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Les Livres

Nuit de foi et de vertu, Louise Glück (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Vendredi, 15 Octobre 2021. , dans Les Livres, Recensions, La Une Livres, USA, Poésie, Gallimard

Nuit de foi et de vertu, Louise Glück, mars 2021, trad. américain, Romain Benini, édition bilingue, 160 pages, 17 € Edition: Gallimard

 

Alternant les poèmes plus longs et les textes plus brefs, la poète américaine, lauréate du dernier Nobel de Littérature (2020), nous oriente vers une poésie qui camoufle l’autobiographie sous des dehors étranges, des récits qui ont l’apparence de l’invention et des souvenirs qui sentent le vécu. Le mélange, réaliste et fantastique, entre passé et rêve, retient toute l’attention. On y perçoit la sève de qui veut se plonger dans le passé et la volonté de sertir le tout des outils de la création et du regard en surplomb. Le titre du volume, qui fait tantôt intervenir un garçon, tantôt une fille, dont chacun a un frère ou une sœur, provient d’un titre lu par un enfant le soir.

À ce propos, que d’images de nuit traversent ce livre, plein d’inquiétude et de foi en un passé où s’agrègent les parents, les frère et sœur, une tante. On sent bien sûr le désir ici de faire de la poésie un tremplin spirituel vers des strates peu explorées ; en quoi la séance d’analyse éclaire vraisemblablement un travail sur ces matières essentielles pour l’auteure.

Les nuits donc sont fécondes et engendrent ce qu’elles enregistrent de plus nu, de plus vrai, qui sourd de l’existence.

Toutes ces foutaises (Kol hadha al-haraa), Ezzedine Fishere (par Patryck Froissart)

Ecrit par Patryck Froissart , le Vendredi, 15 Octobre 2021. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Toutes ces foutaises (Kol hadha al-haraa), Ezzedine Fishere, Editions Joëlle Losfeld, mars 2021, trad. arabe (Egypte) Hussein Emara, Victor Salama, 283 pages, 22 €

 

« Ce roman est constitué de récits que m’a remis Omar Fakhreddine. Il m’a appelé un jour de l’été 2016. D’habitude, je ne réponds pas aux numéros inconnus, mais je m’ennuyais ce jour-là et je n’avais rien à faire, alors j’ai décroché ».

La genèse d’une œuvre peut tenir à peu de choses. Si Ezzedine Fishere ne s’était pas ennuyé le jour où Omar Fakhreddine l’a appelé pour lui proposer de transcrire ses histoires, ce roman n’existerait pas…

Le procédé littéraire n’est pas nouveau. Nombre de romans, et non des moindres, sont nés, aux dires de leur auteur, soit de la transcription de ce qui lui a été confié par les personnages qui déclarent en avoir vécu les péripéties ou en avoir été les témoins, soit de la copie ou de la reconstitution de manuscrits dont il a découvert l’existence mystérieuse dans des greniers, des caves, des grottes… Ici (nous sommes au siècle des technologies de la communication), l’auteur a pour mission de transcrire et de publier des enregistrements vocaux réalisés sur des clés USB que lui remet Omar.

Wonder Landes, Alexandre Labruffe (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Jeudi, 14 Octobre 2021. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Verticales

Wonder Landes, Alexandre Labruffe, août 2021, 288 pages, 19 € Edition: Verticales

 

« Dans le brouillard du temps,

un fragment de forêt perdu dans les Landes.

Souvenir d’un monde enfoui ».

« Masque, en latin médiéval, “masca, maska”,

c’est : la sorcière, le spectre.

Mon frère est un spectre ».

 

Wonder Landes est à la fois un roman de la crainte, celle de la disparition du père, et d’une nouvelle déflagration générée par le frère Pierre-Henri, aux identités multiples et volatiles, un frère flou, que l’on dira fou. Le roman des mensonges, des doutes, des découragements, et des saisissements lors du retour sur les chemins et les terres d’enfance, les chemins d’une reconquête familiale.

Okoalu, Véronique Sales (par Patrick Devaux)

Ecrit par Patrick Devaux , le Jeudi, 14 Octobre 2021. , dans Les Livres, Recensions, La Une Livres, Roman

Okoalu, Véronique Sales, Éditions Vendémiaire, août 2021, 280 pages, 18 €

 

Il s’agit d’un roman en dehors de toute conception de lieu, de temps et d’action malgré des noms et une région citée pour situer une île qui, sans doute, n’existe pas. Révélée entre des routes maritimes contournées, elle est d’autant plus isolée, et c’est sur cette île que vont évoluer des enfants en dehors d’un contexte parental prétendument « normal » généralement.

Disons-le tout de go, le roman n’a rien à voir avec Robinson Crusoé. Le contexte, s’il peut parfois paraître comme étant « de survie » (et c’est forcé après un crash aérien laissant des enfants à leur propre sort), va au-delà de cette perception un peu immédiate. Rien non plus à voir avec un quelconque mythe du « bon sauvage ».

J’y verrais plutôt une maïeutique à construire l’être, à le modeler pour qu’il devienne lui-même en fonction des choix possibles : « Ce que l’île avait fait d’eux, c’était ce que disait brève, entêtante, la chanson de Mania – qu’ils étaient pourvus à présent, et il ne serait plus au pouvoir de personne de les en priver, d’une forme de vie nouvelle : primitive, insolente, éternelle ».

Dix portraits d’écrivaines françaises rebelles en leur temps, A l’usage des esprits curieux, Mireille Delaunay (par Parme Ceriset)

Ecrit par Parme Ceriset , le Jeudi, 14 Octobre 2021. , dans Les Livres, Recensions, Essais, La Une Livres

Dix portraits d’écrivaines françaises rebelles en leur temps, A l’usage des esprits curieux, Mireille Delaunay, Éditions Complicités, septembre 2020, 101 pages, 10 €

Dans cet essai joliment illustré par des portraits de Flora Gressard, Mireille Delaunay rend hommage aux écrivaines françaises qui ont contribué par leurs œuvres, leurs combats, leurs tempéraments souvent libres et audacieux, à faire évoluer la condition féminine et le droit pour les femmes d’accéder à l’instruction (droit réclamé notamment par Christine de Pizan dans La Cité des dames), de recevoir une éducation analogue à celle des garçons (revendication présente dans les textes de Madame de Lambert).

D’autres, comme Louise Labé, ont revendiqué également le droit à la création littéraire. Chacune a lutté à sa façon pour sa propre émancipation et celle de ses contemporaines, en vivant pour certaines de leur plume (comme Christine de Pizan ou George Sand), en se prononçant ouvertement contre le mariage forcé (Contes de Madame d’Aulnoy, roman Indiana de George Sand), en ouvrant des salons mondains ou littéraires. Ces attitudes, révolutionnaires pour leur époque dans des sociétés patriarcales, étaient souvent risquées et c’est ainsi que la « Déclaration des droits de la femme et du citoyen » a conduit Olympe de Gouges à l’échafaud.