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Essais

The Game, Alessandro Baricco (par Sylvie Ferrando)

Ecrit par Sylvie Ferrando , le Jeudi, 08 Juillet 2021. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Folio (Gallimard), Italie

The Game, février 2021, trad. italien, Vincent Raynaud, 415 pages, 6,20 € . Ecrivain(s): Alessandro Baricco Edition: Folio (Gallimard)

 

Si l’on en croit les détracteurs d’Internet et du tout numérique, nous sommes en train de construire une civilisation virtuelle, artificielle, superficielle, décliniste, qui génère des peurs en comparaison desquelles la maîtrise du subjonctif est très rassurante. En effet, nous « roulons tous feux éteints », nous préparons une mutation anthropologique sans précédent, une véritable révolution mentale. Qu’en est-il vraiment ? Dans cet ouvrage, documenté et idéologiquement orienté, Baricco prend parti pour le numérique, séduisant et ludique, ce qu’il appelle le « Game ».

« Digital », tout comme « numérique », signifie que les informations sont traduites en chiffres par la machine. A l’emploi du terme « Internet », désignant le réseau informatique mondial, Baricco préfère celui de « Web », abréviation de « World Wide Web », ou toile mondiale, système hypertexte créé par l’informaticien Timothy John Berners-Lee en 1990 : la formule est plus dynamique, plus branchée.

Chez Temporel, Célébration d’André Hardellet, Patrick Cloux (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Jeudi, 08 Juillet 2021. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres

Chez Temporel, Célébration d’André Hardellet, Patrick Cloux, éditions Le Temps qu’il fait, mai 2021, 168 pages, 18 €

Patrick Cloux est de ces fervents de l’auteur du Temps incertain, dans le sillage de Doisneau et du réalisme poétique. Quel bonheur de redécouvrir cet auteur, fêté par Breton, Françoise Lefèvre et bien d’autres, qui mourut jeune, en 1974. C’est un écrivain marginal, des terrains vagues, des vagabondages insolites, des maraudes de l’essentiel. Chasseurs I et II sont des merveilles : répertoires de définitions poétiques, textes en prose, nouvelles. Il figurait sous le numéro 5000 dans la Collection Livres de Poche, avec une belle illustration de Magritte en couverture. Il faut lire lentement André, ses pépites, laisser décanter ses merveilles. Nourri aux littératures de l’étrange où Lewis Caroll, Mac Orlan, Nerval, occupent les hautes marges, Hardellet est un « passeur » insolite de temps et paysages qui n’existent presque plus que sous la dictée de ses trouvailles. Le styliste concis a enfermé dans ses phrases-bocaux les secrets, arcanes et mystères des lieux traversés. De la foire du Trône aux champs de courses de Vincennes, en passant par les lieux très vagues de ses nombreuses enfances, le poète des Chasseurs sait, ô combien, épeler la vie cachée des choses qui ne vibrent plus, fonds de greniers ou de ruisselets, coffres éventés, fourrures mitées mais dont le parfum reste encore longtemps comme une trace impayable.

Traité d’harmonie littéraire, Ghislain Chaufour (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Mercredi, 07 Juillet 2021. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres

Traité d’harmonie littéraire, Ghislain Chaufour, éd. Les Provinciales, avril 2021, 222 pages, 20 €

 

Le Traité d’harmonie littéraire est dédié à Pierre Boutang (1916-1998) ; non à sa mémoire, mais comme s’il était toujours parmi les vivants, ce qui est en un sens le cas (le non omnis moriar horatien est une de ces banalités qui recèlent une vérité profonde et triste. Ainsi que le disait Woody Allen : « I don’t want to achieve immortality through my work ; I want to achieve immortality through not dying »). Et ce n’est que justice, car la dette envers l’auteur de Ontologie du secret est grande. Mais Ghislain Chaufour ne se borne pas au statut de simple épigone, de disciple suiveur trottant derrière le Maître, plaquant sur le sujet examiné des catégories, des vues, des idées prises chez lui. De même que Boutang a fini par s’affranchir de Maurras, Ghislain Chaufour a dépassé le stade, à la fois fécond et nécessaire, de l’admiration, pour livrer une pensée propre, différente, aboutie.

Agencement du désert, Carole Mesrobian (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Vendredi, 02 Juillet 2021. , dans Essais, Les Livres, Recensions, Critiques, La Une Livres, Poésie, Z4 éditions

Agencement du désert, mars 2020, 132 pages, 11 € . Ecrivain(s): Carole Carcillo Mesrobian Edition: Z4 éditions

 

Certains livres sont difficiles à cataloguer, encore faut-il qu’il soit nécessaire de procéder de la sorte. L’essai, sans doute, permet d’être seulement un texte, au sens plein d’une écriture de l’imaginaire. Y entrent de plein droit l’expression autobiographique, les traces de lectures, les rêves enfouis, le désir d’écrire.

Mêlant considérations biographiques, exploration du domaine de la femme, découverte de la Littérature et analyses précises des épigraphes de Stendhal, poèmes de l’auteure, le texte très polysémique de Mesrobian met en lumière le rôle de l’écrit, sa sauvegarde et son effet de catharsis.

Les pages émouvantes de la fille sur la mère (la non-mère), sur les avancées très relatives de la condition de la femme, plongent le lecteur dans une approche humaniste, partageable : l’enfance y a sa fonction (« la pulpe végétale de l’enfance »), « écrire c’est être libre » ou encore « l’Art est un corps qui respire ». Tissant sa recherche sur l’appui d’œuvres comme celles de Huysmans ou de Grünewald, Mesrobian affûte l’outil pour aboutir au travers de Michaux à cette « puissance incantatoire du cri ».

Ella Fitzgerald, Il était une voix en Amérique, Steven Jezo-Vannier (par Guy Donikian)

Ecrit par Guy Donikian , le Mercredi, 30 Juin 2021. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Biographie, La rentrée littéraire, Le Mot et le Reste

Ella Fitzgerald, Il était une voix en Amérique, Steven Jezo-Vannier, mai 2021, 367 pages, 24 euros Edition: Le Mot et le Reste

Beaucoup a été dit et écrit sur Ella Fitzgerald. Un livre de plus pourrait-on dire, quel intérêt… Pourtant, intérêt il y a pour qui s’intéresse à la musique, aux mouvements sociaux qu’elle a traduits en créant des courants et des genres musicaux ; et pour qui s’intéresse aux musiciens, l’intérêt ici réside dans le détail d’une vie que « hasard et nécessité » ont vouée à la musique. The first lady of song avait une tessiture exceptionnelle qui lui a permis d’exercer son art dans le jazz, mais aussi le swing, le bebop, avec les plus grands musiciens (la photo de couverture de 1947 la montre en compagnie de Dizzy Gillespie et de Ray Brown), le blues, le rythm and blues et le gospel. Ella Fitzgerald ne s’est jamais laissé enfermer dans un style. Elle n’accorde pas plus d’importance aux frontières artistiques qu’elle n’admet de barrières culturelles, sociales ou raciales. Elle chante pour tout le monde, riche ou pauvre, Noir ou Blanc. A ses yeux, la musique, comme le public, ne doit souffrir d’aucune ségrégation. La musique n’a pas de couleur dira-t-elle en 1963. Des styles musicaux différents donc, qui traduisent aussi son engagement. « Ella était là bien avant le black power, les protest song et la révolution rock. Son truc à elle, c’est le soft power. Elle utilise l’essence universelle de la musique et son pouvoir fédérateur pour abattre les murs ».