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Les Livres

Le Papier d’orange, La carta delle arance, Pietro De Marchi (par Valérie T. Bravaccio)

Ecrit par Valérie T. Bravaccio , le Vendredi, 27 Août 2021. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Le Papier d’orange, La carta delle arance, Pietro De Marchi, Editions Empreintes, mai 2021, trad. italien, Renato Weber, 190 pages, 9 €

 

Publié en 2016, La carta delle arance complète un triptyque (Parabole smorzate, 1999 ; Replica, 2006) chez le même éditeur, Edizioni Casagrande. Et, la même année, il est distingué par le prestigieux Gottfried Keller. Il arrive cette année en France, grâce à la très belle Collection Poésie-Poche n°26 de l’Édition Empreintes, en bilingue. La fin du volume accueille une note biographique présentant Pietro De Marchi, sa bibliographie, et la traduction de la note de l’auteur. La traduction en français de Renato Weber est d’une grande finesse. Et, dans sa préface, Ivan Farron arrive à transmettre, avec beaucoup de précisions, l’atmosphère de l’ensemble du recueil en se référant clairement aux titres des compositions et, surtout, en indiquant les pages, ce qui pourrait paraître superflu ; la Table, située à la fin du volume, ne renvoie effectivement pas aux titres de chaque composition.

Structuré en onze chapitres (numérotés en chiffres romains), seuls quatre chapitres ont un titre (IV, Paraphrases ; VI, Trois petites allégories ; VII, Allegro giusto ; IX, Paroles rapportées). Et il n’y a aucun autre titre.

Mon maître et mon vainqueur, François-Henri Désérable (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Jeudi, 26 Août 2021. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Gallimard

Mon maître et mon vainqueur, août 2021, 192 pages, 18 € . Ecrivain(s): François-Henri Désérable Edition: Gallimard

 

« Le ravissement a deux acceptions : celle d’enchantement, de plaisir vif, mais celle aussi d’enlèvement, de rapt. Et c’est précisément cela que depuis quelque temps Tina éprouvait, le sentiment d’être enlevée à sa propre vie : celle d’une femme qui aimait un homme, qui lui était fidèle, et qu’elle allait épouser ».

Mon maître et mon vainqueur est un roman d’amour vif, éclairé de ravissements dans ses acceptions. Un roman de raisons, et de déraisons, un roman où le narrateur témoigne devant un juge d’instruction et son greffier, de ce qu’il sait de son ami Vasco, et de Tina qui sera le centre tellurique de cette passion. Vasco, interpellé pour avoir tiré, sans grandes conséquences, sur son rival Edgar, qui épousait Tina, alors qu’il voulait ne pas cesser de la posséder, tiré avec le revolver acheté lors d’enchères fantasques, que braqua Verlaine sur Rimbaud, tout un roman ! Une histoire d’amour qui saisit Tina et Vasco et qui ne cesse de bouleverser Edgar.

Route(s), Poème, Christian Viguié (par Marc Wetzel)

Ecrit par Marc Wetzel , le Jeudi, 26 Août 2021. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Poésie

Route(s), Poème, Christian Viguié, Marsa Publications, Revue A, Coll. Poésie sur tous les fronts, mars 2021, Ill. Olivier Orus, 54 pages, 15 €

 

« La route mange la route

La route se mange toute seule »

 

Il n’y a pas de route naturelle : un passage s’institue s’il est d’abord forcé pour être établi puis entretenu. La route est comme un effort qui se fraye une destination, une violence facilitatrice d’autres activités (rejoindre un lieu peu accessible, sécuriser une distance, briser une enclave…). Il n’y a pas non plus de route suffisante : elle est un moyen de se diriger ailleurs, non à elle seule une raison d’y aller (la bonne route n’est que la route du bon ou d’un bien ; le succès d’une route n’est pas le sien). Il n’y a enfin pas de route instantanée : même des yeux, il faut la parcourir. Elle n’avance qu’en faisant tourner le dos au parcouru. Et comme il n’y a pas de route spontanée, il n’y a pas de spontanéité tenant durablement la route : « Le vrai travail est de passer », dit le poète, p.41.

Vi♀lence(s), Paule Andrau (par Patryck Froissart)

Ecrit par Patryck Froissart , le Jeudi, 26 Août 2021. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Editions Maurice Nadeau

Vi♀lence(s), Paule Andrau, septembre 2021, 189 pages, 18 € Edition: Editions Maurice Nadeau

 

Ce texte se présente et peut se lire comme un roman, mais c’est plus et c’est autre chose, c’est un cri, c’est une révolte, c’est une plainte, si on veut, c’est aussi, sur près de deux cents pages, le déroulement d’un long acte d’accusation d’une puissance, d’une évidence et d’une crudité quasi insoutenables, c’est un réquisitoire intégral, détaillé, fondé, factuel, c’est une succession de témoignages irréfutables, c’est un flux continu de dolence, de doléances, de souffrance, de dégoût, de soulèvement, de ressentiment, c’est un vomissement partiellement libératoire, c’est l’éruption volcanique brutale d’un défoulement irrépressible, l’explosion d’un magma trop longtemps contenu, retenu, comprimé dans les tréfonds les plus intimes de l’entraille à vif…

C’est aussi un testament, en ce sens que la narratrice sait qu’elle n’en a plus pour très longtemps.

« Ecrire, c’est hurler sans bruit », écrivit Duras.

Le hurlement qui jaillit de ces Vilence(s) résonnera violemment et durablement dans l’âme des lectrices et des lecteurs.

Œuvres complètes, Tome IV, Tome V, 1863-1880, Gustave Flaubert, La Pléiade (par Laurent LD Bonnet)

Ecrit par Laurent LD Bonnet , le Jeudi, 26 Août 2021. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Œuvres complètes, Tome IV, Tome V, 1863-1880, Gustave Flaubert, La Pléiade, mai 2021, 1376 pages, 1744 pages, 130 €

 

Tenir dans ses mains, soupeser, déshabiller, toucher la pleine peau gravée à l’or fin, ouvrir, humer le papier bible, feuilleter… Rares sont les collections qui offrent au lecteur, avant d’avoir lu les premiers mots, ce plaisir d’entrer en matière… Matière-objet, matière-reliure, matière-page, au service de la matière-œuvre.

On peut bouder la Bibliothèque de la Pléiade pour moult raisons dont l’épaisseur du livre qui n’en fait précisément pas un livre de poche, ou la typographie en Garamond du Roi, corps 9, qui rend très dense l’univers de la page ; or ce sont bien ces « défauts » qui demandent une lecture particulière, un geste que l’on n’accorde qu’à un compagnon précieux, dont la présence ne peut s’apprécier qu’en honorant sa prestance, sa tenue, son propos.

On prendra donc la peine de lui offrir le dos feutré d’un bon fauteuil, le silence aux alentours et un lever de rideau éclairé dans l’intimité, pour accéder, livre en mains, à une lecture d’une étonnante modernité. Car lire dans la Pléiade, c’est s’adonner à ce qui fut bien avant Internet (1) une des premières expériences de connaissance hypertexte grand public.