Dira-t-on que le titre de cette anthologie, par ailleurs remarquable, est mal choisi et qu’en lui réside le seul défaut de l’entreprise ? Car jamais homme, jamais écrivain, ne fut moins guerrier, mieux disposé à goûter les délices de la paix, que Remy de Gourmont (1858-1915), congédié en 1891 de son emploi à la Bibliothèque nationale pour avoir publié un pamphlet, Le joujou patriotisme, où il exprimait sa profonde lassitude devant la propagande déployée au sujet des « provinces perdues », l’Alsace et la Moselle annexées par l’Allemagne.
Ceux, de moins en moins nombreux, qui savent encore que Gourmont a existé se le représentent en général comme un esthète reclus au milieu de ses livres, loin du tapage et du tumulte. C’est bien ainsi qu’il faut l’envisager durant la première année du conflit mondial, ne quittant son appartement du 71 rue des Saints-Pères que pour aller flâner chez les bouquinistes des bords de Seine. Il serait cependant faux d’imaginer un individu ayant choisi de vivre exclusivement dans le passé. L’actualité le rattrapait à son domicile, sous la forme de multiples journaux et d’une abondante correspondance. Et le mouvement s’exerçait également en sens inverse, car Gourmont contribuait à alimenter certains quotidiens en leur confiant des articles, comme ceux réunis dans ce volume.