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Les Livres

Silhouettes de mort sous la lune blanche, Kââ (par Jean-Jacques Bretou)

Ecrit par Jean-Jacques Bretou , le Mercredi, 31 Mars 2021. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, La Table Ronde - La Petite Vermillon

Silhouettes de mort sous la lune blanche, Kââ, janvier 2021, 304 pages, 8,90 € Edition: La Table Ronde - La Petite Vermillon

 

Nous sommes dans les années 1980, un hold-up tourne mal, le narrateur et héros du polar, dont on ne citera jamais le nom, décide d’abattre son plus jeune complice qui tire à tout va comme un fou. Puis, il prend la poudre d’escampette avec son camarade Straub, qui se vide de son sang, et 250 millions de francs, laissant derrière lui deux autres de ses acolytes, les frères du gamin, les Vila. Commence alors l’histoire d’une cavale en Renault 5 Alpine lorsque les deux survivants décident de se lancer à la poursuite des fuyards pour venger leur frère et récupérer leur part du butin. En chemin, l’homme sans nom abat un autre de ses complices, Jérémie Detwiller, dont il s’amourache de la femme Corinne, née Hébertine Romano. Erich Straub souffrant le martyr mais toujours en vie, une force de la nature, Corinne amoureuse, le groupe part pour un temps se reposer en Auvergne où « sans nom » possède une maison. La petite troupe active ses réseaux d’information, ouvre les yeux, tend l’oreille, soigne Erich qui retrouve des forces et s’octroie un peu de bon temps.

Les Furtifs, Alain Damasio (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Mercredi, 31 Mars 2021. , dans Les Livres, Les Chroniques, Science-fiction, La Une CED, Folio (Gallimard)

Les Furtifs, février 2021, 944 pages, 11,50 € . Ecrivain(s): Alain Damasio Edition: Folio (Gallimard)

 

Qui aujourd’hui peut prétendre à inventer une langue ? Une langue pas juste littéraire s’entend, une langue-univers, une « sangue » – autant citer Les Furtifs sans préciser, que tout le monde s’y perde pour comprendre ? On croise de pauvres petites phrases averbales, de pauvres petites figures de style convenues au possible, des expérimentations creuses – mais une langue, une vraie, une porteuse d’un univers ? Non, rien. Puis il y a Damasio, depuis La Zone du dehors, coup d’essai magistral, et surtout La Horde du contrevent, chef-d’œuvre magistral, équipée sauvage dans la langue, tant à inventer qu’inventive, et dans un désert habité de multiples aventures. Car là se trouve le nœud de l’énigme Damasio : il offre à la langue une fureur vibrante rare tout en racontant des histoires haletantes. Damasio, c’est la rencontre de Valère Novarina et de Maurice Dantec, ou la sublimation des deux, et dans une époque où la littérature semble devenue un jeu intellectuel à destination de ceux qui sachent ou une petite suite d’histoires sordides aux personnages bidimensionnels, c’est un compliment absolu. Damasio, c’est l’auteur absolu pour dire le monde dans lequel nous vivons – et ses cauchemars à venir, mais aussi, surtout ! son désir poétique, virulent, enflammé.

Lancelot, Walker Percy (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 30 Mars 2021. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Roman, J'ai lu (Flammarion)

Lancelot, Walker Percy (J’ai Lu) . Ecrivain(s): Walker Percy Edition: J'ai lu (Flammarion)

 

Un O va bouleverser à jamais la vie de Lancelot. Illustration parfaite de la théorie des catastrophes développée par René Thom, ce roman part de l’infime grain de sable qui bloque la machine de vie d’un homme, d’un couple, et entraîne, inéluctablement, son démantèlement complet, jusqu’à l’anéantissement. Un O. La lettre. Puis une équation impossible et, peu à peu, l’arrivée de la tornade qui emportera tout.

Walker Percy est l’un des grands Sudistes. Ami très proche de Shelby Foote, comme lui, il nourrit son univers des paysages et des personnages du Delta. Comme lui, il est obsédé par le temps et ses mensonges. Lancelot va scruter le monde autour de lui, jusqu’à la folie. A cause d’un O. Et Walker Percy déploie un chef-d’œuvre.

« En admettant donc que l’on situe le 15 juillet au sommet d’une courbe de probabilités et que l’on ajoute, puis soustraie deux semaines de l’axe des abscisses, il en résulte, comme j’en fis par la suite la découverte, une courbe quasiment rectiligne si tangente à l’axe que l’interstice ainsi ménagé ne laisse que peu de chance pour respirer, et encore moins pour concevoir ».

Chroniques du Pays des Mères, Élisabeth Vonarburg (par Ivanne Rialland)

Ecrit par Ivanne Rialland , le Mardi, 30 Mars 2021. , dans Les Livres, Critiques, Science-fiction, La Une Livres, Roman, Folio (Gallimard)

Chroniques du Pays des Mères, Élisabeth Vonarburg, janvier 2021, 773 pages, 10,30 € Edition: Folio (Gallimard)

 

La Collection Folio SF propose en ce début d’année une version poche du chef-d’œuvre d’Élisabeth Vonarburg dont les éditions Mnémos publiaient en 2019 pour la première fois en France l’édition de 1999 révisée par l’auteure.

À cette occasion, dans un entretien donné au site canadien Juste un mot (https://justaword.fr/interview-élisabeth-vonarburg-171c4f2aace0), Élisabeth Vonarburg revenait sur l’origine des Chroniques du Pays des Mères, dont la première édition remonte à 1992 : elles seraient une réaction à la dystopie misogyne de Charles Éric Maine, Alph.

Les Chroniques répondraient ainsi à la question : « Qu’est-ce que ça ferait, plus vraisemblablement que dans Alph, et donc sur tous les plans (y compris linguistique) s’il y avait beaucoup plus de femmes que d’hommes, et que ce ne soit pas une dystopie ? ».

Inventions, suivi de Notes sur des pivoines, Philippe Denis (par Jean-Charles Vegliante)

, le Mardi, 30 Mars 2021. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Poésie

Inventions, suivi de Notes sur des pivoines, Philippe Denis, Le Bruit du temps, mars 2021, 88 pages, 11 €

 

Inventions, d’une pivoine à l’autre

Qui a lu Philippe Denis – la poésie ardente et austère de cet auteur, toujours aimable par son humour fraternel – ne sera pas autrement surpris de ses Inventions de formes brèves japonaises, pour l’essentiel approchées à travers les versions anglaises de Reginald H. Blyth, chez Hokuseido Press (1949-1952). La « voie du haïku », poétiquement suivie en constant rapport avec la nature, exigeant le moins d’émotion possible sans être intellectuelle (ni morale, ni esthétisante), n’est pas très éloignée des intérêts de ce poète, tendant à l’épure et à l’élagage, autant dans sa production propre que dans son travail traductif (en particulier, on l’a vu ici même, à partir de l’œuvre d’Emily Dickinson). Cette sorte d’effacement du je relevant plus du pas de côté que de quelque ascèse spirituelle, est visible par exemple dans ce pur objet de sa poétique :