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Les Livres

Éphémères, Annie Perec Moser (par François Baillon)

Ecrit par François Baillon , le Mercredi, 24 Novembre 2021. , dans Les Livres, Recensions, La Une Livres, Poésie, Le Coudrier

Éphémères, novembre 2019, 74 pages, 18 € . Ecrivain(s): Annie Perec Moser Edition: Le Coudrier

 

Le titre Éphémères fait immédiatement référence dans notre esprit à des instantanés, à des photographies saisies par le regard de la poète. La photographie de la couverture, signée Damien Gatinel, laisse cependant présager que, par-delà le regard, se situe l’imaginaire. Et c’est bien ce qui nous attend dans ce recueil, où Annie Perec Moser affirme l’acuité de sa vision.

À la lecture de ses poèmes, dont la forme nous paraît dès l’abord traditionnelle, quelque chose nous interpelle pourtant, comme si la rime attendue ne venait pas, comme si nous avions été bernés par cette apparente tradition formelle. C’est cela, en vérité : la poète nous surprend l’air de rien, mais elle nous ouvre en même temps à une grande fluidité au sein de sa poésie. Il n’est parfois qu’à se laisser conduire par le courant ; mais c’est pour mieux être saisi à la fin : l’ingénuité de la jeunesse rencontre fréquemment la cruauté la plus perverse, comme le montre excellemment L’enfer, commençant par le vers : « J’aimerais coudre les nuages ».

À la folie, Joy Sorman (par Martine L. Petauton)

Ecrit par Martine L. Petauton , le Mercredi, 24 Novembre 2021. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

À la folie, Joy Sorman, Flammarion, février 2021, 288 pages, 19 €


Le titre d’abord, qu’on peut lire avec des sens différents : est-ce de la part de l’auteure un j’ai aimé à la folie mener cette enquête ? ou bien a-t-elle dédié ce livre à la folie et à tous ceux qui à divers titres ont affaire aux pathologies mentales, dans le secteur fermé d’hôpitaux psychiatriques ? Sans doute les deux, à l’issue (mais peut-on parler d’issue au retour de telles enquêtes ?) des mois passés dans deux hôpitaux-immersion d’un genre inédit, auprès des soignants, patients – tous différents – dans des lieux pour le moins à part, notamment le pavillon 4 B, et ses 12 lits et une chambre d’isolement. Il faut aussi dans le lot compter l’auteure car, même si elle se présente dans les lieux comme journaliste, ce qui diffère de bien d’autres investigations « en caméra cachée », elle revendique les postures, émotions, pensées d’un humain venu du monde dit « normal » chez « les fous ». Elle nous emporte du coup avec elle dans cette aventure à l’intérieur, nous évitant ce regard extérieur, voyeur, et vaguement protecteur, qu’on lit ou regarde tant ailleurs.

Le petit fiancé, récits du Ghetto de New York Abraham Cahan (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 23 Novembre 2021. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Roman, Nouvelles, Zoe

Le petit fiancé (The Imported Bridegroom and Other Stories of The New York Ghetto, 1898), Abraham Cahan, traduit de l’américain par Isabelle Rozenbaumas, 177 pages Edition: Zoe

Un court roman et une courte novella nous plongent dans une tradition aussi ancienne que la culture juive d’Europe centrale : le conte, le récit imaginaire dans les faits mais qui plonge ses racines au plus profond de la réalité juive dans l’aventure de l’exil auquel l’antisémitisme l’a contrainte. Deux joyaux, disons-le d’entrée, d’une vie, d’un esprit, d’une ironie de chaque page, de chaque ligne, qui ne peuvent que réjouir pleinement le lecteur le plus exigeant.

Le Petit Fiancé est un chef-d’œuvre de condensation littéraire. Dans une économie de moyens stupéfiante, Cahan nous emmène dans une histoire qui, de New York à Pravly, et retour, concentre magistralement le destin des Juifs émigrés en Amérique à la fin du XIXème siècle. Le fait même d’inscrire cette histoire dans un aller-retour entre la modernité grandissante de la grande ville américaine et le bourg du pays d’origine, produit un effet saisissant non d’éloignement géographique mais temporel. Le vieux Azriel plonge dans le temps, dans sa mémoire – et dans celle de milliers d’émigrés - quand il redécouvre 35 ans plus tard les rues et ruelles de Pravly, stupéfait par l’exiguïté des lieux, rétrécis par les années passées dans les vastes avenues new-yorkaises.

The Civil War : A Narrative, Shelby Foote (par Alain Faurieux)

Ecrit par Alain Faurieux , le Mardi, 23 Novembre 2021. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED, USA, Histoire

 

Vol 1 : Fort Sumter to Perryville (1958)

Vol 2 : Fredericksburg to Meridian (1963)

 

La méthode Foote

Foote historien ou Foote écrivain ? Les deux sont indissociables. Mais Foote lui-même, débutant The civil War, se présente comme avant tout écrivain. Ses sources sont principalement les archives militaires – un corpus considérable de 128 volumes, la presse populaire, les archives familiales de grandes familles qu’il a pu contacter individuellement ; ainsi qu’une poignée d’ouvrages. Ce matériau est ensuite intégré au récit de Foote, désireux de ne voir aucune note ou bas de page rompre le flot.

Le Passeur, Stéphanie Coste (par Catherine Blanche)

Ecrit par Catherine Blanche , le Lundi, 22 Novembre 2021. , dans Les Livres, Recensions, La Une Livres, Récits, Gallimard

Le Passeur, Stéphanie Coste, janvier 2021, 129 pages, 12,50 € Edition: Gallimard

 

En 2007, dans Bilal sur la route des clandestins, le journaliste italien Fabrizio Gatti écrit une odyssée vibrante qui rend compte de ce qu’il a vu et vécu – du Sénégal jusqu’au camp de rétention de Lampedusa, après s’être glissé dans la peau d’un immigré clandestin. Sans prétendre faire œuvre littéraire, il témoigne et c’est bouleversant. Le souvenir de cette lecture me pousse en janvier 2021 à aborder Le Passeur de Stéphanie Coste. Tout de suite, nous sommes au cœur de l’évènement : Sur la côte libyenne, deux arrivages de migrants – Soudanais et Somaliens – cuisent depuis une bonne semaine – entassés dans un entrepôt, dans l’attente d’un embarquement imminent pour la terre promise, l’île de Lampedusa. Mais Seyoum, passeur sans scrupule, ne fera pas charger tant que toute sa marchandise ne sera pas au complet. Or, une troisième « cargaison » d’une soixantaine d’Erythréens se fait languir. Et c’est tout le passé de Seyoum qui va débouler avec ce troisième convoi.