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Les Livres

Editions Payot : Vingt-quatre heures dans l’Antiquité (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Lundi, 28 Juin 2021. , dans Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres, Petite bibliothèque Payot, Histoire

Edition: Petite bibliothèque Payot

24 heures dans l’Égypte ancienne, Donald P. Ryan, Payot, Petite Biblio Histoire, avril 2021, trad. anglais (USA) Hélène Colombeau, Mario Pasa, 320 pages, 10 €

24 heures dans l’ancienne Athènes, Philip Matyszak, Payot, avril 2021, trad. anglais (USA) Hélène Colombeau, Mario Pasa, 288 pages, 20 €

 

Il y a belle lurette que l’Histoire ne s’écrit plus uniquement à hauteur des grands de ce monde ; le peuple et le quotidien ont aussi leur mot à dire, ou plutôt peuvent aussi être entendus, merci Jules Michelet, et les exemples foisonnent d’ouvrages qui plongent le lecteur dans un passé à hauteur de quidam – l’exemple par excellence étant le Montaillou, village occitan de 1294 à 1324, d’Emmanuel Le Roy Ladurie, publié il y a cinquante ans bientôt. Mais ces ouvrages, parfois, pèchent par un fait simple et justifié : ils s’adressent à des férus d’Histoire, ou du moins des amateurs quelque peu chevronnés, que ne rebute pas un texte d’ordre scientifique à certains égards. Et le lecteur lambda, pourtant futur quidam pour de futurs historiens, se laisse quelque peu décourager : tout cela est exact, mais ça manque un rien d’une histoire dans cette grande Histoire.

Le Sens de la merveille, Rachel Carson (par Delphine Crahay)

Ecrit par Delphine Crahay , le Lundi, 28 Juin 2021. , dans Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres, USA, Editions José Corti

Le Sens de la merveille, Rachel Carson, février 2021, trad. anglais (USA) Bertrand Fillaudeau, 176 pages, 19 € Edition: Editions José Corti

 

Beaucoup d’entre nous connaissent de Rachel Carson Printemps silencieux, un ouvrage qui décrit les dégâts causés par les pesticides, paru en 1962. Aujourd’hui, dans la collection qu’elles consacrent à la célébration du vivant sous toutes ses formes, les éditions Corti publient quelques-uns de ses textes, encore inédits en français. Ces textes sont de genres variés : articles, discours, lettres… Ils ouvrent un accès à l’œuvre et aux engagements de Carson, à sa pensée et à sa vision du monde, par le prisme de sujets divers allant des Crabes fantômes atlantiques aux papillons Monarques. Les composantes principales de cette pensée sont : la notion d’« équilibre naturel » et d’unité du monde, ou l’idée que toutes les formes de vie sont reliées entre elles dans des enchaînements et des interdépendances complexes ; la dénonciation des effets néfastes du « progrès » et des méfaits de l’homme dans sa prétention à dominer la nature et sa propension à l’exploitation sans limite des ressources naturelles, dans son « absence de discernement », sa négligence et son incapacité à respecter son environnement ; l’écologie, ou la préservation et la protection de la faune et de la flore ;

Ouvrière durée, Gilles Lades (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 28 Juin 2021. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED, Poésie

Ouvrière durée, Gilles Lades, éditions Le Silence qui roule, avril 2021, 104 pages, 15 €

Le poème-paysage

Dès les premiers vers du recueil Ouvrière durée, l’on est pris par l’attention que porte le poète à son pays. Je dirais même que l’on y trouve le goût d’une espèce de road-movie à la française, devenant ici un road-poetry. Cette durée notamment signifie la patience qu’il faut avoir pour vagabonder dans les collines et les bois d’un pays que j’ai identifié comme un paysage du Lot. Vagabonder ne voulant pas dire paresse, mais au contraire travail au-dedans du poète en ses images, en son répertoire, en sa vision et son chant (champs devenant contrechamp du poème). Oui, un herbier, mais composé de plantes et de végétaux simples, abordables, pas exotiques, ceux d’une terre sobre et laborieuse. Car il s’agit tout à fait de l’habitation du poète, de celui qui veut habiter le monde en poète.

