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Les Livres

Dix portraits d’écrivaines françaises rebelles en leur temps, A l’usage des esprits curieux, Mireille Delaunay (par Parme Ceriset)

Ecrit par Parme Ceriset , le Jeudi, 14 Octobre 2021. , dans Les Livres, Recensions, Essais, La Une Livres

Dix portraits d’écrivaines françaises rebelles en leur temps, A l’usage des esprits curieux, Mireille Delaunay, Éditions Complicités, septembre 2020, 101 pages, 10 €

Dans cet essai joliment illustré par des portraits de Flora Gressard, Mireille Delaunay rend hommage aux écrivaines françaises qui ont contribué par leurs œuvres, leurs combats, leurs tempéraments souvent libres et audacieux, à faire évoluer la condition féminine et le droit pour les femmes d’accéder à l’instruction (droit réclamé notamment par Christine de Pizan dans La Cité des dames), de recevoir une éducation analogue à celle des garçons (revendication présente dans les textes de Madame de Lambert).

D’autres, comme Louise Labé, ont revendiqué également le droit à la création littéraire. Chacune a lutté à sa façon pour sa propre émancipation et celle de ses contemporaines, en vivant pour certaines de leur plume (comme Christine de Pizan ou George Sand), en se prononçant ouvertement contre le mariage forcé (Contes de Madame d’Aulnoy, roman Indiana de George Sand), en ouvrant des salons mondains ou littéraires. Ces attitudes, révolutionnaires pour leur époque dans des sociétés patriarcales, étaient souvent risquées et c’est ainsi que la « Déclaration des droits de la femme et du citoyen » a conduit Olympe de Gouges à l’échafaud.

Les aventures d’un sous-locataire, Iouri Bouïda (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mercredi, 13 Octobre 2021. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Russie, Roman, Gallimard

Les aventures d’un sous-locataire, octobre 2021, trad. russe, Véronique Patte, 456 pages, 24 € . Ecrivain(s): Iouri Bouïda Edition: Gallimard

 

On pourrait d’abord croire lire avec ces aventures de Stalen le récit des pérégrinations picaresques d’un personnage haut en couleurs, drôle, attachant, capable d’un humour féroce mais toujours sensible et généreux. La dimension comique de ce roman saute aux yeux – en particulier dans les 150 premières pages – et fait d’ailleurs de cette lecture un temps de sourire réjouissant. Les déambulations de Stalen, dans un Moscou fascinant, glacial dessus, bouillant dessous, ramènent à la grande littérature d’aventure que Bouïda salue d’ailleurs par les titres qu’il donne à chacun des chapitres de ce roman :

Chapitre 1, Où il est question du bouton supérieur d’une chemise, de métamizole sodique et de diminution de frais d’entretien / Chapitre 2, Où il est question de la promiscuité de l’existence, d’une femme à la petite vessie et de poésie picaresque.

Sur Dieu, Rainer Maria Rilke (par Marc Wetzel)

Ecrit par Marc Wetzel , le Mardi, 12 Octobre 2021. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Langue allemande, Poésie, Arfuyen, Correspondance

Sur Dieu, septembre 2021, trad. allemand, Gérard Pfister, 123 pages, 14 € . Ecrivain(s): Rainer Maria Rilke Edition: Arfuyen

 

Cinq lettres (datées de 1915 à 1925 – Rilke meurt en 1926) sont ici réunies, écrites à des correspondants divers – auxquels Rilke fait l’honneur de confier quelque chose, et dont il sait mériter déjà la confiance. Pas nécessairement des très proches, mais gens tels qu’ici ses efforts de comprendre leur (et nous) parlent en amis. La tonalité d’ensemble de ces lettres est en effet, familièrement, plutôt ceci : des conseils (spirituels) d’ami.

