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Les Livres

Mes Arabes, Un chant d’amour postcolonial, Olivier Rachet (par Philippe Thireau)

, le Jeudi, 07 Octobre 2021. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Tinbad

. Ecrivain(s): Olivier Rachet Edition: Tinbad

Arabe, « celui qui vit sous la tente ». Dans cet espace clos, bercé par le vent, un monde est né.

Il n’est qu’un dieu, Allah. Ainsi le nomment les chrétiens d’Orient, les Palestiniens épousant le catholicisme. Ainsi l’appellent les musulmans. C’est en Palestine justement, à Bethléem, que l’auteur, en une église au soir de la Nativité, fut pris d’un sentiment de consternation et d’ivresse en entendant prononcer le nom d’Allah et d’un irrépressible désir conjoint de se livrer à tous les mâles assemblés, en martyr d’une cause vénale, « la malédiction d’aimer les hommes ».

Mes Arabes est un hymne à cette malédiction, à la fois abaissement et transcendance. On ne peut oublier Pasolini au passage. Il est présent, à peine évoqué, silhouette tragique, magique. La pertinence du rapprochement me semble avérée par cette phrase extraite d’une interview de PPP donnée à Furio Colombo, quelques heures avant sa mort à Fiumicino en 1975 : « J’ai la nostalgie des gens pauvres et vrais ». Le corps de Pasolini était le pays des gens pauvres et vrais ; ceux-là même qui pour seule arme disposaient d’une barre de fer pour l’abattre. Les intellectuels italiens l’ont-ils compris ? Rachet fait corps, lui, avec la communauté arabo-musulmane et la masse des refoulés d’hier et d’aujourd’hui.

Enfant de salaud, Sorj Chalandon (par Mélanie Talcott)

Ecrit par Mélanie Talcott , le Mercredi, 06 Octobre 2021. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Grasset

Enfant de salaud, août 2021, 336 pages, 20,90 € . Ecrivain(s): Sorj Chalandon Edition: Grasset


« Si tu doutes de tes pouvoirs, tu donnes du pouvoir à tes doutes, et si tu ne connais pas tes blessures, tu leur donnes ton pouvoir. Si quelqu’un me guérit et me retire mon mal, j’entends aussi qu’il me hisse au niveau de conscience que j’aurais atteint si j’avais moi-même résolu ce que ce mal devait m’apprendre. S’il me laisse dans le même état de conscience après m’avoir retiré mon mal, il me vole l’outil de ma croissance que peut être cette maladie » (Taisha Abelar, Le Passage des sorciers)

Il y a des blessures intimes qui ne cicatrisent jamais. On a beau les enfouir dans un oubli mémoriel, conscient ou non, leur dénier l’évidence de nous avoir construit et nourri en nous une faiblesse passive, voire destructrice, ou au contraire un formidable appétit de vivre, elles continuent de suppurer sans jamais que l’on puisse se défaire de leur attrait méphitique. On y revient sans cesse, poussé par le besoin de comprendre ce qui échappe justement à notre compréhension et nous semble pour cela inacceptable. Ces fantômes que nous avons aimés, avant peut-être de les mépriser, voire de les haïr, hantent nos cimetières intimes.

Le Printemps de Lazare, Julien Burgonde (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Mercredi, 06 Octobre 2021. , dans Les Livres, Recensions, La Une Livres, Récits, Jacques Flament Editions

Le Printemps de Lazare, Julien Burgonde, mai 2021, 222 pages, 16 € Edition: Jacques Flament Editions

 

Quand la maladie traverse le parcours familial et professionnel d’un cancérologue connu et reconnu, c’est la descente infernale. Il faut apprivoiser ce cancer logé dans le corps, il faut se donner les défenses, et alors, dans cette lutte inégale, les réserves cèdent, les recours s’amenuisent. Viennent les traitements lourds, douloureux. Hormonothérapie, radiothérapie, etc. On les a tant recommandés aux patients, mais ici le cancérologue est devenu le patient. Il faut tout revoir avec d’autres yeux, sentir autrement.

Le pouvoir de ce livre qui scrute et décèle la maladie avec le tact et la précision entomologique est de redonner confiance, en dépit de tout, de la peur de mourir, de celle de voir sa vie amoindrie, celle aussi de ne plus avoir de repère visible, tant les craintes sont venues interrompre le cours vital.

Tenir carnet de sa maladie, c’est pourtant une manière d’éradiquer la peur foncière, c’est aussi faire fi du cancer pour noter au jour le jour les progrès.

Julius Winsome, Gerard Donovan (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 05 Octobre 2021. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Roman, Points

Julius Winsome, Gerard Donovan, trad. américain, Georges-Michel Sarotte, 247 pages, 6,50 € Edition: Points

 

Qui est Julius Winsome ?

Un grand lecteur de William Shakespeare ? Sans aucun doute, au milieu des trois mille trois cent quatre-vingt-deux livres que son père lui a légués.

Un solitaire absolu ? Assurément, dans sa cabane perdue dans une forêt du Maine du nord, à la frontière canadienne.

Le propriétaire d’un chien qu’il aime éperdument ? Bien sûr, son Hobbes adoré, mi-terrier mi-pitbull.

Un sniper exceptionnel ? Aussi, quelques-uns vont en faire la terrible expérience.

Ou bien un serial-killer ? Qui sait ?

Confrontations avec l’histoire, François Hartog (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Mardi, 05 Octobre 2021. , dans Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres, Folio (Gallimard), Histoire

Confrontations avec l’histoire, François Hartog, mai 2021, 368 pages, 9,70 € Edition: Folio (Gallimard)

 

Dans le numéro 566 du trimestriel La Recherche, dont le thème est « Le Temps et l’Espace », l’historien François Hartog (1946) répond aux questions de Philippe Pajot – un historien dans « Le magazine de référence scientifique » ? Oui, tout à fait à sa place, en accord total avec le thème développé : le temps. En effet, celui-ci semble avoir définitivement cessé de couler depuis le début de la pandémie en cours, en particulier durant les différents confinements, incitant à un présentisme absolu – lié aussi à l’incapacité que semble avoir l’Homme de se projeter dans l’avenir de façon positive depuis quelques décennies. Pour faire bref, entre des machines qui ont accéléré tant les rapports économiques que les rapports humains, les seconds s’inféodant aux premiers, tous réduits à l’instantanéité (d’ailleurs, il est remarquable qu’un réseau social populaire porte un nom proclamant l’instantanéité comme valeur, Instagram), et l’effondrement de plus en plus envisageable d’un certain modèle civilisationnel, l’Homme s’est réfugié dans le présent, devenu le seul moment à discuter, à prendre en considération – et au passage l’histoire a cédé le pas à la mémoire, la tentative de compréhension du passé a cédé le pas à la commémoration, et l’inscription au Patrimoine Mondial de l’Humanité tel que décrété par l’Unesco est devenue la garante de l’existence.