Cette durée bergsonienne, celle du sucre qui se défait lentement de sa compacité pour infuser dans un liquide, prend, sature, infuse justement la durée du labeur du poète. Écrire le paysage, c’est abandonner son temps pour le temps primordial du poème, de la naissance du texte au milieu d’une colline et de sa fin dans le livre. C’est une question d’infusion.

Sœurs dans la guerre, Sarah Hall (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Vendredi, 25 Juin 2021. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Iles britanniques, Roman, Rivages

Sœurs dans la guerre, mai 2021, trad. anglais, Éric Chedaille, 300 pages, 20 € . Ecrivain(s): Sarah Hall Edition: Rivages

Les centurionnes

Le roman Sœurs dans la guerre se présente comme un document de profilage d’archives, du fichier 1 au fichier 7. Nous allons suivre la quête de Sœur, le personnage principal, depuis une cité, Rith, située dans un secteur « où rodaient les chiens sauvages ». La description des humeurs humides d’une planète nécrosée, ravagée du point de vue climatique, « un fumoir à poisson », d’où s’échappent des miasmes léthaux, provoque la nausée. Les souvenirs de famille, la routine réconfortante, ont cédé la place à un enfer. Les survivants de l’ancien monde sont parqués sur des aires surveillées, répartis dans un habitat insalubre – un univers orwellien. De ce monde périmé ne subsiste plus qu’une « version fantomatique », au milieu « des débris non identifiables ». « La réorganisation », « l’effondrement » qualifient ce no man’s land cauchemardesque.  Il n’y a plus que désolation et pillage, il ne subsiste que des ruines, noyées sous la boue et les ordures. Les administrés sont prisonniers d’un camp sous contrôle de « sbires » au service d’un régime totalitaire, militaires et mercenaires. Il s’agit de « la zone », un endroit non répertorié, une arrière-base où les citoyens sont encagés, d’où il est impossible de s’échapper sans encourir de graves dangers. L’eau courante est réduite, l’électricité coupée, les pluies, les inondations, les ruisseaux, les égouts infiltrent les murs, les appartements, les rues.

Eloignez-vous de ma fenêtre, Vénus Khoury-Ghata (par Patrick Devaux)

Ecrit par Patrick Devaux , le Vendredi, 25 Juin 2021. , dans Les Livres, Recensions, La Une Livres, Poésie, Mercure de France

Eloignez-vous de ma fenêtre, Vénus Khoury-Ghata, juin 2021, 128 pages, 14,50 € Edition: Mercure de France

Modeste à se sentir « fissure pour engouffrer le peu », Vénus Khoury-Ghata, plume majeure de notre poésie et aussi romancière, vit de précipités minéraux à se poser la question de la solitude ou de l’écartement : « Eloignez-vous de ma fenêtre/ ne revenez qu’après la fermeture définitive de la planète/ quand mes os seront de pierre sèche/ mes gestes de vents retenus ». C’est que la présence des disparus peut être tenace : « il faut être très mort pour ne pas revenir ». Les dédicaces en disent long pour savoir qu’il ne s’agit pas d’un enfermement mais d’une sorte de pause d’incompréhension où les mots creusent le sol, les arbres, les passants interrogés, le lecteur sans doute également.

La vie semble étrangement se passer par contumace et très à l’étroit dans l’étriquement des mots resserrés comme autant d’interpellations à tenter l’impossible écoute : « Ecoute/ écoute le terreau au-dessus de ta tête/ suis les dédales de l’obscurité pour ne pas t’égarer ». La vie, bonne conseillère donc, essaie de trouver la faille à tenter l’impossible : « on vit de ce qui ne peut mourir dit la vieille qui plume la volaille/ sur le seuil de la cuisine/ et elle s’essuie le visage avec un pan de son tablier maculé de sang ». L’idée de l’auteur est scénique d’autant qu’elle manie une poésie à la limite de la prose.