Car ici, incontestablement, Rilke est moins poète que penseur : il tente de dévoiler (de restituer) la réalité de Dieu derrière ses apparences, alors que chanter Dieu en poète, en artiste, ce serait forger une apparence réussie (stylistiquement, imaginativement, expressivement réelle – et seulement une de plus !) du divin, et il ne le fait pas : une œuvre verbale enrichirait notre expérience de Dieu, mais la compliquerait d’autant. Alors Rilke, sans composer, pense – mais, autre surprise, sans philosopher, sans éclairer conceptuellement notre approche du divin, mais plutôt en purifiant notre accès à lui. Avant même de chercher l’être de Dieu, Rilke veut s’assurer (comme Eckhart, par exemple) que c’est bien Dieu seul que nous y cherchons, et (comme Augustin) pour Lui que nous le tentons.

Les Bourgeois de Calais, Michel Bernard (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Mardi, 12 Octobre 2021. , dans Les Livres, Recensions, La Une Livres, Roman, La Table Ronde

Les Bourgeois de Calais, août 2021, 192 pages, 20 € . Ecrivain(s): Michel Bernard Edition: La Table Ronde

 

En principe, la postérité aurait dû oublier aussi complètement que possible le nom d’Omer Dewavrin (1837-1904). Maire de Calais de 1882 à 1885, puis encore à partir de mai 1892, il ne se montra ni plus remarquable, ni plus incompétent ou corrompu que la majorité des édiles. Seule l’érudition locale – et encore – devrait se souvenir de lui. L’histoire de Calais, précisément, intéressait Omer Dewavrin. Il savait qu’au commencement de la Guerre de Cent Ans, sa ville fut assiégée pendant près d’un an par les Anglais. Contrainte de se rendre, elle n’échappa aux meurtres, aux viols et au pillage qui suivaient invariablement toute reddition d’une cité que grâce à un marchand, Eustache de Saint-Pierre, volontaire pour déposer les clefs de la ville aux pieds du roi d’Angleterre. Cinq autres notables l’accompagnèrent vers ce qui apparaissait comme une mort certaine. L’épisode, qui se termina mieux qu’escompté, est raconté par Froissart. Souhaitant que sa ville rendît hommage à Eustache de Saint-Pierre et à ses compagnons, et pas seulement en donnant leurs noms à des rues (ce qui présente le mérite de ne pas grever les finances), Dewavrin « monta » en 1884 à Paris afin de rencontrer un sculpteur dont on commençait à parler, bien qu’il ne fût plus tout jeune : Auguste Rodin.

Lipstick Traces, Une histoire secrète du vingtième siècle, Greil Marcus (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Mardi, 12 Octobre 2021. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED, USA

Lipstick Traces, Greil Marcus, Folio, juin 2021, trad. anglais (USA) Guillaume Godard, 672 pages, 15 €

C’est une question lancinante, qui permet à l’une ou l’autre publication de concevoir un numéro spécial, tel que le fit Le Magazine Littéraire, il y a quasi vingt ans ! existe-t-il une littérature rock ? Non, définitivement non. Il existe des romans, nouvelles et poèmes qui ont tenté avec plus ou moins de bonheur de traduire l’esprit du rock (on pense au Human punk de John King, belle réussite littéraire et musicale), d’autres qui partagent une vision du monde, de la vie, pour une époque donnée (ainsi, le cyberpunk est-il soluble dans le Radioactivity de Kraftwerk ou les disques de Cabaret Voltaire ?) ; il existe aussi de remarquables plumes critiques, que l’on soit ou non d’accord avec leurs goûts – Lester Bangs, Nick Tosches, Jon Savage, Nick Kent ou encore, en France, Patrick Eudeline ; ces journalistes, dans de rares pages, sont parvenus à rendre en quelques paragraphes l’influx énergétique d’un disque écouté à un volume sonore indécent parce qu’il remuait les tripes – peut-être l’auteur de ces lignes y est-il parvenu aussi, dans une autre vie. Juste à côté du rock, il y a la littérature « beat », fumeuse au propre comme au figuré, et qui, au-delà de toute considération intellectuelle ou universitaire, est illisible soixante-dix ans plus tard – qui prend plaisir à lire le salmigondis qu’est Sur la route ? Bref, littérature et musiques d’origine afro-américaine, blues, jazz, rhythm’n’blues, soul, rock’n’roll, etc., c’est un mariage dans l’ensemble stérile.