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Essais

Retour à Philadelphie (promenade analytique et amoureuse avec Rocky et Stallone), Quentin Victory Leydier (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Jeudi, 11 Février 2021. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres

Retour à Philadelphie (promenade analytique et amoureuse avec Rocky et Stallone), Quentin Victory Leydier, éditions LettMotif, juillet 2020, 200 pages, 18 €

 

« Rocky n’a que ça : sa capacité à résister, sur un ring comme il le fait dans la rue, dans la vie. Et c’est cette manière d’être, tout en humilité, qu’il va inculquer aux spectateurs d’une part, et à ceux qu’il va côtoyer par la suite, d’autre part. Ce n’est pas innocent si beaucoup de répliques du boxeur dans les différents films sonnent comme des aphorismes et une d’elles est assez magistrale, il faut le reconnaître, elle vient du dernier : L’important n’est pas d’être cogneur, mais d’être cogné et d’avancer quand même. D’encaisser et de continuer. C’est comme ça qu’on gagne ».

Voilà un beau pari fou, le pari d’un cinéphile curieux, pari d’écrire un livre sur Rocky/Stallone, pari de miser sur un plaisir partagé et une mémoire commune. Diable ! Stallone, peut-être le plus honni, ou tout au moins le cinéaste et le comédien, le plus ignoré d’une grande partie de la critique cinématographique, qui n’y voit qu’une machine de guerre impérialiste, marqué au fer rouge, si je puis dire, par les années Reagan.

Réflexions sur les causes de la liberté et de l’oppression sociale, Simone Weil (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Lundi, 08 Février 2021. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Payot

Réflexions sur les causes de la liberté et de l’oppression sociale, octobre 2020, 192 pages, 8 € . Ecrivain(s): Simone Weil Edition: Payot

Ces Réflexions (qu’on pouvait déjà lire dans le volume de la Collection Quarto, chez Gallimard), composées en 1934, sont une œuvre de jeunesse de Simone Weil, alors âgée de 25 ans. Mais, doit-on aussitôt se demander, qu’est-ce qui n’est pas œuvre de jeunesse parmi les livres écrits par cette femme qui mourut à 34 ans (la remarque vaudrait également pour Mozart ou Rimbaud) ? L’ouvrage ne possède pas le caractère systématique d’un traité sur une question donnée. Il s’agit plutôt d’un essai, au sens étymologique du mot, d’un exagium, pesant les termes d’une question dans les plateaux de la balance.

En 1934, Boris Souvarine, un des fondateurs du Parti communiste français, avait demandé à la jeune femme un article pour sa revue de Critique sociale. Simone travailla tout au long de l’année et il en résulta un manuscrit de 120 pages, évidemment impubliable sous forme d’article et qui ne parut qu’en 1955. Une grande partie de ce livre est marquée au coin de cet irréalisme pesant et paradoxal, car Simone Weil connaissait le monde du travail dans ce qu’il a de plus désagréable et de plus aliénant. Elle n’était pas dans la situation d’une de ces personnalités de gauche dissertant sur la classe ouvrière depuis un appartement des beaux quartiers. On pourrait croire que l’usine l’avait guérie des constructions idéales et par trop théoriques. C’est exactement le contraire qui se produisit.

Notices et esquisses relatives au ghetto de Varsovie, Emanuel Ringelblum (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Mercredi, 03 Février 2021. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Histoire, Editions Honoré Champion

Notices et esquisses relatives au ghetto de Varsovie, Emanuel Ringelblum, éditions Honoré-Champion, août 2020, trad. yiddish, Nathan Weinstock, 278 pages, 38 € Edition: Editions Honoré Champion

Que peut faire un historien de formation et de métier lorsqu’il est témoin et qu’il sera bientôt victime du plus grand massacre de tous les temps ? Les possibilités ne sont pas en nombre infini : tenter coûte que coûte d’échapper à son destin tragique, sombrer dans la folie, devancer la mort en se suicidant ou, ce qui est plus conforme à l’esprit et à la vocation de l’historien, témoigner pour un avenir qu’il ne verra pas. Emanuel Ringelblum (1900-1944) choisit cette dernière solution, en se faisant le mémorialiste du ghetto de Varsovie. La capitale polonaise abritait avant 1939 la plus importante communauté juive d’Europe.

Seul ou avec ses collaborateurs, Ringelblum a écrit des dizaines de milliers de pages. Il avait rassemblé autour de lui un groupe de cinquante à soixante personnes, avec tous les risques que cela comporte (comment s’assurer que, parmi elles, aucune ne trahira le secret ?), œuvrant au même but, dans le dénuement matériel le plus complet. Ce groupe qui, tant que cela fut possible, se réunissait le samedi pour coordonner son travail, avait reçu le nom doucement ironique d’Oneg Shabbath, « la joie du shabbat ».

Cosmogonies, La Préhistoire des mythes, Julien d’Huy (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Lundi, 01 Février 2021. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres, La Découverte

Cosmogonies, La Préhistoire des mythes, Julien d’Huy, octobre 2020, 384 pages, 22 € Edition: La Découverte

D’où proviennent les histoires qui nous fondent ? Jusqu’à quelle racine commune est-il possible de faire remonter la généalogie des histoires sur lesquelles les sociétés ont pu s’ériger mais aussi établir un code moral, des valeurs ? C’est à cette question que se propose de répondre Julien d’Huy, jeune historien, dans Cosmogonies, ouvrage au sous-titre prometteur : « La Préhistoire des mythes ». Et c’est passionnant.

Mais, et que l’auteur de l’ouvrage m’en pardonne, un bémol de première importance est à poser avant d’inciter quiconque intéressé par les histoires sous les histoires, les histoires à la genèse des histoires, à ouvrir Cosmogonies : cet ouvrage est un ouvrage scientifique, et avant tout un ouvrage scientifique. À vrai dire, par la multiplication des références scientifiques, on ressent à quel point il a tout de la thèse de doctorat publiée – à raison, publiée à raison, puisque le sujet est passionnant et, surtout, novateur et éclairant sur l’origine des mythes. Il faut donc passer outre l’aspect démonstratif et argumentatif, destiné à prévenir toute accusation de faiblesse dans la thèse, de Cosmogonies pour en goûter le sel, pour y découvrir ce que le non-spécialiste de la mythologie comparée, ce que je suis à titre personnel, est venu y chercher : des histoires qui nous fondent.

Interventions 2020, Michel Houellebecq (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Lundi, 25 Janvier 2021. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Flammarion

Interventions 2020, octobre 2020, 454 pages, 21 € . Ecrivain(s): Michel Houellebecq Edition: Flammarion

 

« 55% de ce volume figurait déjà dans la deuxième édition d’Interventions, parue en 2009. Cette troisième édition comporte donc 45% de nouveaux textes ». L’argumentation quelque peu spécieuse, signée de l’auteur à la quatrième page de couverture, rend un son étrange (pour autant, préciserait-il sans doute, qu’une argumentation parvienne à produire un son), car sur ces trente-sept textes, vingt-sept se trouvaient déjà dans le second volume de la Collection Mille & une pages (2016). Par conséquent, les trois quarts de cet ouvrage ont déjà paru sous forme d’édition unitaire et seules 150 pages n’ont jamais été réunies en volume. Cet ensemble de dix textes, publiés entre 2009 et juin 2020 (soit en moyenne un par an – on ne peut pas dire que la présence de Houellebecq sature l’espace médiatique), forme la véritable nouveauté du livre. Il manque cependant le discours prononcé à Bruxelles lors de la réception du Prix Oswald-Spengler (on le trouve dans Valeurs actuelles, 25 octobre 2018).