Comme une série de tableaux vivants, la trop rare Kate Chopin, brillant météore de la littérature créole du Sud des États-Unis, nous décline des scènes de la vie acadienne, à la manière d’un opéra ancien de Monteverdi ou Purcell. C’est un monde disparu qui prend ainsi vie sous nos yeux, disparu dans le temps, les modes de vie, les structures sociales. Disparu littérairement aussi, par cette langue anglaise parsemée largement de français, et dont la forme générale est largement inspirée du style de Flaubert ou de Maupassant. Kate Chopin a hésité entre les deux langues pour chacune de ses œuvres et a finalement opté pour l’anglais où, peut-être, elle se sentait plus à l’aise. Mais elle parlait surtout le français, comme la plupart des Acadiens de la fin du XIXème siècle.
Il ne faut pas se tromper sur le terme de Créole. Il n’a aucun rapport avec ce que nous nommons les Créoles aux Antilles aujourd’hui. Il s’agit plutôt de grands bourgeois immigrés au Sud des USA, Français pour l’essentiel, et qui vont constituer une classe sociale et un mode de vie à part, élégants, cultivés, souvent prétentieux et arrivistes. Nombre d’entre eux se piquent de littérature – surtout française – et Flaubert, Balzac, Lamartine et Maupassant peuplent les rayons des bibliothèques « nobles ».