La Part des chiens, Marcus Malte (par Sylvie Ferrando)
La Part des chiens, février 2021, 272 pages, 9,95 €
Ecrivain(s): Marcus Malte Edition: Zulma
On se croirait dans une pièce de Samuel Beckett : il y a du En attendant Godot dans ce roman noir. Le texte est peuplé d’un Vladimir et d’un Estragon, qui attendent le retour de Sonia, de Pozzos et de Luckys, hommes sadiques et chiens serviles, de clowns tristes et de spectacle. Comme un petit goût d’absurde. Zodiak, qui parle treize langues, qui connaît tous les astres et les constellations, les « aspects et les maisons et la précession des équinoxes » et qu’on vient voir de loin pour qu’il prédise l’avenir, n’a pas su anticiper la disparition de sa propre femme et est incapable de la retrouver.
Le roman est un road-trip à la recherche de Sonia, femme de Zodiak et sœur jumelle de Roman Wojtyla, dit « le polac », qui n’a de polac que le nom et ses neuf premiers jours de vie. Sonia et Roman ont été achetés à leurs parents par Monsieur Canard, directeur de cirque. Comme les gens du spectacle, Zod et Roman vivent dans une caravane.
Le roman brosse un univers glauque et interlope, composé de bars, de night-clubs, de terrains vagues et de spectacles de cirque, dans lesquels on retrouve « le maître Agharâ », « le nabot », ou Igor Pécou, « le clown », « la femme et ses caniches », « le colosse »… La quête passera par le meurtre sanglant d’Igor Pécou, par la rencontre violente de Victor Maldini devenu Monsieur Victor.
Plusieurs flash-backs ou analepses des jours heureux émaillent le récit, comme les moments idylliques dans le petit village d’Annunzio en Italie, où le mariage de Sonia et Zodiak a eu lieu : « Son amour n’aurait ni temps ni fin ».
Sur le modèle d’un roman noir empreint de notes de lyrisme, le texte alterne entre sordide et grotesque (« Tout en déféquant, il avait tenté de déchiffrer les trois graffitis qui décoraient la cloison ») et lyrique et sublime : « O Sonia mon amour. Mon amour, mon amour, mon amour. Ce qu’il ressentait était proche de la douleur car il n’est pas possible de tout saisir de la beauté et de la grâce qui pourtant sont là à portée de main et de regard et qui sont offertes, il n’est pas possible de refermer complètement le poing ou le cœur et de ne rien laisser échapper ».
Sonia est-elle morte ?
Sonia était-elle vertueuse, était-elle la femme idéalisée par Zod ?
La quête des deux hommes finit par ressembler à une légende : « On les vit pour la dernière fois marchant l’un derrière l’autre aux prémices d’une aube. […] Neuf-cent quarante-sept jours s’étaient écoulés depuis qu’ils avaient pris la route ». Il faudra à Zod et à Roman accepter de se contenter de « la part des chiens ».
Sylvie Ferrando
Marcus Malte, né en 1967, est un romancier et nouvelliste français, auteur de plusieurs romans, en particulier des romans policiers comme La Part des chiens (2003), Garden of Love (2007) et Les Harmoniques (2011), et d’ouvrages de littérature de jeunesse. Il a obtenu le Prix Femina en 2016 pour Le Garçon.
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