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Les Livres

Un secret, Magdalena, Elsa Oriol (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Vendredi, 17 Septembre 2021. , dans Les Livres, Recensions, La Une Livres, Jeunesse

Un secret, Magdalena, Elsa Oriol, éditions L’Étagère du bas, septembre 2021, 32 pages, 14 €

 

Le pot-aux-roses

Dès l’ouverture de ce remarquable album jeunesse, riche de 32 pages, aux dimensions de 24,5 cm x 30,5 cm, le mot secret s’affiche sur la 2ème et la 3ème de couverture, sous forme de messages confidentiels, dépliés et froissés, assez nombreux (plus de 40). Ces bouts de papier relatent un morceau d’histoire de Paul et de Laura, les deux principaux protagonistes. L’on peut y lire Journal secret intime, ou pitié dis-moi ton secret, tu sais pas garder un secret, etc., griffonnés avec une écriture enfantine et colorée. La graphiste et illustratrice Elsa Oriol brosse de véritables tableaux, à la peinture à l’huile, ce qui est assez rare. L’on peut voir le jus de la matière pour le motif des cheveux, par exemple, le grattage du fond (des sols), le tout assorti de tons poudreux, mats, bistres, rehaussés de bleus ciel, de jaunes paille.

Les Bourgeois de Calais, Michel Bernard (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Jeudi, 16 Septembre 2021. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, La Table Ronde

Les Bourgeois de Calais, août 2021, 192 pages, 20 € . Ecrivain(s): Michel Bernard Edition: La Table Ronde

 

« Le sculpteur continuait d’appuyer les pouces dans la glaise, de l’évider, l’amincir et la renfler du bout des doigts, y planter les ongles pour en extraire des rognures. À la surface, les ombres frémissaient, se déplaçaient ».

« Il flairait l’odeur du plâtre frais, et du bout de l’index sentit un reste d’humidité. Il faillit le porter à la bouche. Il revint à son dossier et reprit sa lecture, jetant de temps à autre un coup d’œil sur la maquette blanche qui venait de bouleverser l’univers familier de son bureau ».

Les Bourgeois de Calais ne pouvaient rêver meilleure évocation de leur histoire, de leur destin, et de leur seconde naissance. On ne pouvait rêver meilleur roman de la naissance de ce bronze devenu une légende et celui des hommes de passion qui l’ont inspiré et voulu. Les Bourgeois de Calais est le roman d’une passion, il vibre, et s’enflamme, comme l’était Le Bon cœur, cet admirable roman sur Jeanne d’Arc. C’est le livre d’une rencontre unique entre Auguste Rodin, géant aux mains magiques, à la vision éternelle, et à l’imagination rayonnante, et Omer Dewavrin, notaire et maire inspiré de Calais.

Barques renversées, Federigo Tozzi (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Jeudi, 16 Septembre 2021. , dans Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres, Italie

Barques renversées, Éditions La Barque, janvier 2021, trad. italien, et postface, Philippe Di Meo, 96 pages, 18 € . Ecrivain(s): Federigo Tozzi

 

Entre philosophie, psychologie de l’intime et aphorismes, le livre du romancier italien, disparu si jeune, propose une véritable sagesse, selon un regard décapant, toujours vrai.

L’âme – mot qui sans cesse revient le long de ces pages – connaît tourments, doutes, découragements, hésitations, et les pensées de l’auteur prennent la forme d’une étude très analytique, très clinique des soubresauts de ce cœur qui penche, qui pense, qui aime, qui doute.

Écrits entre 1908 et 1911, et partiellement parus du vivant de l’auteur, ces textes des Barques renversées avoisinent les cheminements spirituels des géants Pessoa et Proust, quasi à la même époque de gestation de leurs œuvres. Certes, aucun des trois ne connaissait les autres ; toutefois une parenté d’étude saute aux yeux. Aux intermittences proustiennes et aux cogitations multiples du Portugais répondent les pensées de Tozzi.

On est frappé par le caractère à la fois incisif et compulsif de ces notes qui dépiautent l’âme, mettent à nu les plus intimes pensées, révèlent une intelligence et une acuité de haute lice.

Face aux maisons, Philippe Fumery (par Murielle Compère-Demarcy)

Ecrit par MCDEM (Murielle Compère-Demarcy) , le Jeudi, 16 Septembre 2021. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED, Poésie

Face aux maisons, Philippe Fumery, éditions Henry, Coll. Les Ecrits du Nord, avril 2021, 89 pages, 12 €


Le titre de ce nouvel opus poétique de Philippe Fumery, édité chez Henry dans la collection dirigée par Jean Le Boël, Les Écrits du Nord, se trouve explicité à la dernière page. Nous n’en révèlerons pas bien sûr le contenu ici mais indiquons qu’il s’agit d’une citation du poète Pierre Dhainaut, ce qui n’est pas anodin, et qu’elle reste valable non seulement en toutes circonstances mais plus particulièrement au vu du travail du poète. Ainsi ce que le poète nous donne à voir dans le détail des contingences simples, des aléas soulevés par le regard dès que celui-ci se révèle curieux, constitue une mise en abyme de son activité, ce qui revient à dire qu’écrire le poème de chaque jour le respire en ses pores, en mange les instants de tristesse et la joie, en visualise les odeurs, en écoute les humeurs – dans une synesthésie fabuleuse qui nous fait palpitation intégrante d’un cosmos aussi vivant que l’inconnu sidéral est fascinant.

King Zeno, Nathaniel Rich (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mercredi, 15 Septembre 2021. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Roman, Seuil

King Zeno (King Zeno, 2018), Nathaniel Rich, Seuil Cadre Noir, septembre 2021, trad. américain, Camille de Chevigny, 427 pages, 21,90 € Edition: Seuil

 

La Nouvelle-Orléans meurtrie, bouillonnante, est la seule véritable héroïne de ce roman taillé comme une passionnante monographie noire. La période racontée, à peu près 1918-1920, fait se croiser l’Histoire réelle et les histoires fictionnelles (vraiment ?) comme la trame d’une narration serrée, prenante, souvent vertigineuse. Les traumatismes de la grande guerre – les cauchemars peuplés de tranchées et de corps déchiquetés, les désordres mentaux – la Ville qui naît au modernisme dans une agitation mafieuse grandissante (le Grand Canal du Mississippi au Lac Pontchartrain est en construction), la Grippe Espagnole qui frappe la ville de ses vagues meurtrières et le Jazz (Jass) à sa naissance aux sons des cornets et des pianos des gamins Louis Armstrong, Drag Nasty et Funky Butt.

Nathaniel Rich dynamite toute notion pré-acquise de « roman noir » et propose une ode à la modernité, ses grandeurs et ses ravages. Dans une langue rugueuse et syncopée – scandée par les sons – il invente une véritable mélopée sombre qui porte les drames d’une ville et d’une époque.