le cochon – ça devait bien en arriver là un jour ou l’autre. D’autant que les études spécifiquement animalières de Pastoureau découlent à leur tour d’un intérêt relativement récent porté par les historiens à l’animal en tant que tel, et non pas en tant que simple adjuvant à l’Histoire – intérêt cristallisé par le médiéviste Robert Delort en 1984 avec Les Animaux ont une histoire.

Constellations, Éclats de vie, Sinéad Gleeson (par Delphine Crahay)

Ecrit par Delphine Crahay , le Mardi, 06 Avril 2021. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Iles britanniques, Roman, La Table Ronde

Constellations, Éclats de vie, Sinéad Gleeson, La Table Ronde, février 2021, trad. anglais, Cécile Arnaud, 304 pages, 22 € Edition: La Table Ronde

Constellations est l’épopée d’un corps, d’un corps souffrant et bataillant contre mille maux sans désarmer jamais, quoiqu’il soit souvent défait – mais toujours provisoirement. Monoarthrite et hanche en titane et en porcelaine, opérations multiples, césariennes, leucémie, kystes… Que le sous-titre soit Éclats de vie en dit long, même s’il est équivoque et suggère aussi que la vie vole en éclats, sur l’esprit, la vitalité et le courage de l’auteure – on songerait plutôt, à ne considérer que l’inventaire de ces maux, à éclats de mort.

Car Sinéad Gleeson ne nous en épargne aucun, ce qui fait de Constellations un livre âpre, dur et lourd – d’une lourdeur qui n’accable pourtant pas : quels que soient la précision de ses propos, les détails qu’elle livre et l’intensité des souffrances qu’elle exprime sans les atténuer, elle ne geint ni ne se plaint. Il semble plutôt qu’elle prenne acte de toutes les mésaventures qui arrivent à son corps, qu’elle en rende compte comme autant d’expériences, avec un mélange de distance et de proximité : elle raconte au plus proche de son corps, au plus serré de ses pores, de l’intérieur, mais avec une distance d’observatrice d’elle-même, de ses souffrances et de ses réactions.

Ici, Pierre Dhainaut (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Mardi, 06 Avril 2021. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED, Poésie, Arfuyen

Ici, Pierre Dhainaut, éditions Arfuyen, février 2021, 96 pages, 12 €

 

Le poème horizon

Quel est cet ici ? Je n’ai trouvé la clé de ce livre vers la toute fin du recueil, d’une part parce que je me suis laissé imprégner, infuser par le texte, et aussi grâce au dernier chapitre qui m’a convaincu. De quoi ? Que la poésie peut penser, peut réfléchir, peut agir comme intellection. Ce poème-là n’est jamais une ornementation, mais un travail vers la nudité. Et céans, ce sont des images, une lumière nordiste à l’éclat blanc, transparent, presque froide. J’en parle en connaissance de cause ayant vécu deux ans à Valenciennes étant enfant, et mes premiers souvenirs d’écolier sont liés à cette lumière.

Cette clé dont je parle en supra, c’est donc l’horizon, celui de la Mer du Nord, ligne flottante qui indique une quête, qui collecte ce délinéament qui toujours se repousse, et ainsi recule en se rendant inatteignable. Cet horizon est encore celui du monde intérieur que le poète explore pour y fourbir son poème.

L’homme nu et autres poèmes, Alberto Moravia (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Vendredi, 02 Avril 2021. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Poésie, Flammarion, Italie

L’homme nu et autres poèmes, Alberto Moravia, février 2021, trad. italien, René de Ceccatty, 320 pages, 21 € Edition: Flammarion

 

Romancier, essayiste, journaliste, Moravia a souvent regretté de n’avoir été qu’un « poète raté », ce « désir déçu d’être poète » l’a enjoint à ne rien publier de poétique de son vivant, réservant ces poèmes à une édition posthume.

Et pourtant, Moravia a toujours beaucoup lu les poètes, de Montale à Eliot, en passant par Apollinaire et ses amis Pasolini et Penna. Il a vécu environné de poètes, ses proches Elsa Morante et Pier Paolo Pasolini ; l’essentiel de ce qu’il écrivait, il le publiait, et c’était presque toujours des romans, des récits de voyages, des essais. Pas de poème connu par son public.

C’est dire l’intérêt de cette publication, qui propose, en édition bilingue italien-français, des poèmes écrits essentiellement dans les années soixante-dix et quatre-vingt, des poèmes qui articulent souvent les thèmes de l’ennui, de la nudité existentielle, de la mort, du désenchantement ; c’était l’heure où le roman lui posait quelque problème ; c’était une période difficile, politiquement parlant.

Migrants, Issa Watanabe (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Vendredi, 02 Avril 2021. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Jeunesse, La Joie de lire

Migrants, Issa Watanabe, février 2020, 40 pages, 15,90 € Edition: La Joie de lire

 

Radeaux

Sur la couverture de cet appétant album-jeunesse de format carré (le nombre parfait, 23 x 23 cm), Issa Watanabe ose la couleur noire pour peindre un fond paysager, une encre charbonneuse sans perspective, un gouffre où se profilent quelques branches hivernales vert sombre. Une colonne de personnages à tête d’animaux, revêtus de textiles bigarrés, semblent abattus, résignés. L’appellation de l’ouvrage, Migrants, la représentation anthropomorphisée des animaux, indiquent la portée dramatique du récit, l’ampleur d’un problème qui nous touche particulièrement.

La mort, emmitouflée d’un châle fleuri, chevauche un ibis géant bleu indigo, au bec et aux pattes rouge sang. Cette redoutable voyageuse descend de sa monture pour suivre, cachée derrière les maigres troncs d’arbres, la file des migrants. Les migrations sont communes aux populations humaines et animales, occasionnant des déplacements en groupe. Les périples des animaux sont entrepris périodiquement vers des directions déterminées, pour les oiseaux, les criquets.